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Les Universitaires s’approprient le débat sur les réformes constitutionnelles au Togo/La vérité juridique doit s’imposer
Publié le lundi 2 octobre 2017  |  Le Combat du Peuple


© aLome.com par Edem Gadegbeku & Parfait
Conférence de presse du PSR sur les défis politiques de l`heure au Togo
Lomé, le 16 janvier 2017. Conférence de presse du parti PSR à son siège. Le parti de Wolou Komi a fait le tour d`horizon des principales injustices politiques et économiques qui compromettent le vivre ensemble au Togo. Wolou Komi, 1er responsable du PSR.


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« En aucun cas, nul ne peut faire plus de deux mandats », cette phrase devenue désormais emblématique est au centre des débats et de toutes les polémiques concernant les réformes constitutionnelles au Togo.

Deux cas d’école s’affrontent :

1°/ Ceux qui pensent que le retour à la constitution de 1992, dans sa version originelle, suffit pour trancher le débat sur l’alternance politique au Togo.

En effet, les tenants de cette thèse sont persuadés que la réactualisation de cette phrase va immédiatement avoir pour résultat, la disqualification de l’actuel Président de la République dont le troisième mandat est en cours.

2°/ Ceux qui, au contraire, soutiennent que cette phrase a perdu sa quintessence depuis 1992 et ne peut plus avoir d’effet parce que feu GNASSINGBE Eyadema qui avait déjà bouclé 26 ans au pouvoir avant la promulgation de cette constitution, avait, en dépit de cette disposition, présenté sa candidature en 1993 et s’était fait réélire à trois reprises. C’est pourquoi ils tirent la conséquence pour affirmer qu’il s’agit pour Faure GNASSINGBE, d’un droit acquis dont on ne saurait le priver en sa qualité de successeur du Président défunt, même s’il est le fils de ce dernier.

C’est autour de cette problématique que les universitaires se sont invités dans l’arène pour clarifier la situation et mettre un terme à la controverse.



– D’abord le Professeur KOKOROKO, président de l’Université de Lomé a développé, dans une réflexion assez fouillée et scientifique, sa vision de la situation pour démontrer que la rétroactivité, en l’espèce est une chimère et contraire, en tout point, aux principes universels de droit.



– Ensuite, le Prof. WOLOU, Doyen de la Faculté de Droit a développé, à son tour, une autre approche en insistant sur le principe de l’application immédiate de la loi tout en reconnaissant que la rétroactivité ne peut pas s’appliquer.

Devant ces deux prises de position, le Dr EKUE G. Folly répond au Prof. WOLOU pour réfuter point par point ses développements, synonyme d’alchimie juridique.

Il nous semble indiqué, en raison de la pertinence des arguments du Dr EKUE, de publier ses analyses juridiques. Nous croyons que ceux qui veulent faire partir Faure GNASSINGBE du pouvoir en se servant de cette fameuse phrase doivent dorénavant mieux se pourvoir.

Lecture :

*RÉFORMES CONSTITUTIONNELLES* :

*Dr EKUE G. FOLLY RÉPOND AU Prof WOLOU* :

« *Même avec le principe de l’application immédiate, l’actuel Chef de l’Etat pourrait être bel et bien éligible en 2020* »

Depuis la manifestation protestataire du 19 août 2017 organisée par le Parti National Panafricain (PNP) qui réclamait le retour à la Constitution de 1992, il s’est ouvert un débat visant à éclaircir l’opinion sur les enjeux de la future modification constitutionnelle attendue de tous et s’inscrivant dans l’optique des réformes. Finalement, et heureusement, ce débat a été soustrait du cénacle des analyses politiques partisanes et journalistiques par la sortie de deux illustres professeurs de droit des Universités du Togo : il s’agit du professeur KOKOROKO qui, dans son article paru dans le Forum du mardi 9 septembre 2014 au titre « Scientifiquement, la rétroactivité de la loi constitutionnelle brandie par une partie de l’opposition ne tient pas debout, sauf à m’apporter des arguments contraires solides », s’est essentiellement prononcé sur la question de la rétroactivité de la Loi ; et du professeur et doyen WOLOU qui est intervenu par un autre medium pour opérer une précision importante dans le débat sur l’applicabilité des éventuelles nouvelles dispositions constitutionnelles, en introduisant le concept clé de « l’application immédiate de la loi nouvelle ». Ce dernier conclut son droit de réponse en invitant à la poursuite du débat. C’est au bout de ce fil que se rattache ma présente réflexion qui aboutira à l’énonciation de trois (03) conclusions politiques majeures qui s’imposent de fait dès lors que l’on demeure strictement sur le terrain de la rationalité scientifique.

