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La 5e directive anti-blanchiment de l’UE et ses implications pour l’Afrique

Publié le mercredi 1 aout 2018  |  Jeune Afrique
Ouverture
© aLome.com par Edem Gadegbeku et Parfait
Ouverture de la 5ème édition des Journées BRVM dans la capitale du Togo.
Lomé, le 15 mars 2016. Siège d’Ecobank Transnational Incorporated. En présence du Directeur Général de la BRVM, Kossi Edoh AMENOUNVE, le ministre Sani YAYA représentant son collègue des Finances du Togo, a procédé à l`ouverture des travaux de la 5ème édition des Journées BRVM, axés autour du thème, «Finançons la croissance des pays de l’UEMOA»
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Par Alain Nkoyock

Alain Nkoyock est responsable à l’ONU du Programme de modélisation et d’innovations technologiques d’aide à la lutte contre la corruption et la criminalité financière.





L’UE a envoyé un signal fort aux gouvernements des pays qui ne seraient pas attentifs aux résultats et suivis de ses diverses évaluations en matière de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme.

Publiée le 19 juin 2018 au Journal officiel de l’Union européenne (JO L156 du 19.06.2018), la directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifie la directive (UE) 2015/849 (encore appelée quatrième directive) relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les directives 2009/138/CE et 2013/36/UE. Cette directive définit un cadre juridique global et efficace de lutte contre la collecte de biens ou d’argent à des fins terroristes, en imposant aux États membres d’identifier, de comprendre et d’atténuer les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

Cette nouvelle directive est un ensemble de règles de l’UE renforcées pour lutter contre le blanchiment de capitaux, l’évasion fiscale et le financement du terrorisme. C’est le résultat du plan d’action lancé à la suite de la vague d’attentats terroristes en Europe en 2016. Son objectif est de tarir le financement de la criminalité sans créer d’obstacles au fonctionnement normal des systèmes de paiement. Elle renforce les règles existantes par l’introduction des modifications suivantes :

Monnaies virtuelles : toutes les plateformes d’échange de devises virtuelles et les détenteurs de portefeuilles numériques sont tenus de procéder à un contrôle préalable rigoureux de la clientèle pour contrer les risques croissants de blanchiment d’argent lorsqu’il s’agit de devises numériques.
Cartes prépayées : pour réduire la criminalité financière associée aux instruments prépayés anonymes, les fournisseurs doivent procéder à une vérification plus stricte de la part des clients, qui passe de 250 euros à 150 euros.

Pays à haut risque : les banques doivent renforcer leur vigilance à l’égard des transactions financières des pays à haut risque, y compris ceux figurant sur la liste des pays hors UE dont les contrôles sont insuffisants.

Des pouvoirs accrus pour les cellules de renseignement financier (CRFs) : elles auront accès aux informations stockées dans les banques centrales et aux registres des comptes de paiement pour améliorer l’identification des titulaires de comptes.

L’accès aux registres des bénéficiaires effectifs : les registres nationaux et l’échange d’informations entre les États membres de l’UE offriront un degré de transparence plus élevé en ce qui concerne les véritables propriétaires d’entreprises.

Implications pour l’Afrique !

Elles sont nombreuses surtout avec les nouveaux mécanismes de la Commission européenne qui permettent d’identifier les pays présentant un haut risque de carences stratégiques en matière de paradis fiscaux, de lutte contre le blanchiment de capitaux, de financement du terrorisme ou de tenue de registres.

Le cas malheureux de la Tunisie parle à l’Afrique. Les ministres des Finances de l’Union européenne, réunis le 5 décembre 2017, ont décidé d’inscrire la Tunisie sur la liste noire des juridictions non coopératives en matière fiscale.
Le 7 février 2018, l’UE a replongé de facto ce pays dans une crise diplomatique, économique et de politique interne, après la détente où le pays respirait de nouveau suite au retour de l’UE sur sa décision de retirer le pays de la liste noire des paradis fiscaux. Concomitamment à cette décision européenne, le Groupe d’Action Financière (Gafi), un organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d’argent et financement du terrorisme, avait placé la Tunisie dans la catégorie des pays à haut risque et non coopératif.


Dans le cadre de la nouvelle directive de l’UE, les relations d’affaires ou les transactions impliquant des pays tiers à haut risque vont être limitées lorsque d’importantes lacunes sont recensées dans le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme des pays tiers concernés, à moins que des mesures d’atténuation ou des contre-mesures supplémentaires adéquates ne soient appliquées. D’autres risques majeurs existent. Entre autres, la perte de réputation, la déconnexion du système financier international, la fuite des capitaux, l’évasion fiscale, ou les désavantages au niveau du marché international.

Les gouvernements africains, les présidents des institutions régionales et les gouverneurs des banques centrales doivent saisir les enjeux de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

Trois axes d’action sont prioritaires. Le premier concerne le renforcement du cadre juridique et institutionnel et l’élaboration des politiques sur le LBC/FT (Blanchiment de Capitaux/Financement du Terrorisme) fondées sur les risques.

Le deuxième axe d’action permet d’élaborer une stratégie claire (et une mise en œuvre effective) de coordination entre maillons de la chaîne de prévention et de répression, y compris la coopération et l’échange d’informations entre les CRFs (cellules de renseignement financier) et les autorités compétentes des États, dans le domaine opérationnel de LBC/FT. Enfin, le troisième axe d’action porte sur l’importance, en aval de la chaîne, de renforcer le volet pénal des politiques de LBC/FT, dans le respect des prérogatives des autorités responsables au niveau national, y compris l’amélioration des performances des officiers de police judiciaire sur les enquêtes et la traçabilité des flux financiers illicites en rapport avec le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Nihil sub sole novum ! Rien de nouveau sous le soleil, me diriez-vous, puisque les mêmes recommandations sont régulièrement faites lors des travaux de la Commission technique et la plénière statutaire des institutions africaines sous-régionales du Gafi.

Afin de comprendre les insuffisances de certaines de nos sous-régions dans la lutte contre la corruption et la criminalité financière, je rappellerai à titre d’exemple, les missions du le Groupe d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique centrale (Gabac) en Afrique centrale. C’est un organe de la CEMAC mis en place en décembre 2000 et chargé de la promotion des normes, instruments et standards de lutte anti blanchiment et contre le financement du terrorisme. Les missions du Gabac sont de protéger les systèmes bancaires et financiers des pays de la CEMAC des atteintes liées au blanchiment (en harmonie avec les dispositions y relatives de la COBAC) et mettre en œuvre les principes, recommandations et normes internationales de coopération de lutte contre le blanchiment, notamment le Plan d’Action contre le blanchiment des Nations Unies et le Plan d’action du Gafi. Même avec les évaluations du Gabac dans cette période de grande incertitude que connaît la sous-région, les agences nationales d’investigation financière (ANIFs) restent extrêmement faibles !


L’industrie de la corruption, du blanchiment d’argent et du terrorisme est de plus en plus sophistiquée dans ses modes d’action, ses projets et son épaisseur économique. La problématique la plus importante est donc l’efficacité des CRFs. En d’autres termes, comment s’assurer que ces CRFs aident enfin nos États à cerner les sources, les stratégies de mobilisation, de circulation et d’utilisation des ressources par ces groupes criminels, ayant envahi nos pays et dont les répercussions traversent le Sahel et atteignent l’Europe? Comment les cellules de renseignements financiers peuvent aider à traquer et rapatrier de l’argent et biens volés qui sont bloqués dans les banques offshores ?




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