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Laurent Larcher: «La France d’Emmanuel Macron fait l’économie du tragique de l’histoire»

Publié le lundi 3 septembre 2018  |  RFI
Conférence
© AFP par LUDOVIC MARIN
Conférence de presse du Président Français Emmanuel Macron à la résidence de l`ambassadeur de France en marge du 5ème sommet UA-UE à Abidjan
Mercredi 29 novembre 2017. Conférence de presse à la résidence de l`ambassadeur de France en marge du 5ème sommet Union africaine - Union européenne (UA-UE) à Abidjan
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« Dans sa recherche de profits économiques à tout prix, la France d'Emmanuel Macron s'accommode de régimes qui bafouent les valeurs démocratiques », affirme Laurent Larcher, qui publie, aux éditions du Cerf, l'ouvrage Au nom de la France ? Les non-dits de notre diplomatie. Du Togo à Djibouti, en passant par le Tchad et le Burundi, le journaliste du quotidien La Croix passe au scanner la politique africaine d'Emmanuel Macron. Laurent Larcher répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

RFI : Vous dites que dans sa politique étrangère Emmanuel Macron est plus près de Machiavel que de Montaigne, l’homme des principes. Est-ce qu’Emmanuel Macron est machiavélique ?

Laurent Larcher : Tout au moins, il se range derrière Montaigne comme la plupart des dirigeants français. Mais comme ses prédécesseurs, il distingue la morale privée de la morale publique, je crois, et il pratique une politique qui consiste à servir nos intérêts sans toujours prendre garde aux moyens utilisés pour obtenir ses fins.

Vous dites qu’Emmanuel Macron a une approche plus « entrepreneuriale » de l’Afrique que ses prédécesseurs. « La preuve, son Conseil présidentiel pour l’Afrique, et notamment son attelage franco-béninois constitué par Jules-Armand Aniambossou et Lionel Zinsou ». Pourquoi «entrepreneuriale» ?


C’est-à-dire que l’Afrique est un champ d’opportunités dans lequel on doit investir dans l’esprit de l’entreprise, comme si nos relations ne pouvaient tourner qu’autour de cet axe-là, économique et entrepreneuriale.

Le business d’abord ?

Absolument. Simplement, est-ce qu’on peut construire une politique, une relation avec l’Afrique qui ne tourne qu’autour de l’économie ? Moi, je m’interroge : est-ce qu’il n’y a que cette voie-là ? Elle est nécessaire, mais elle fait l’économie, me semble-t-il, du tragique de l’histoire, des lourdeurs et de la pesanteur de nos existences, et notamment des difficultés que connait l’Afrique qui ne sont pas que des difficultés économiques, mais aussi des difficultés politiques, des difficultés sociales, des difficultés culturelles.

Vous comparez le centriste Emmanuel Macron au roi orléaniste Louis Philippe et à son ministre François Guizot qui disait il y a deux siècles aux Français : « Enrichissez-vous ». Et vous dites parce qu’« il privilégie la raison économique sur tout autre chose, le régime d’Emmanuel Macron s’accommode très bien de régime autoritaire comme le régime chinois ou le régime togolais ».

Oui. C’est-à-dire que si vous établissez votre rapport au monde simplement sur le primat de l’économie, vous vous accommodez au fond de tous les régimes.



Vous écrivez « Et tant pis » pour le peuple togolais et pour notamment l’opposant Tikpi Salifou Atchadam que vous avez rencontré récemment.

Oui, absolument. « Tant pis », tout au moins, ce n’est pas vraiment le problème ou il faut faire avec, ou dit-on à l’Elysée, c’est peut-être un moindre mal. Or comme le disait la philosophe Hannah Arendt il y a une trentaine d’années : « Ceux qui choisissent le moindre mal oublient très souvent qu’ils ont choisi le mal ».

Et vous citez cet ambassadeur de France à Djibouti qui vous dit : « Sans Ismaïl Omar Guelleh, le président de Djibouti, la situation serait pire ».

Oui. C’est en tout cas sa conviction et avec lui, la conviction du quai d’Orsay et l’Elysée. C’est exactement le même discours qu’on peut entendre avec le président du Tchad. Eux partis, ce sera le chaos, ce sera la révolution, le bain de sang, le désordre. Et nous, nous savons mieux que les peuples ce qui est bon pour eux. Donc oui, on soutient ces régimes en disant, ça reste un moindre mal sans se dire d’ailleurs quels sont les effets de ces soutiens. La crise migratoire à laquelle nous faisons face est en partie liée à ces régimes qui ne sont pas capables d’assurer un présent et encore moins un avenir à la population. Et de ceux-là, on n’en parle pas.


Par rapport à François Hollande, y a-t-il aujourd’hui à l’Elysée une continuité, voire un recul ?

On est beaucoup plus décomplexé. On va dans ce sens avec beaucoup plus de légèreté peut-être. Il me semble que du temps de François Hollande, il y avait quand même des débats en interne, il y avait je dirais une conscience de gauche peut-être, qui faisait qu’on savait quand même que ça ne se faisait pas exactement, que ça posait quelques problèmes. Hélène Le Gal par exemple, l’ancienne conseillère Afrique de François Hollande, incarnait un peu cette mauvaise conscience de cette politique extérieure. Oui, il y a à la fin une continuité et je dirais une accélération dans le sens de l’accommodement avec des régimes qui bafouent les valeurs.






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