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Pourquoi les marchés d’Afrique brûlent-ils?
Publié le samedi 30 septembre 2017  |  Jeune Afrique


© aLome.com par Edem
Incendie du grand marché de Lomé de ce 21 février 2014
Lomé, le 21 février 2014. Un incendie déclenché au marché d`Adawlato, a abimé un bâtiment avant l`arrivée des sapeurs-pompiers. Bậches déchiquetées devant l`immeuble "Ezé Sapé"


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À Abobo, Lomé, Libreville ou Bamako, des incendies aussi spectaculaires que prévisibles ont ruiné des milliers de commerçants. À chaque fois, la vétusté des installations et le laxisme des autorités sont dénoncés.

Toute la nuit, Djeneba Coulibaly est restée debout, à regarder les efforts d’une vie s’envoler en fumée. Elle se souvient de tout : du grand chantier, en 1984, à Abobo, une commune d’Abidjan, lorsque des dizaines d’ouvriers ont fait sortir de terre ce marché de béton et de fer ; et de son ouverture, deux ans plus tard. Elle revoit sa mère, qui, dès le premier jour, s’y était installée. Puis c’est elle, il y a douze ans, qui a pris la relève, ajoutant à la vente de fruits de son étal de la poudre de baobab, du gingembre et des jus en briques. « Ça marchait très bien », soupire-t-elle. Chaque jour, ses marchandises lui rapportaient 20 000 à 25 000 F CFA (30 à 38 euros). Tout a été réduit en poussière.

L’incendie s’est déclaré vers 20 heures, le 17 septembre, du côté des vendeurs de légumes et de pagnes. Arrivés sur place une heure plus tard, les pompiers ivoiriens ont lutté toute la nuit contre les flammes, aidés par une quinzaine de leurs homologues des Forces françaises en Côte d’Ivoire. Ils n’y sont parvenus que vers 6 heures du matin, laissant derrière eux un paysage de désolation : il ne reste presque rien des 3 000 m² d’échoppes.

L’anarchie des lieux a compliqué le travail des soldats du feu : la plupart des bouches d’incendie, enfouies sous les kiosques, étaient devenues inaccessibles. D’autres ont été difficiles à localiser, et certaines offraient un débit beaucoup trop insuffisant. Pas vraiment étonnant, cela fait des années que les commerçants d’Abobo voient leur marché se dégrader. En dix ans, quatre incendies – de moindre ampleur que le dernier – s’y sont déjà déclarés.

Les occupants ont bien tenté d’alerter les autorités, en vain. Ils se sont résignés à reconstruire seuls les zones endommagées. Une partie du premier étage, inondé à la moindre averse, a été désertée. Surtout, le marché accueillait bien plus que les 1 500 vendeurs prévus. La mairie en a recensé 6 000, sans compter les travailleurs informels, présents par centaines, entassés dans le moindre mètre carré de ce dédale.

Feu le cœur bouillonnant de Abobo

Avec son large choix de marchandises et ses prix attractifs, le grand marché d’Abobo était l’un des plus importants et des plus prisés d’Abidjan. Des bijoux en toc aux pagnes de qualité, des téléphones portables à l’attiéké : on y trouvait de tout. Les commerçants des autres communes venaient s’y ravitailler en gros, les familles affluaient le week-end. On se bousculait, on s’interpellait, on riait dans ces allées bondées aux odeurs d’épices et de poisson séché. Situé au centre de cette commune populaire, à deux pas de la mairie, il en était le cœur bouillonnant.

Abobo en Côte d’Ivoire donc, mais aussi Mont-Bouët à Libreville en 2016, Dantokpa à Cotonou en 2015, Kara et Lomé en 2013, Bujumbura la même année, Douala en 2009, Rood Woko à Ouagadougou en 2003… On ne compte plus les marchés réduits en cendres. À chaque incendie, les images de destruction sont les mêmes, et la cause est souvent identique : une étincelle due à un court-circuit provoqué par l’un des innombrables branchements sauvages.

« Jeudi, j’ai vu des gens se raccorder illégalement à un câble électrique dans un magasin juste à côté du mien… Et, dimanche, c’est de cette zone que le feu est parti », témoigne Djeneba Coulibaly. Alimenté par le bois des boutiques illégales et par le plastique des parasols, il se propage de baraque en baraque comme une traînée de poudre. Sur place, rares sont les extincteurs en état de fonctionner. Et personne ne contrôle que les normes de sécurité et de salubrité sont respectées. « La mairie s’en fiche. Ils ne viennent que pour récupérer leur argent », dénonce la vendeuse.

Les autorités n’ont en effet pas toujours intérêt à réguler ces lieux de vie et de commerce. Au mieux, elles laissent faire, au pire, elles encouragent le désordre ambiant et en profitent. La plupart du temps propriété publique dépendant des communes, les marchés constituent une importante source de revenus. Les commerçants doivent acheter leur place puis s’acquitter d’une taxe journalière – 200 F CFA pour un petit stand, jusqu’à 10 000 F CFA pour un vrai magasin à Abidjan, par exemple. Plus ils sont nombreux, plus les gains sont importants pour les municipalités.

Les incendies sont donc des coups très durs pour tous. Les morts sont plutôt rares mais des kilos de marchandises partent en fumée, et souvent beaucoup d’argent aussi. Le cash est souvent préféré au compte bancaire, et il n’est pas rare que certains dissimulent leurs économies sur le site. À Abobo, s’il est encore trop tôt pour évaluer précisément les dégâts, on parle déjà de pertes de plusieurs milliards de F CFA.

Ici comme souvent ailleurs en Afrique, les marchands ne sont que rarement assurés, et les indemnisations, aléatoires, sont toujours jugées insuffisantes. Les conséquences sur l’économie du pays peuvent être dramatiques. Ainsi, en 2013, le ministre des Finances burundais avait estimé que les recettes de l’État avaient diminué de 20 % sur les trois mois qui avaient suivi l’incendie du grand marché de Bujumbura.
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