Je tiens à dire que mon économie argumentaire se fondera sur deux prémisses essentielles qu’il me semble opportun de décliner brièvement. La première précise le référentiel qui encadre ma réflexion, et qui est le même qui a présidé aux communications savantes du Prof. KOKOROKO et du Doyen WOLOU : c’est-à-dire le terrain scientifique. Toutefois, le caractère scientifique de la réflexion ne saurait me conduire à passer sous silence un fait capital : le présent débat n’a pas été mu, originellement, par des préoccupations scientifiques d’ordre purement académique. Bien au contraire, il a émergé sur fond d’un contentieux hautement politique et social qui en appelait, justement, à une érudition scientifique censée faire le départ entre deux positions ou groupes d’intérêt politiques antagoniques. Ce sont : d’une part, la position qui, en appelant au principe de la non-rétroactivité de la Loi, estime que juridiquement l’adoption de nouvelles dispositions constitutionnelles en matière de limitation de mandat présidentiel, qu’elles soient par voie parlementaire ou référendaire, ne devrait point compromettre l’éligibilité de l’actuel Chef de l’Etat (CE) ; et d’autre part, celle qui, invoquant le principe de l’application immédiate de la Loi, affirme que l’adoption de telles dispositions nouvelles devrait au contraire entrainer la non éligibilité du CE lors des joutes présidentielles de 2020. Ce constat, qui met en relief l’origine politique du contentieux, est ce qui m’amène à affirmer que dans le cas d’espèce le recours à l’approche transdisciplinaire qui a marqué jusqu’ici la plupart des analyses du problème, est inadéquat. La meilleure approche pour analyser ce problème est l’interdisciplinarité : ceci est ma deuxième prémisse.

Le problème

Nous sommes dans le cadre de la problématique juridique de l’application de la loi dans le temps et du conflit entre « loi ancienne » et « loi nouvelle ». A cet effet, nous rappelons qu’en général les problèmes de l’application de la loi dans le temps se résolvent par deux principes : (1) la non rétroactivité de la loi d’une part, et (2) l’application immédiate de la loi nouvelle d’autre part. La question principale à laquelle il sied d’apporter des éléments de réponse est donc la suivante : « Au cas où les réformes venaient à être réalisées et que la disposition qui prévoit la limitation du mandat présidentiel ainsi que l’impossibilité absolue pour le citoyen d’en faire plus de deux était finalement acceptée de tous, l’actuel Chef de l’Etat (CE) serait-il encore éligible ou non à la magistrature suprême en 2020 ? Si oui, pour combien de mandat le serait-il ? ».





Tel est l’objet de la présente communication, une question qui divise l’opinion publique mais qui de toute façon ne peut être légitimement tranchée que par le juge constitutionnel. Quant à moi, fort de mes compétences en « Sciences Politiques » et en « Droit des processus politiques » je réponds en ces termes : si la question est affrontée sur le seul plan juridique, à exclusion de toute autre considération politique, historique ou morale, la réponse est OUI, le CE resterait éligible en 2020 ; mais il ne peut plus l’être en 2025.

Sur la non-rétroactivité de la Réforme Constitutionnelle

Sur ce point, je trouve l’exposé du Prof. KOKOROKO si magistral et exhaustif, voire suffisant pour clôturer le débat, qu’il me semble inopportun d’ajouter la moindre précision supplémentaire. Sa minutieuse analyse des contours de la question et la solidité scientifique de sa démarche ne laissent point de doute sur le fait qu’en aucun cas la Réforme en cours ne saurait avoir automatiquement, une fois adoptée, une portée applicative rétroactive : « il va sans dire que juridiquement, la rétroactivité ne pourra s’appliquer à une éventuelle réforme et de surcroit, toute loi reste impersonnelle, sauf à innover en la matière ». Une telle position est difficilement attaquable sur le terrain de la science juridique d’autant plus que la rétroactivité c’est le fait pour une loi, un acte juridique ou une décision judiciaire de produire ses effets à partir d’une date antérieure à sa promulgation, sa signature ou son prononcé. On conviendra facilement avec lui que rien dans le cas d’espèce ne pourrait justifier la rétroactivité de la Réforme à venir. La Loi constitutionnelle n’est pas de l’ordre du droit pénal et ne peut être soumise au principe de la rétroactivité in mitius. D’ailleurs, il me semble que le Prof. WOLOU lui-même reconnait cette donnée lorsqu’il déplace le problème vers le principe de l’application immédiate : « J’affirme une fois encore que ceux qui abordent la question de l’application de la limitation des mandats à l’actuel président de la République, en se situant sur le terrain de la rétroactivité, font fausse route. Le principe est ailleurs. ». Le débat sur la rétroactivité de la Réforme à venir est donc clos : il devient un principe acquis dans la suite du débat.

