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Interview/Un dialogue véritable et sincère doit s’ouvrir entre Togolais et pour soutenir les discussions, les marches pacifiques doivent reprendre (Kofi Yamgnane)

Publié le jeudi 21 mars 2019  |  aLome.com
Martin
© Autre presse par DR
Martin K. Yamgnane, politique togolais
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Homme politique depuis plus de 25 ans en France (il aura été maire, conseiller départemental, conseiller régional, député, Secrétaire d’État), candidat à la présidentielle de mars 2010 au Togo, Martin Kofi Yamgnane se présente plus que jamais en grand défenseur de la construction d’un Togo démocratique, réconcilié avec lui-même. Il se prononce, à la faveur de la première partie de cette longue interview, sur les sujets politiques brûlants de l’heure dans son pays natal. Et lève à l’occasion le voile sur la vraie cause de son absence physique prolongée au Togo depuis octobre 2014…




Vous suivez de très près l’actualité socio-politique au Togo. Vous avez accompagné l’ouverture du 27è dialogue inter-togolais le 19 février 2018 par différents commentaires. Et puis, depuis la tenue des législatives du 20 décembre 2018, on observe une position mutique de votre part, alors même que vous avez été consulté par le Facilitateur Nana Akufo-Addo avant le début de cet énième dialogue. Comment doit-on interpréter ce silence politique de votre part ?



KOFI YAMGNANE (K.Y.) : En effet. Tout comme le Président Nana Akufo-Addo, j’ai voulu croire au succès de ce 27e dialogue alors même que je sais par expérience, pour avoir participé à tous les dialogues depuis les tout premiers, qu’avec toujours les mêmes protagonistes togolais, tout cela pourrait encore n’être que "pipeau et compagnie". C’est parce que j’ai trouvé le Président ghanéen particulièrement courageux de prendre cette négociation à bras le corps ; c’est parce que j’ai pensé que la moindre chance devait être saisie, qu’à notre rencontre de Londres, je n’ai pas découragé le Président dans son initiative. J’ai pensé qu’il lui fallait aller au bout de son courage et de son espérance. La situation de notre pays est si désespérante que tout doit être tenté...
Malheureusement une preuve supplémentaire nous a été administrée que rien ne pouvait changer au Togo : le temps du changement n’est sans doute pas encore arrivé. Mais je reste persuadé qu’il adviendra... L’Histoire humaine n’a jamais fait la démonstration selon laquelle il pouvait exister un pouvoir éternel, même avec l’aide de la force et de la violence. Le choix fait par le gouvernement de répondre à des manifestations justes et légitimes par une répression féroce avec tant de victimes, est en réalité un "non-choix". C’est un gâchis sans nom, "inauguré" dès 2005 et qui se poursuit encore aujourd’hui. Pour moi, il n’y a donc pas de commentaire supplémentaire à faire à la suite de ce retentissant échec sauf à répéter une fois de plus ce que j’ai toujours dit : la solution appartient au peuple togolais et à lui seul. Il a déjà démontré qu’il voulait mettre fin à l’esclavagisme mental auquel l’ont soumis le pouvoir politique au Togo.
Lorsqu’il n’y a plus d’esclaves, il ne peut plus y avoir de maîtres ! Le peuple togolais doit aller au bout de cette logique en s’émancipant de tous!


Que devient concrètement depuis 2010 la mutation annoncée de «Sursaut-Togo» en un véritable parti politique au Togo ?


