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[Tribune] À quand la francophonie des peuples ?

Publié le lundi 8 octobre 2018  |  Jeune Afrique
Kako
© aLome.com par Lakente Bankhead
Kako Nubukpo, ministre auprès de la présidence de la République, chargé de la Prospective et de l`Evaluation des politiques publiques
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Par Kako Nubukpo
Économiste, ancien ministre de la Prospective et de l’Évaluation des politiques publiques du Togo et ancien directeur de la Francophonie économique et numérique au sein de l’OIF.





L'histoire montre que, sans le soutien des peuples, les institutions intergouvernementales sont condamnées. Alors que démarre le sommet d'Erevan, et dans un contexte où le multilatéralisme est sans cesse en recul, l'économiste Kako Nubukpo et l'historienne Caroline Roussy lancent un appel à une «francophonie de l'action» qui « assume son devoir de subversion ».

De rencontres en interviews, ce sont toujours les mêmes questions qui reviennent : qu’est-ce que l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) ? Pour quoi a-t-on besoin d’une institution ? À quoi celle-ci peut-elle bien servir ? Le prochain sommet de la Francophonie s’ouvrira le 11 octobre à Erevan, en Arménie, et c’est parce que l’on peine parfois à répondre à ces questions et qu’à chaque fois le malaise le dispute au scepticisme qu’il est urgent de repenser la Francophonie.

L’histoire n’a-t-elle pas montré que, sans le soutien des peuples, les institutions intergouvernementales étaient condamnées ? La Société des nations (SDN), l’Union latine, la Confédération sénégambienne n’en ont-elles pas toutes fait l’expérience ? Parce qu’au fond, la question est la suivante : si une institution ne sert à rien, pourquoi s’émouvoir de sa disparition ?

La Francophonie, c’est vous, lecteurs de la presse francophone, c’est nous, économistes, historiens ou chercheurs d’autres sciences humaines et sociales. La Francophonie, ce sont 250 millions de personnes réparties sur cinq continents, ayant en partage ce Français qui nous permet d’échanger, de communiquer, de faire des affaires et de nous aimer. La Francophonie, c’est une langue bien avant d’être une institution.


«Dans les décombres de la colonisation nous avons trouvé cet outil merveilleux : la langue française », écrivait Léopold Sédar Senghor, premier président du Sénégal et père fondateur de la Francophonie. La francophonie, nous l’expérimentons au quotidien, en dehors de l’institution, y compris avec des pays qui ne sont pas membres de l’OIF – c’est le cas de nos amis Algériens par exemple.

La Francophonie institutionnelle, qui est devenue un instrument de la diplomatie et, partant, de négociations souterraines, doit renouer avec ses fondamentaux et servir à renforcer les passerelles entre les peuples, créer les conditions de synergies communes et favoriser l’éclosion de projets à forte valeur ajoutée.

Il ne s’agit pas d’une défense rabougrie du français ou des intérêts de la France, mais bien de considérer que cette langue que nous avons en partage est un liant par-delà les frontières et les territoires.

Dans un contexte où le multilatéralisme ne cesse d’être bafoué sur l’autel du retour des nationalismes, le rappel de valeurs fondamentales comme la fraternité doit donner du sens à l’action. La coopération, la co-construction de projets apurés de toute asymétrie, dans un souci d’égalité, doit être une exigence quotidienne. Et c’est au nom de ces valeurs que nous en appelons à une francophonie des peuples, où chacun d’entre nous pourra trouver sa place.

À cet égard, dans une note publiée le 20 septembre dernier par la Fondation Jean Jaurès (« Pour une Francophonie de l’action »), nous avons développé des propositions autour de quatre axes : faire communauté ; adopter une vision culturelle ambitieuse ; valoriser la pertinence du développement économique en francophonie et réformer l’action politique de l’organisation.

Ces quatre axes ont en commun le goût de l’avenir et doivent favoriser la circulation des biens et des personnes via des programmes comme l’Erasmus francophone, les visas francophones, la promotion de jeunes talents prometteurs et ambassadeurs de la francophonie, ou encore la circulation d’expositions inter-musées.


Il nous faut être créatifs et novateurs, en osant par exemple créer une académie francophone (et pourquoi pas une Académie Monde, dans le sillage des réflexions des intellectuels et écrivains !), un fonds d’investissement dédié ou même une cellule de veille prospective.

Des réformes institutionnelles concrètes doivent également être adoptées. Nous pensons ainsi qu’il faut auditionner les candidats au poste de secrétaire général et qu’un débat projet contre projet puisse être engagé afin d’éviter les questions de personne au détriment des enjeux de fond.



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