Selon le Prof. WOLOU, le principe dont l’Opposition réclame l’adoption et sur fond duquel elle espère en un départ immédiat du CE, c’est plutôt l’application immédiate de la Réforme. Or, à cette option aussi il existe un obstacle juridique majeur que le Prof. KOKOROKO n’a d’ailleurs pas manqué de relever : celui de la théorie des droits acquis au nom de la sécurité juridique. En effet, cette considération mine juridiquement toute tentative de remise en question du mandat en cours du CE. Sur ce point précis, si l’on demeure sur le terrain scientifique, il me semble que nonobstant ses rappels aux éléments de cours, l’économie argumentaire du Prof. WOLOU pèche d’objectivité, et mérite un droit de réponse circonspect et méthodique. Je rappelle surtout qu’il ne s’agit pas ici de controverse idéologique ni politique, puisque le référentiel scientifique posé ci-haut l’interdit. Il s’agit donc strictement de science et de débat scientifique.

Sur l’application immédiate de la loi nouvelle

Sauf erreur de ma part, il m’a semblé que le Prof. WOLOU ait évoqué les critiques à la théorie classique du Droit pour tenter de déconstruire l’importance de la théorie des droits acquis et la pertinence de son application dans le cadre de la Réforme actuelle. Voudrait-il signifier par là que la contrainte que représente le principe des droits acquis aux effets rétroactifs de l’application immédiate de la réforme, n’en serait plus une, uniquement à cause des critiques dont aurait été objet la théorie classique ? Quelle est donc cette critique de la théorie classique qui annulerait en matière constitutionnelle la validité juridique du principe des droits acquis et mettrait ainsi en discussion l’autre principe sacro-saint du Droit qu’est la sécurité juridique ? La question reste ouverte. Mais il convient de dire d’ores et déjà que même le principe de la modulation dans le temps des décisions administratives n’est valable qu’en cas d’annulation expresse d’acte administratif, ce qui n’est pas encore le cas ici.

En France, la loi constitutionnelle 2000-964 du 2 Octobre 2000 a ramené de 7 à 5 ans la durée du mandat du Président de la République. Cette loi, intervenue en cours de mandat du président J. Chirac et rentrée tout de suite en vigueur, avait naturellement disposé pour le futur et, surtout, n’avait pas écourté de deux ans le septennat que ce dernier avait acquis en gagnant les élections de 1995. Comme on le sait, le quinquennat ne sera appliqué pour la première fois que lors du premier mandat de N. Sarkozy. Au regard de cet exemple et de bien d’autres encore que je pourrai citer, il est clair que le principe des droits acquis représente bel et bien une contrainte à l’applicabilité immédiate de la loi nouvelle. D’ailleurs, comme le souligne l’élément de cours cité par le Prof. WOULOU lui-même, « la loi nouvelle s’applique également aux situations juridiques en cours de constitution ou d’extinction, mais ce qui avait été acquis sous la loi ancienne demeure ». Il va sans dire que c’est ce qui n’est pas encore acquis qui subit la loi nouvelle. C’est donc à juste titre que la loi nouvelle s’applique aussi immédiatement aux effets futurs d’une situation juridique née antérieurement à son entrée en vigueur.

Si donc l’on est d’accord que les deux mandats révolus (2005 – 2015) du CE et son actuel troisième mandat ne sont pas illégaux d’un point de vue constitutionnel puisque régis par une disposition constitutionnelle expresse (Art. 59 Constitution 2002), l’on devrait aussi être d’accord sur le fait que juridiquement ces mandats doivent être considérés comme des droits acquis, ne pouvant pas être remis en cause par une nouvelle Loi qui n’est pas déclarée expressément rétroactive. Or, la rétroactivité de la Réforme est difficilement défendable ; à cela on ajoute le fait qu’elle n’est même pas le principe opératoire duquel se prévaut l’Opposition. Si vraiment l’on demeure sur un terrain juridico-scientifique, c’est-à-dire le terrain de l’objectivité et de l’impartialité, comment peut-on arguer que lesdits mandats doivent être imputés au CE comme des mandats déjà effectués en vertu d’une nouvelle Loi qui disposerait de la limitation des mandats à deux par individu ? Au plan juridique, c’est tout à fait comme si, finalement, la Réforme rentrait en vigueur à partir de 2005, ou comme si elle annulait les effets juridiques de la Constitution de 2002. Or ceci est impossible.