K.Y. : Nous y avons beaucoup travaillé. Il y eut un moment où nous sommes arrivés près, très près de cette transformation. Mes amis, les sympathisants et les militants ont attendu cette mutation.
Mais finalement, nous avons été amenés à procéder à un réexamen rétrospectif approfondi de la vie politique nationale depuis près d’une vingtaine d’années. Nous avons bénéficié du précieux concours des compatriotes issus de différents milieux ayant une bonne connaissance de la scène politique nationale et une bonne expérience des activités des partis d’opposition. Nous en avons donc conclu que ce n’était pas une nécessité impérative de transformer ‘SURSAUT TOGO’ en parti politique. Alors, nous avons décidé de garder ‘SURSAUT TOGO’ comme un Mouvement politique, c’est-à-dire un mouvement qui prône une «forme d’action collective concertée en faveur d’une cause». Il s’agit d’un agir-ensemble intentionnel, marqué par le projet explicite des protagonistes de se mobiliser de concert. Cet agir-ensemble se développe dans une logique de revendication, de défense d’un intérêt matériel ou moral, bref d’une “cause” spécifique : accès équitable de tous aux ressources économiques, liberté, honneur, dignité, alternance idéologique et politique, bonne gouvernance... etc.
Nous renonçons donc à devenir un parti politique classique, structuré avec une discipline, une hiérarchie... SURSAUT TOGO se veut un Mouvement démocratique, populaire, ouvert à tous les Togolais, militants politiques d’où qu’ils viennent, syndicalistes, étudiants, associations, ONG, hommes d’églises, mosquées, temples... un véritable réceptacle de tous ceux qui, acquis à l’alternative et au changement, souhaitent se mettre en ordre de marche puis sérieusement jeter toutes leurs forces dans ce combat. Chaque Togolais, chaque Togolaise est "invité" à venir librement militer au sein du ‘Mouvement SURSAUT TOGO’ avec ses idées, ses convictions, ses idéaux pour la mise en commun et le partage.
Nous ne serons jamais assez nombreux pour cette lutte combien salutaire ! C’est la vocation du ‘Mouvement SURSAUT TOGO’ qui, comme tous les autres groupements de personnes au Togo, sera juridiquement organisé selon les lois en vigueur dans notre pays.

Vous êtes Franco-togolais. Depuis près d’une dizaine d’années, vous n’avez plus remis pied dans votre pays natal. M. Yamgnane est-il devenu un second Tikpi Atchadam de la classe politique togolaise, c’est-à-dire contraint à vivre hors de sa terre natale ? Une telle posture politique ne conforte-t-elle pas la «qualification d’opportuniste politique» que vous prêtent certains Togolais ainsi que certains tenants du pouvoir de Lomé ?


