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La lutte à mort de sœur Marie-Stella

Publié le vendredi 28 decembre 2018  |  Le Point Afrique
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Depuis vingt ans, cette religieuse togolaise se bat pour soigner les malades du sida et faire évoluer les mentalités. Elle a besoin de soutien.


Par Jérôme Cordelier


Quel éclat de rire ! On aurait pu s'en douter en apprenant son prénom, mais on ne pensait pas que sœur Marie-Stella diffuserait autant de bonne humeur autour d'elle. Cette religieuse quinquagénaire a des étoiles dans les yeux et rit comme une jeune fille. Et pourtant, cette sœur catholique se bat tous les jours, contre vents et marées, pour endiguer une immense tragédie qui gangrène toute une société depuis vingt ans.

Sœur Marie-Stella Kouak est née à Dapaong, dans le nord du Togo. Quand son père, enseignant à l'école primaire, épousa sa mère, elle était musulmane, lui, catholique. Ils se marièrent à l'église, puis il prit deux autres femmes, comme la coutume le permet, et tous les quatre eurent au total seize enfants. La famille n'ayant pas assez de moyens, Marie-Stella fut placée chez un oncle, puis chez une grande sœur pour aller à l'école. Après avoir décroché son BEPC, elle entre chez les sœurs augustines en 1990. « Ma famille avait des difficultés financières, je rencontrais beaucoup d'échecs scolaires, raconte-t-elle. Je voulais donner ma vie à Dieu afin de soigner les plus pauvres. Et pour cela, on n'a pas besoin de doctorat... » Encore un rire.



Silence


La congrégation l'envoie suivre des études d'infirmière en Belgique, et tous les week-ends elle rejoint une maison qui appartient aux sœurs en France, à Saint-Amand-les-Eaux. En 1998, Marie-Stella obtient son diplôme d'infirmière et revient au Togo. Soudain, le visage de la religieuse se fige. « Je dois vous dire, pendant mes études, j'ai eu une histoire avec le VIH », lâche la jeune femme. Silence. Elle poursuit, en baissant la voix : « En 1994, alors que je commençais ma formation, j'ai reçu un coup de fil de ma grande sœur. Elle voulait me dire que mon grand frère était atteint du sida. » Coup de tonnerre.

« J'ai vécu cette nouvelle comme un drame terrible, confie la sœur. Celui qui était touché était mon grand frère, l'aîné qui avait pris la responsabilité de la famille au décès de mon père, en 1990. À l'époque, en Afrique, on disait que cette maladie était un envoûtement, une malédiction, parce qu'elle était liée à des comportements sexuels. Ceux qui étaient atteints étaient stigmatisés. Les familles étaient divisées, ceux qui souffraient étaient abandonnés, on brûlait leurs vêtements, on laissait les enfants mourir, alors qu'en Afrique, d'habitude, nous les pauvres sommes riches de nos communautés fraternelles. En moins de deux ans, mon frère a été exclu de chez nous, il est passé de 65 à 35 kilos, on disait qu'il était prostitué, il est mort presque seul. Ce fut une période extrêmement dure. »


Sœur Marie-Stella se débat, cherche partout en France, en Belgique, et finit par découvrir des antiviraux, qui n'existaient alors pas en Afrique. De retour dans son pays, elle entre au service pédiatrique de l'hôpital fondé par les sœurs en 1962 dans sa ville natale, alors que le taux de mortalité infantile atteint les 85 %. Avec le soutien de sa congrégation, la religieuse crée l'association Vivre dans l'espérance, pour accueillir les malades, accompagner les plus atteints vers une mort dans la dignité et se dévouer à tout un travail pédagogique afin que les mentalités et les regards évoluent. « On faisait du porte-à-porte pour informer, on touchait les patients, on mangeait avec eux, on les aidait à faire leur toilette pour bien montrer que la maladie n'était pas contagieuse. Il fallait avoir une foi dynamique ! Parfois, on refusait de nous recevoir. Si tu viens dans la maison, c'est que le sida y est ! nous disait-on. »


Stigmatisation

Les sœurs installent un dispensaire « afin que bien et mal-portants s'allient pour assurer les besoins de la société ». Et comme beaucoup d'enfants sont mis à la porte de chez eux, Marie-Stella et les autres sœurs ouvrent un orphelinat, puis deux… Au total, 166 enfants atteints par le sida y sont accueillis, et 1 300 dont les parents sont morts de cette maladie sont hébergés dans des familles d'accueil.

Aujourd'hui, ce sont 1 800 personnes atteintes du VIH qui sont prises en charge dans la région par les sœurs. Il y a un an et demi, grâce au soutien du groupe Bayard Presse, l'association a construit un hôpital de 22 lits – et aimerait porter la capacité à 35, voire à 40. « Les antiviraux, qui sont arrivés en 2005, nous ont beaucoup aidés, souligne la religieuse. Au début, il y a vingt ans, nous étions à 400 décès par an, aujourd'hui, 17. »

Mais les individus qui sont atteints sont épuisés, constate notre infirmière de choc. « Ils ne peuvent plus travailler, on doit accomplir de longues distances, jusqu'à 150 kilomètres, pour leur apporter des médicaments, de la nourriture, assurer le suivi des enfants dans les familles, à l'école. »

«Une maladie qui affecte toute la société»


Sœur Marie-Stella est contente que « les gens comprennent que la maladie n'est pas contagieuse, qu'elle ne représente pas une malédiction ». Mais la lutte est loin d'atteindre son terme... La ville de Dapaong est située à 700 kilomètres de Lomé, la capitale du Togo, et à 35 kilomètres de la frontière avec le Burkina Faso, dans une région très pauvre. « La plupart des habitants vivent des revenus de la terre, il n'y a pas assez à manger pour les familles, l'exode rural frappe, le chômage est élevé, le niveau scolaire est bas », constate la religieuse. Et quand on ajoute à ce contexte le sida… « C'est une maladie qui affaiblit toute une société, témoigne la sœur. Elle fragilise l'apport économique et le développement humain. Nous avons beaucoup travaillé à amoindrir la stigmatisation, mais celle-ci perdure. »

Les sœurs ont créé une ferme pour lutter contre la dénutrition et générer des revenus. Elles mènent une action de sensibilisation pour attirer les bienfaiteurs : en versant 25 euros par mois, ils permettent de nourrir, soigner et scolariser des enfants – 585 aujourd'hui, soit 2000 familles.






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