En définitive, on ne peut considérer les mandats passés ou courant du CE comme étant déjà faits en vertu de la Réforme, que si cette dernière est rendue rétroactive. Et si l’on se limite au principe de l’applicabilité immédiate de la Réforme, comme semblent plaider le Prof. WOLOU et l’ensemble de l’Opposition, il serait tout aussi scientifiquement impossible d’arriver à la conclusion à laquelle ce dernier est pourtant parvenu, en l’occurrence que l’application immédiate de la Loi nouvelle devrait entrainer la non éligibilité du CE pour la joute électorale de 2020. Voici en effet ce qu’il écrit « Effectuer un nouveau mandat conduirait donc à dépasser les deux mandats prévus par la loi nouvelle qui serait déjà entrée en vigueur. C’est le sens de l’application immédiate de la loi. Le principe de la non rétroactivité de la loi ne peut se réduire à un effacement fictif du passé. Il n’a pas pour fondement l’oubli … Alors, si la réforme envisagée venait à limiter les mandats à deux, pourquoi voudriez-vous que l’actuel président fasse un troisième mandat ? ». Sans verser dans la polémique – ce qui n’est en rien mon objectif – et en demeurant sur le seul terrain scientifique, je dois dire qu’il y a une série de fortes contradictions entre les prémisses et les conclusions du prof. WOLOU.

En premier lieu, s’il a admis que la Loi n’est pas rétroactive et que la rétroactivité n’est d’ailleurs pas le principe auquel l’Opposition se réfère pour exiger la non-éligibilité du CE aux prochaines élections présidentielles, comment donc affirme-t-il encore que « le principe de la non rétroactivité de la loi ne peut se réduire à un effacement fictif du passé », et qu’il « n’a pas pour fondement l’oubli », comme si ce principe était subitement redevenu le socle de son économie argumentaire ? Ensuite, comment peut-il faire basculer les mandats précédents du CE dans le compte de la Loi nouvelle s’il n’est pas sur le terrain de la rétroactivité et, surtout, s’il ne démolie pas correctement au préalable le principe du droit acquis qui a été posé par le Prof. KOKOROKO et qui, justement, protège les mandats passés et actuel du CE comme des acquis tangibles en vertu de la Constitution de 2002 ? Il va sans dire que la critique du principe des Droits Acquis, lequel s’appliquerait « mal à des droits dépourvus de valeur patrimoniale», est très peu convaincante et strictement inadéquate au cas d’espèce.

Le CE, éligible encore une fois au moins même avec le retour à la Constitution de 1992.

Nous sommes fondés à l’affirmer, d’abord, parce que la présidence 2015 – 2020 de l’actuel CE est un droit acquis qui lui a été garanti en 2015 par la Constitution de 2005 : elle reste donc irrévocable sur le plan juridique dès lors qu’on exclut la rétroactivité de la Réforme. Défendre le contraire serait un non-sens en Droit.

Ensuite, qu’il me soit permis de rappeler que la Constitution de 2002, dans son Article 59, n’avait mis en emphase que le mandat, c’est-à-dire « l’objet », et était demeurée presque muette sur le « sujet ». Or l’élément fondamental présent dans cette disposition en 1992 qui a été ôté lors de la modification constitutionnelle de 2002, c’est bien le lien entre le facteur « sujet » (la figure du Président) et le « facteur objet » (la mandature). Ce lien, fondamental pour l’interprétation de notre texte constitutionnel, est ce qui me permet d’introduire le concept clé de l’« applicabilité différenciée » de l’Art. 59 au « sujet » et à l’« objet ». L’esprit et la lettre de cet article mettent en évidence une différenciation entre le Mandat d’une part et l’Homme qui l’exerce d’autre part. Une chose est donc le « mandat en soi », et une autre est « l’individu » qui l’exerce dans son rapport avec le mandat. Pour résoudre cette question, ce distinguo s’impose. Car l’un et l’autre ont eu droit dans l’Art. 59 de 1992 à un encadrement légal particulier et différencié.