K.Y. : Je voudrais vous apporter une précision qui me paraît utile pour vos lecteurs parce qu’ils ont droit à la vérité : la vérité, c’est que je suis absent du Togo depuis octobre 2014, c’est-à-dire à partir de la date où j’ai été mêlé à la rocambolesque affaire d’aide à une immigrée marocaine sans-papiers.
Lorsque la justice française m’aura jugé et "blanchi", ce que j’espère, je serai davantage présent au Togo. Si depuis donc 4 ans je n’ai plus foulé le sol togolais, croyez-moi, ce n’est pas par "posture" ! Pour le reste, je sais que le pouvoir et même certains opposants parlent de moi comme "d’un opportuniste politique". Je ne sais d’ailleurs pas très bien ce que cette expression couvre mais je sais une chose : j’ai réussi en 12 mois de présence dont 5 de campagne, en 2009/2010, à faire l’unanimité contre moi. Ce n’est pas moi que cela doit interpeller, mais bien les acteurs politiques nationaux.
Si vouloir mettre à la disposition de mon pays la technicité professionnelle et l’expérience politique acquises ailleurs mais qui doivent être "tropicalisées" pour être efficientes (j’en conviens), c’est être "opportuniste", alors oui je suis un opportuniste et fier de l’être !
En 12 mois, rappelez-vous, j’ai accompli ce qu’aucun responsable politique togolais n’avait jamais fait avant moi : j’ai visité toutes les régions, toutes les préfectures, toutes les villes, tous les cantons, tous les villages du Togo dans une vraie campagne de proximité ; j’ai rencontré tous les chefs de chez nous, de Ponio à Attitongon. Durant ce long périple de plus de 30.000 km, j’en ai entendu des vérités, en écoutant les Togolais et vu des choses en les regardant au fond des yeux, croyez-moi. C’est ainsi que j’ai réussi à créer un immense espoir pour le Togo et son peuple et une non moins immense inquiétude tant pour le pouvoir que pour les oppositions, ce qui a conduit à mon élimination de la "course présidentielle" (NDLR : de mars 2010).
Quand on est un parti politique d’opposition, on ne se bat pas sans idéologie en espérant gagner ! De vous à moi et très honnêtement, quelles différences idéologiques trouvez-vous entre le RPT/UNIR, le CAR, l’ANC, la CDPA, le CPP, le PDR, l’UFC, l’ADDI, le PNP...etc ?
Le slogan bien connu et largement utilisé par les politiciens opportunistes "Ôte-toi de là que je m’y mette" n’a jamais constitué ni un projet de société, ni un programme de gouvernement. En clair, l’opposition togolaise est juste une opposition de contestation mais n’a jamais pu montrer ce que le peuple lui demande : être une opposition alternative déterminée à conquérir et à exercer effectivement le pouvoir politique autrement ! C’est cela qui lui interdit toute crédibilité sur le plan international... Alors forcément, je suis le gêneur, "l’empêcheur de tourner en rond"...celui qui a pu constater et dénoncer les aberrations politiques au Togo !
Alors la panique, oui la panique, s’est emparée de tous. Sinon, qu’est-ce qui peut bien amener un dirigeant politique au plus haut sommet du pouvoir et de l’État à décider que le natif de Bassar que je suis, parti en France pour mes études supérieures avec un passeport togolais et un certificat de nationalité togolaise, confectionnés et signés par le Lieutenant Koffi Kongo, Chef de la Sécurité nationale en cette année 1964, où tous ces usurpateurs n’étaient même pas nés, n’est plus Togolais? Oui, qu’est-ce qui peut bien amener un dirigeant politique au plus haut sommet du pouvoir et de l’État à décider que le natif de Bassar n’est plus Togolais ? Quel crime et quelle haute trahison ai-je commis pour perdre ma nationalité togolaise ? Dans quel procès cette décision a-t-elle été prise ? Le Chef de l’État, grand ordonnateur de ce forfait, que j’ai interrogé par écrit, n’a pas même daigné accuser réception de mon courrier. Cherchez l’erreur ! Mais quel dirigeant de l’opposition togolaise a-t-il levé le petit doigt pour s’indigner d’une telle forfaiture et exiger le retour au simple respect de la légalité républicaine ?
M. Tikpi Atchadam, puisque vous en parlez, n’a pas décidé de vivre hors de son pays natal : c’est le pouvoir politique togolais qui l’y a obligé ! C’est donc à ce dernier d’expliquer pourquoi le fait de se définir comme le porteur de l’alternance peut-il être considéré comme un crime et que celui qui, parmi tant d’autres, anime ce combat pour le changement mérite la mort ou la fuite ? Demandez au pouvoir de s’en expliquer...

Revenons à ce qu’on qualifie dans la classe de l’opposition togolaise de «facilitation non achevée», en ce qui concerne la conduite des travaux du dialogue inter togolais de 2018 par Nana Akufo-Addo. Quel bilan global faites-vous de ce 27è dialogue, qui de l’avis de nombreux Togolais, a de nouveau été un marché de dupes ?


K.Y. : Je l’ai dit précédemment, le Président ghanéen a fait ce qu’il a pu, y compris en acceptant même de se faire "mépriser" par un responsable qui ne daigne même pas l’accompagner dans la salle des délibérations ! Il a échoué, on est d’accord, mais pouvait-il en être autrement ? Alors évidemment, c’est un dialogue inachevé et ce n’est pas le premier. Mon objectif, c’est d’en faire le dernier !
Et bien entendu, il y a une suite et il y a des conséquences à cet échec qui n’est pas seulement celui du Président Nana Akufo-Addo qui, en acceptant cette charge, n’avait pas d’obligation de résultat. Ça, c’est l’obligation des protagonistes togolais. La responsabilité et l’échec programmé du dialogue incombent aux leaders togolais. C’est seulement en cela que ce dialogue peut être considéré comme un marché de dupes.



Au sein de l’opposition togolaise, quelle auto-critique faites-vous de ce nouvel échec des opposants dans leurs efforts pour arracher du pouvoir de Lomé l’organisation d’une élection crédible et consensuelle, accompagnée par la Communauté internationale ?


