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Littérature : Sami Tchak, autoportrait au père

Publié le vendredi 15 juin 2018  |  Jeune Afrique
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© aLome.com par Edem Gadegbeku et Jacques Tchako
La Fondation Pax Africana d`E. Kodjo et la 11e édition du Festival Filbleu rendent hommage à l`écrivain Yambo Ouologuem
Lomé, le 10 mars 2018. Université de Lomé. La Fondation Pax Africana d`Edem Kodjo et la 11e édition du Festival Filbleu ont rendu un vibrant hommage à l`écrivain et enseignant malien Yambo Ouologuem, décédé le 14 octobre 2017. Une cérémonie qui a connu la présence de divers auteurs, universitaires et autres passionnés des Arts. L`écrivain Sami Tchak.
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Dans son dernier livre, le romancier togolais Sami Tchak fend l’armure en se faisant le passeur d’une parole paternelle empreinte de sagesse.

Avec la patience d’un Sisyphe lucide, Sami Tchak sculpte dans la pierre, tantôt tendre et accueillante, tantôt dure et réfractaire du français, le corps vibrant d’une œuvre à nulle autre pareille.

Auteur d’essais et de romans denses, polysémiques, Sadamba Tcha-Koura, de son vrai nom, s’interdit les facilités d’écriture comme les attitudes ostentatoires qui permettent à certains, société du spectacle oblige, de capturer l’œil des caméras et de monopoliser la présence médiatique.

Né au Togo en 1960, installé en région parisienne, il écrit avec la précision tranchante que permet un regard aiguisé sur le monde qui l’entoure et sur ceux, nous tous, qui s’y agitent.


Son dernier livre, bien entendu inclassable, explique pour partie à la fois son esthétique et son approche distanciée du présent, entre intimité pudique et critique acerbe du prêt-à-penser. Ainsi parlait mon père n’est ni un roman ni un essai : s’il fallait le qualifier, sans doute dirait-on « recueil de leçons », ce qui serait cependant réducteur.

Après une introduction autobiographique, Sami Tchak laisse en effet parler son père dans une première partie intitulée « Leçons de la forge ». Il ne prendra la parole à son tour qu’une centaine de pages plus tard, dans une seconde partie intitulée « Sur les flots du vaste monde ».

Profession de foi


« Le terme de “leçon” me paraissait assez souple, dans la mesure où celle-ci est reçue, transmise par le maître, et que nous en faisons ensuite ce que nous voulons, explique l’écrivain. C’est une forme moins impérative que celle de la maxime ou de la pensée définitive. »

Dans les mots de Métchéri Salifou Tcha-Koura, forgeron de Kamonda-Bowounda, au Togo, se devinent en germe la philosophie particulière et l’humour pince-sans-rire de son premier fils.

Au hasard ou presque, la leçon numéro 110 : « “Le monde est si empli de crimes impunis que nous devrions prendre garde à ne pas sanctionner des vices au très faible pouvoir de nuisance” : ainsi parla mon père, indigné que l’on ait déshonoré un de ses amis peuls qui avait eu pour ses vaches un amour pénétrant. »

« Je ne qualifierai pas mon père de philosophe, dans le sens où il n’a jamais pensé ou souhaité faire école, poursuit Tchak. Sage ? Oui, il l’était dans sa recherche d’une parole intemporelle et essentielle, faisant des éléments les plus ordinaires de l’existence le lieu de sa réflexion. J’ai à son propos tenté toutes les formes d’écriture, dont celle du récit consacré au père – qui m’a semblé un peu artificiel. J’ai finalement choisi de le ramener à sa parole. »

Ainsi parlait mon père ne peut pourtant pas être considéré comme un simple recueil de leçons à méditer, c’est beaucoup plus que cela : une forme d’autobiographie, un essai sur l’évolution du monde, un hommage à l’écriture, une profession de foi littéraire et politique…

Dès l’enfance, Sami Tchak a noté ce que lui transmettait son père, ses mots l’ont façonné aussi sûrement que le marteau façonne le fer rougi au feu de la forge. Déjà, sachant qu’il écrirait, Tchak conservait le dire paternel avec l’idée de l’utiliser dans des romans, plus tard.

Lorsqu’il a quitté le Togo, le dialogue est devenu épistolaire et téléphonique. Un frère traduisait et couchait sur le papier les lettres que le père ne pouvait pas écrire.


Il y a d’ailleurs là une donnée fondamentale à ne pas oublier à la lecture : ce livre se joue tout entier dans ses interstices, entre l’oral et l’écrit, entre le français et le tem, entre l’intime et l’extime, dans l’enfance des pères et la paternité des fils. Il faut chercher les non-dits et les sous-entendus, s’enfoncer dans le mille-feuille du palimpseste.

Le dialogue entre Sami Tchak et son père s’est interrompu à la mort de ce dernier, en 2003, lors de son second pèlerinage à La Mecque. « Je n’arrive pas à voir concrètement sa mort, elle me semble abstraite : rien ne la prouve puisqu’il n’y en a aucune trace, confie l’auteur de Place des fêtes. Mais en restituant ses leçons, je me donne l’illusion qu’il vit à travers la parole qu’il m’a donnée. »

C’est lors d’une résidence de quatre mois à la Fondation des Treilles, dans le Var (sud de la France), que le projet a pris corps, parallèlement à l’écriture d’une autobiographie… qui a partiellement perdu de sa pertinence depuis. « Cette forme littéraire s’est imposée, influencée par l’autobiographie que j’écrivais : elle porte ce que je retiens de lui et peut-être ce qui me constitue, affirme Tchak. Je donne à mon père une place réelle, mais le livre, dans ses allers-retours, parle beaucoup plus de moi que de lui. »

Leçons de vie

Les leçons de Salifou Tcha-Koura sont presque toutes rapportées à des moments de la vie de Sami Tchak ; les leçons de Sami Tchak les prolongent, y répondent, s’adressant parfois au père, parfois aux enfants. Entre les lignes s’expriment les drames d’une vie : l’absence d’amour de la mère, la mort dramatique du frère, la maladie de la fille.

« “La maladie d’un enfant n’est pas l’ultime frontière du rêve de ses parents, mais, peut-être, une épreuve qui consiste pour eux à gravir une montagne toute leur vie à la recherche du fruit précieux que beaucoup d’autres ramassent à leurs pieds” : ainsi parla mon père à une tante dont la fille avait un handicap mental. »







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