Concernant le « mandat en soi », il est clair qu’il ne peut être renouvelé qu’une seule fois. Ceci est sans commentaire. Le facteur « subjectif » n’entrerait en jeu ici que subsidiairement ou par voie de conséquence. Il s’agit, en effet, principalement du « mandat présidentiel », entendu comme « pure temporalité ». La loi dit qu’il est renouvelable une seule fois, c’est-à-dire que l’acte de son renouvellement par les hautes instances institutionnelles nationales compétentes ne peut arriver qu’une seule fois. Ici, l’emphase est exclusivement mise sur le « mandat en soi », et non sur le sujet qui devra l’exercer. C’est le sens de la première phrase de cet Art. 59 de 1992.


Or, lorsque le législateur précise successivement qu’« en aucun cas nul ne peut exercer plus de deux mandats », il met cette fois l’emphase sur le « sujet » et sur le rapport qui doit le lier à la « mandature présidentielle ». Il suggère que le rapport que le Citoyen, quel qu’il soit, est autorisé à entretenir avec la mandature suprême ne peut se limiter qu’à deux unités de temporalité, pas plus, et ce, bien évidemment à partir du moment où cette disposition constitutionnelle rentre en vigueur. Ainsi, si pour le « mandat en soi » la loi nouvelle ne se réfère qu’à de la pure temporalité entendue comme réalité objective et tangible, quand il s’agit de l’Homme, cette loi va régir le rapport que ce dernier, figure institutionnelle impersonnelle, entretiendra avec cette temporalité. C’est cela la nuance capitale qui doit être prise en considération pour comprendre la portée politique et juridique de l’application immédiate de la Réforme. Me basant sur ce concept de « l’application différentielle » ci-dessus exposé, j’infère que s’il est adopté, l’Art. 59 de la Constitution de 1992 devra s’appliquer automatiquement et de manière différentielle aux deux «éléments» que sont (1) le mandat en cours et (2) le président qui l’exerce.

Par rapport au mandat en cours : n’étant pas rétroactive et s’appliquant immédiatement dans le sens de «comptage des temporalités », l’éventuelle Réforme devra « prendre en compte » la moitié-mandat restante de la mandature en cours (2017-2020). Pourquoi doit-il en être ainsi si ce mandat était déjà un acquis ? En réalité, ce mandat reste un acquis de la loi ancienne et n’est soumis au moindre risque d’insécurité juridique. Mais ce qui fait que la loi nouvelle immédiatement appliquée devra le prendre en compte, c’est plutôt « le facteur sujet ». Car ici, contrairement à l’exemple de la modification constitutionnelle de 2000 en France, l’Article 59 de 1992 introduit une emphase sur l’Individu qui exerce le pouvoir et sur le nombre d’unités de temporalité qui lui sont imputables à partir du moment où la Réforme rentrerait en vigueur. Conséquemment, et sur la base du principe du « rapport entre l’individu et la mandature présidentielle », l’application immédiate de l’Art. 59 aura pour conséquence d’imputer au CE en exercice son demi mandat restant comme premier mandat exercé sous le régime de la nouvelle loi. Il ne peut pas en être autrement puisque la Réforme advient en cours de mandature présidentielle.

En plus, comme je l’ai montré ci-haut, la loi de 2002 ne couvrait explicitement que le « mandat en soi », c’est-à-dire l’objet, et non le lien entre ce dernier et le « sujet » qui l’exerce. Avec l’adoption de la Réforme envisagée, le « sujet exerçant » se trouvera privé de l’hypothétique droit acquis qu’aurait pu lui garantir la disposition analogue expresse prévoyant la possibilité pour le « sujet » aussi, d’exercer de manière illimitée autant d’unités de temporalité à la tête de l’Etat. Ainsi, le CE ne peut que se voir attribuer comme premier mandat sous la nouvelle loi, le demi mandat 2017-2020 qui au fond rentre sous le coup des droits acquis de la loi de 2002. En quelque sorte, il perdrait un mandat entier sous le coup de la loi nouvelle. Ceci me conduit à la conclusion que j’avais déjà anticipée au début de cette analyse : même si l’on fait retour à l’Art. 59 de la Constitution de 1992, l’actuel CE devrait avoir encore droit au moins à une compétition électorale pour la magistrature suprême au Togo : celle de 2020. Je souhaite préciser que cette éventualité est le pire des cas pour le CE, car au meilleur des cas le juge constitutionnel pourrait tout simplement se prononcer pour une remise à zéro des compteurs. Quelles sont les trois conséquences politiques d’une telle réalité ?