K.Y. : Selon les analyses de ‘SURSAUT TOGO’, on peut leur reprocher de n’avoir tiré aucune leçon des échecs des précédents dialogues avant de s’engager dans ce 27e ; de n’avoir pas récusé un deuxième facilitateur alors que le premier travaillait parfaitement ; d’avoir accepté de suspendre les marches du peuple, leur seule arme, alors qu’ils n’avaient rien obtenu du pouvoir... De plus, et c’est le plus grave, n’avoir pas clairement reformulé puis organisé en des termes simples les revendications du peuple.
Ne relèverait-il pas de la responsabilité des leaders de construire et déposer une plateforme revendicationnelle cohérente précise, avec des objectifs bien étudiés, réalistes et réalisables au vu des rapports de forces et d’influence en présence ? N’est-ce pas la principale cause de l’échec ? Le ‘Mouvement SURSAUT TOGO’ avait par ailleurs proposé à la C14 de mobiliser tous les partis d’opposition sans aucune exclusive, pour le combat en cours, tout comme pour l’appel au DIALOGUE qui ne saurait tarder à apparaître enfin comme la SOLUTION. En effet, il s’agit pour nous avant tout, de passer de l’obscurantisme à la lumière, de la misère au mieux-être, de la dictature à la démocratie, et tout le monde, gouvernement et opposition, a sa part de charge à porter, parce que tout le monde y a intérêt.
Les revendications du peuple togolais sont toutes justes et légitimes et c’est pourquoi elles ont soulevé et rassemblé tant de Togolais de la Société Civile, depuis Cinkassé jusqu’à Sanvee Kondji. Et voilà que soudainement, on a senti comme un flottement dans la lutte : les engagements pris au début du dialogue sont bafoués par les uns, oubliés par les autres. Le dialogue est interrompu. Comme le pouvoir a pris, dès le début, l’option du "tout-répressif", les régions de Mango, Bafilo, Sokodé ayant été soumises à l’occupation militaire, et qu’il a multiplié arrestations, humiliations, tortures, disparitions, assassinats...l’échec était devenu inévitable.
Il est donc temps de se ressaisir : un DIALOGUE véritable et sincère doit s’ouvrir entre Togolais et pour soutenir les discussions, les marches pacifiques doivent reprendre pendant ce temps. C’est la seule arme du peuple en lutte pour sa libération. Alors personne n’a le droit de s’y opposer. Aucun membre de la C14, ni aucun opposant ne doit devenir complice de la démobilisation du peuple togolais. Le pouvoir a le devoir de respecter la liberté de manifestation inscrite dans notre Constitution.
Aucun membre de la C14, ni aucun opposant ne doit devenir un frein à la responsabilité prise collectivement devant le peuple togolais de mettre en place, par le dialogue, une transition devant mener à la démocratie. Le pouvoir n’a pas le droit de s’y opposer par la violence !
Toute la Diaspora marche comme un seul homme derrière le peuple togolais et elle lui a apporté et lui apportera encore beaucoup de moyens... Au nom de la Diaspora, j’ai appelé personnellement chacun des membres de la C14 à faire preuve d’unité, de maturité et de responsabilité. Nous devons tous rester fidèles à ces revendications, quoi qu’il arrive ! Nous n’avons jamais été aussi près du but : alors ressaisissons-nous, et rappelons le peuple togolais dans la rue pour d’abord exiger un dialogue et ensuite le soutenir jusqu’au résultat attendu ! C’est sa seule arme pour la conquête de sa liberté et de sa dignité, face à l’armada du RPT/UNIR !
La C14 s’est déconnectée de l’essentiel pour partir vers le piège tendu par le pouvoir : le recensement électoral et les élections du 20 décembre 2018 ! Le piège s’est refermé sur elle et sur le peuple togolais : la seule arme du peuple togolais pour la conquête de sa liberté, de sa dignité et pour l’alternance politique, c’est la poursuite et l’intensification des manifestations et des marches et rien d’autre. Aujourd’hui le RPT/UNIR s’est attribué tous les sièges à l’Assemblée Nationale : mais que va-t-il en faire, que peut-il faire d’une victoire sans combat ? D’une victoire à la Pyrrhus ? Tout est donc à repenser : c’est ce qu’a entrepris ‘SURSAUT TOGO’ en cette année 2019 !

Une partie de la diaspora togolaise ainsi que des critiques des opposants togolais les accusent «de ne pas disposer de solides carnets d’adresse en matière de relations internationales» pouvant les aider à exercer un certain nombre de pressions diplomatiques sur le régime en poste à Lomé. Quelle lecture faites-vous de cette critique, vue d’Europe ?


K.Y. : Ces "accusations" ont certes un fondement : en effet, on ne s’improvise pas "homme politique" en se levant un beau matin ! Comme disait Mitterrand, "...la politique, c’est un métier..." ! En effet !
Cependant, je ne crois pas que le fait « de disposer de solides carnets d’adresse en matière de relations internationales » soit primordial dans un combat politique. On en a besoin pour faire connaître les luttes et en relayer la cause à l’extérieur. Mais le combat politique est d’abord un combat intérieur.
Aucun peuple ne doit s’attendre à être libéré par un autre ! Si les Togolais veulent (et ils le veulent !) être libérés, jouir des bienfaits de la démocratie, se développer à leur façon et à leur rythme… ils ne peuvent et ne doivent compter que sur eux-mêmes et seulement sur eux-mêmes ! Mais cela demande des leaders sérieux et déterminés ayant un projet de société et le cas échéant un programme de gouvernement.
Toute autre approche ou promesse ou espoir est, au mieux de la démagogie ou de l’incantation, au pire de la trahison.

Restons toujours dans le contexte du 27è dialogue togolais. Dans les coulisses de la CEDEAO et de la diplomatie africaine, beaucoup ont mis en partie l’échec du 27è dialogue togolais sur le dos de l’entrée en scène du second facilitateur Alpha Condé, prétextant que Nana Akufo-Addo seul était en train de réaliser du bon travail. L’attelage diplomatique Akufo-Addo-Condé a-t-il coulé le dialogue togolais, ou bien pour une nouvelle fois, UNIR s’est montrée plus rusée sur le plan diplomatique que ses opposants ?


K.Y. : De ce que je sais, il est probable que l’entrée en scène du Président guinéen ait contribué à "planter" le travail du Président Nana Akufo-Addo. Il semble bien que "l’agenda interne" du Président guinéen (il n’est d’ailleurs pas le seul dans cette trahison des peuples!) avait tout intérêt à voir couler les objectifs des Togolais, ceux que le Président Nana Akufo-Addo défendait, y compris pour ne pas avoir à souffrir une nouvelle fois de l’exode de masse vers son pays, des Togolais pourchassés par le pouvoir togolais. Bien qu’ayant signé l’accord de bonne gouvernance présenté à Accra par le Président Macky Sall alors président en exercice de la CEDEAO, le Président Condé souhaite pourtant se représenter une troisième fois, en flagrant délit de roublardise politique au vu de l’accord qu’il a signé à Accra. Son intérêt est donc objectivement de voir échouer les négociations togolaises, ce qu’il a réussi à faire. Mais réussira-t-il pour autant à s’imposer en Guinée pour un troisième mandat ? C’est pour toutes ces raisons qu’il fallait récuser Alpha Condé, d’entrée de jeu !
Ceci étant dit, le RPT/UNIR a su, grâce à sa mauvaise foi habituelle, jouer finement dans la diversion et la division des membres de l’opposition togolaise promus négociateurs. Aurait-il réussi face au négociateur ghanéen tout seul ? J’ose espérer que non et l’intrusion du Président Alpha Condé a probablement aidé le pouvoir à arriver à ses fins. Pour autant, le "Sommet des Présidents et Chefs de gouvernement", avait le pouvoir de dire non, ce qu’il n’a pas fait. Pourquoi a-t-il choisi à l’unanimité de sauver "le soldat Gnassingbé" ?


Les deux facilitateurs de la CEDEAO n’ont plus souhaité continuer leur facilitation au Togo au sortir de la tenue du sommet de l’organisation sous-régionale de décembre 2018 ! Dans d’autres pays du continent comme la RDC, la communauté internationale elle-même a offert son accompagnement post-élections aux acteurs politiques congolais. La crise togolaise lasse-t-elle à ce point la diplomatie internationale ?