Les trois conséquences d’ordre politique

Première conséquence : « En aucun cas nul ne peut exercer plus de deux mandat ». L’excessive focalisation des uns et des autres sur cette phrase, comme si elle pouvait à elle seule déterminer la non éligibilité du CE en 2020, est une grave erreur politique, en particulier de la part de l’Opposition parlementaire et aussi de la Rue. L’Opposition demande la démission du CE. Cette revendication est extra-juridique et anticonstitutionnelle. Elle ne peut devenir légitime à la rigueur que si l’Opposition la soustrayait au champ du débat juridico-scientifique et la défendait à partir de considérations morales, historiques et politiques. Mais si l’Opposition ne prend pas la mesure d’une telle réalité, elle sera de nouveau prise de cours par les évènements comme ce fut toujours le cas par le passé.

Deuxième conséquence : Si la mobilisation populaire n’arrive pas à engendrer la chaine de bouleversements sociopolitiques nécessaires à un renversement anticonstitutionnel du Pouvoir, mettant ainsi fin à la mandature courante du CE, la situation évoluera normalement malgré les indignations de plusieurs vers la tenue d’un référendum populaire, soit à l’initiative du CE soit par le truchement du Parlement. Et ce référendum sera légitime et légal. Légitime parce qu’il incarnera le principe démocratique du respect du peuple mais aussi permettra de départager l’opinion politique nationale sur la question de savoir si l’esprit du peuple est resté inchangé de 1992 en 2017. Légal parce qu’il représentera la conséquente logique de l’absence de consensus des débats au Parlement entre le Rpt/-Unir et l’Opposition. Dans ce cas, il ne restera à l’Opposition que de boycotter le référendum ou de se battre pour en garantir la transparence.

Troisième conséquence : La Rue demeure aujourd’hui l’unique chance de survie politique aux partis de l’Opposition parlementaire. Ayant rendu impossible le débat parlementaire qui aurait pu faire avancer les textes, l’Opposition est condamnée à réussir son projet de renversement du pouvoir par la révolution populaire ou par l’usage de la force armée si elle en a les moyens. S’il n’en sera pas ainsi, vu les innombrables erreurs politiques qu’elle a commises par le passé depuis le boycottage des législatives de 1999 jusqu’aux tergiversations politiques post-Ouaga, les évènements d’Août et de Septembre 2017 risquent de sonner le glas de sa survie politique.

Conclusion

Je conclus ce droit de réponse sur le débat sur la Réforme au Togo en disant encore une fois que contrairement à ce que pensent les uns et les autres – et ce n’est pas le juge constitutionnel du Togo qui me démentira -, au plan purement juridique, l’application immédiate de la Réforme ou même de la Constitution intégrale de 1992 ne garantit pas automatiquement la non-éligibilité du CE en 2020. Si l’Opposition togolaise entend faire évoluer le statu quo politique en vigueur au Togo uniquement à travers les textes et la pratique démocratique, elle devrait réfléchir autrement et chercher ailleurs. Car le cramponnement à une telle stratégie de lutte qui se voudrait juridique et viserait un renversement légal du pouvoir actuel, est une entreprise immature, hasardeuse et sans issue.

Quant aux tentatives et stratégies extra-légales de renversement du pouvoir soit par la révolution populaire soit par un coup d’état militaire soit par une démission négociée du CE sous pression d’instances internationales, elles ne sont pas de l’ordre du débat juridique qui s’est ouvert, je m’abstiens donc de m’y prononcer dans le présent document.

Il existe en revanche une autre démarche juridico-légale largement plus défendable au plan scientifique et plus prospective au plan politique pour l’Opposition que ne l’est ce principe de l’applicabilité immédiate de la Réforme que celle-ci commet l’erreur de défendre s’imaginant qu’il provoquerait la démission de l’actuel mandat du CE. Ladite démarche, si justement abordée, pourrait entrainer sans trop de remous, soit la démission immédiate du CE, soit sa non-éligibilité en 2020. Cependant, cette démarche ne peut elle-même aboutir que si elle est engagée par des acteurs politiques ou sociaux n’ayant participé ni aux accords de Ouagadougou (APG) ni aux successives péripéties de sa mise en application.

*Dr Ekue G. Folly, Politologue, Président du MPA (Mouvement Panafricain ALAGA)*

*Source: Forum de la Semaine n•2396 du 25/09/2017
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Attitude de Faure G. devant la crise des réformes selon le ministre DAMMIPI
Publié le: 28/9/2017  | 


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