K.Y. : Oui tout à fait, la situation togolaise laisse pantoise toute la diplomatie internationale : on ne sent pas la volonté des opposants d’aller jusqu’au bout. On ne les sent pas vouloir mobiliser totalement la société civile et le peuple togolais tout entier, lui montrer le chemin du changement et lui en donner les moyens. On ne les voit pas rechercher la discussion avec l’Armée togolaise, soutien indéfectible du pouvoir politique. Ils n’ont pas de projet de société connu. Pas de programme de gouvernement. Pas de leader charismatique pour incarner une transition. Dans de telles conditions, à qui ou à quelle structure voulez-vous que la Communauté internationale "offre son accompagnement" ?
Depuis toujours et jusqu’à ce jour, le gouvernement togolais a mis au moins la stratégie utile à tricher et voler tous les scrutins organisés au Togo. Au sein du ‘Mouvement SURSAUT TOGO’, nous en détenons des preuves écrites. Ni le RPT, ni UNIR séparément, ni les deux ensemble n’ont jamais gagné aucune élection au Togo. Un des secrets de cette longue permanence au pouvoir, c’est l’utilisation abusive de l’armée nationale. Et c’est parce que celle-ci, dévouée corps et âme au monarque les a toujours "béquillés" comme son tuteur soutient le plant de l’igname, qu’ils sont toujours au pouvoir. L’armée togolaise, instruite et entraînée par la France, c’est la fondation même du pouvoir politique au Togo : quel dirigeant de l’opposition a-t-il déjà tenté de rentrer en contact avec elle et d’initier un débat, un dialogue ?
L’autre secret, tout de même aussi connu, est la mise aux pas des juges et des enseignants à travers tout le pays. Ces deux autres institutions de la République sont asservies par le pouvoir pour transformer les résultats sortis des urnes et publier les chiffres préfabriqués par le pouvoir : quel dirigeant de l’opposition a-t-il déjà tenté de rentrer en contact avec les juges et avec les enseignants pour initier un débat, un dialogue ?
Tout cela, l’opposition le sait puisque j’ai lu le fameux "Mémorandum" de l’UFC des années 2010/2011 concernant les scrutins organisés au Togo. Quel leader de l’opposition en a-t-il informé cette fameuse Communauté Internationale ?


Dans la grande masse des partisans de l’opposition togolaise, nombreux sont ceux qui ont vu conforter, après le 20 décembre 2018, leur opinion selon laquelle la «communauté internationale orchestre un complot diplomatique contre le Togo depuis l’assassinat de Sylvanus Olympio le 13 janvier 1963». M. Yamgnane, pourquoi l’Europe, les USA, et surtout la grande communauté africaine semblent-ils presque indifférents devant la survivance de la crise socio-politique au Togo depuis octobre 1990, alors même que tous les voisins de ce pays ont réalisé l’alternance (pacifiquement ou non) depuis l’ouverture démocratique en Afrique ?



K.Y. : Non, je ne crois pas un seul instant que la "communauté internationale orchestre un complot diplomatique contre le Togo depuis l’assassinat du Président Sylvanus Olympio le 13 janvier 1963". Même si tout le monde sait que Faure Gnassingbé et avant lui, son père, "paie" lourd pour se maintenir au pouvoir (des millions de dollars dilapidés...), cela ne suffit pas pour tenir une telle suspicion, pour la bonne et simple raison que, contrairement à ce que pensent les Togolais, notre pays n’empêche aucun membre de la Communauté internationale de dormir ! Personne ne se lève le matin en se demandant comment maintenir le Togo dans la servitude ! Il existe même des dirigeants de ce monde qui ne savent pas placer le Togo sur un planisphère ! Il m’arrive fréquemment de me faire appeler en Europe et même en France "Kofi le Tongolais", par certains des plus hauts dirigeants qui confondent allègrement sans doute le Congo et le Togo, à moins que ce soit la confusion entre le Tonga et le Togo, pour en faire une synthèse qui donne à pleurer !
La seule réponse à votre interrogation est celle que je vous ai déjà donnée : le peuple du Togo ne peut se libérer que par lui-même et pour cela, il faut qu’il démontre sa volonté et seulement ensuite l’extérieur viendra l’épauler. Ne cherchons pas plus loin ! Ne cherchons pas des explications qui n’existent pas...

Comment rompre donc le cercle vicieux de la position de la communauté internationale à l’égard du Togo, position qui se résume dans le «je vois, je constate, mais je laisse faire, et j’en prends acte» ? Les nombreuses victimes collatérales induites (tout particulièrement les pertes en vies humaines) par la crise socio-politique depuis octobre 1990 au Togo ont-elles moins de valeur que les dégâts des crises au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, en RDC, en Centrafrique, en Gambie, etc. ?


K.Y. : Tout d’abord, je voudrais une fois de plus, m’incliner devant les morts, tant de morts pour rien ; devant les trop nombreux blessés, devant les milliers exilés de notre pays : croyez-moi, mon cœur saigne pour mon pays et pour son peuple...
"Je vois, je constate, mais je laisse faire, et j’en prends acte" : c’est ce que vous voyez dans la position de la Communauté internationale sur la crise quasi-trentenaire de notre pays. Et vous vous interrogez en même temps que vous m’interrogez de savoir si "les nombreuses victimes collatérales induites (tout particulièrement les pertes en vies humaines) par la crise socio-politique depuis octobre 1990 au Togo ont-elles moins de valeur que les dégâts des crises au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, en RDC, en Centrafrique, en Gambie, etc. ? ".
Non, ce n’est pas la vraie vision de l’extérieur sur notre pays. Je continue à dire, répéter, marteler...que personne ne viendra nous libérer à notre place. Lorsque nous aurons réussi à construire les fondations de ce que nous voulons pour notre pays, un vrai projet libérateur, démocratique, unitaire ; lorsque nous aurons dégagé un leadership sérieux, courageux et travailleur sans compromission, vous verrez, nous serons entendus et aidés en cas de besoin. En tous cas, nous gagnerons notre liberté et ferons de notre pays ce que ses fondateurs ont toujours imaginé pour lui, "l’or de l’humanité".


Tenir un dialogue direct entre le Président Faure Gnassingbé et ses principaux protagonistes politiques sans l’intervention de l’extérieur, un peu comme la paix des braves entre Uhuru Kenyatta et Raila Odinga au Kenya, est-il envisageable dans les mois à venir ? Seriez-vous prêt à participer à ce type de dialogue fraternel direct, avec la caution des rares autorités morales au Togo ?


K.Y. : Oui en effet, c’est la solution de changement pacifique qui nous reste et que je développe depuis plusieurs années. Croyez-moi, le nouveau paradigme que porte ‘SURSAUT TOGO’ est basé sur le dialogue, un dialogue sincère et respectueux. Nous voulons initier et porter partout au Togo ce dialogue qui doit toujours être préféré à la confrontation violente pour la construction d’un État de droit : respect des droits humains, pluralisme idéologique, élections libres et transparentes, alternance politique...
Nous avons pris de multiples initiatives en ce sens depuis les années 1990. Elles se sont toujours heurtées à ce que j’appelle ‘la mauvaise foi sinon le refus permanent de choisir le bien du peuple’. Mais nous n’avons pas renoncé... Donner à notre pays une dimension universelle et humaniste, s’inscrivant dans le temps long des sociétés humaines, voilà le défi à relever dès aujourd’hui. Le Président Faure Gnassingbé aurait pu affronter ce défi. Il en est capable...et moi je l’avais secrètement espéré... Mais non, il préfère toujours "gouverner" par la force et la répression ! Quel gâchis !
Comme vous voyez, les sujets de dialogue ne manquent pas et ‘SURSAUT TOGO’ y est prêt depuis longtemps, depuis toujours. Nous souhaitons que tous les autres protagonistes adoptent ce même comportement et acceptent notre offre de dialogue. C’est mon rêve à l’aube de la nouvelle page politique qui s’ouvre au Togo.



Interview réalisée par E. G.
A suivre…
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