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Les images de la prison de Lomé sont-elles vraies?

Publié le mardi 4 juin 2019  |  DW AFRIQUE
La
© aLome.com par Parfait
La 5ème édition de la semaine du détenu appartient à l`histoire.
Lomé, le 11 août 2015. Prison civile de la capitale du Togo. Clôture de la 5ème édition de la semaine du détenu dans la plus grande maison d`arrêt de la République togolaise.
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Dans un message sur Twitter, le mouvement citoyen togolais "En Aucun cas" interpelle la DW sur les conditions de détention du jeune étudiant Folly Satchivi. Mais l’analyse des images jette un doute sur leur authenticité.



Trois photos censées illustrer "l’enfer" vécu par l’étudiant et président du mouvement "En Aucun cas" et d’autres membres du PNP (Parti National Panafricain) accompagnent la publication. Sur deux des images on peut voir des hommes amassés dans une pièce et couchés les uns à côté des autres.

Cette promiscuité apparente est jugée "cruelle", "inhumaine" et "révoltante" dans les publications du mouvement citoyen "En aucun cas".

La dernière image montre une cour inondée, censée être celle de la prison de Lomé, dans laquelle des jeunes hommes font la queue, certains portant des récipients en plastique.

Ces images de désolation ne laissent pas indifférent au vu des commentaires et des centaines de partages qu’elles ont obtenus, notamment sur Facebook.

Contacté par la Deutsche Welle à la suite de l’interpellation sur Twitter, le mouvement "En aucun cas" indique que ces clichés auraient été pris par un détenu de la prison de Lomé et qu’ils ont été obtenus par un intermédiaire, quelques semaines seulement avant leur publication.

"Ces photos ont bel et bien été prises à la prison civile de Lomé. Elles sont récentes car elles ont été prises il y a environ deux à trois semaines. Si Folly Satchivi n’y apparaît pas, c’est parce qu’elles ont été prises de manière clandestine", explique Victor Kaoutowou, responsable des réseaux sociaux du mouvement "En aucun cas" et secrétaire général de la Ligue togolaise des élèves et des étudiants.

Folly Satchivi a été arrêté le mercredi 22 août alors qu’il s’apprêtait à donner une conférence de presse, jugée illégale par les autorités. En janvier dernier, le tribunal de Lomé l’a condamné à 36 mois de prison dont 12 avec sursis pour "trouble aggravé à l’ordre public et apologie de crime et délits".

Des images déjà présentes sur Internet

Cependant, une recherche d’image inversée sur Google permet de découvrir que ces photos ont déjà été exploitées plusieurs fois sur la toile pour illustrer l’état des prisons africaines dans d’autres pays.

Il y a un an, par exemple, le site en ligne ghanéen Yen.com a utilisé une de ces images pour un post décrivant la surpopulation carcérale au Ghana. Publié en février 2018, l’article énumère quatre raisons qui devraient pousser les Ghanéens à tout faire pour ne pas terminer en prison.

D’autres sites ghanéens ont même attribué la même image à la prison de Nwasam, une ville située à une trentaine de kilomètres au nord de la capitale Accra.

En 2016, un site nigérian a eu recours à la même image pour illustrer la "vie dure au sein du système carcéral" nigérian. Dans la légende accompagnant la photo, le site Armada.ng écrit : "Dans les prisons nigérianes".


D’où vient cette image ?

La photo en question, la même donc pour le Ghana, le Nigeria et le Togo, a été prise, en juin 2005, par le photojournaliste sud-africain Joao Silva pour le New York Times, dans le cadre d’une série de reportages sur les prisons au Malawi. Elle a été faite à la prison de Maula, à Blantyre une ville du sud du Malawi.

Dans une interview accordée à L’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, le photojournaliste de guerre raconte qu’il a pris cette photo à l’occasion de deux jours de visite dans cette prison où, explique-t-il, "les détenus passent 14 heures chaque jour dans des cellules pouvant contenir 100 à 150 personnes". La photo de Joao Silva a été archivée par le New York Times et sur son site internet.

Aujourd’hui Joao Silva n’exerce plus comme photojournaliste de guerre. Il a dû abandonner son travail après avoir été grièvement blessé en 2010, alors qu’il accompagnait des soldats américains dans une zone de déminage en Afghanistan.

La photo prise dans la prison malawite fait partie des images sélectionnées sur son site pour ceux qui veulent lui venir en aide à travers des donations.

Au vu de ce qui précède, cette image n’est pas de la prison de Lomé.

"Ce genre de manipulations, de tromperie est devenu très courant dans le contexte africain", indique Qemal Affagnon, responsable pour l’Afrique de l’ouest de l’ONG Internet Sans Frontières. A l’en croire, c’est la recherche du sensationnel et de l’inédit sur les réseaux sociaux qui favorise la diffusion de ce genre de contenus.

Recontacté après cette découverte, le responsable du mouvement "En aucun cas" a indiqué quand-même que ses "propos restaient inchangés".


Des images de Libye

Quant à la deuxième image, ses premières traces sur Internet remontent à fin 2017, à la suite d’un reportage de la chaîne américaine CNN sur la vente de migrants africains en Libye. La photo a servi d’illustration de cet événement dans plusieurs articles en ligne, mais sa source n’a pas été identifiée.


Même si elle a circulé et été utilisée dans plusieurs articles à cette période, il est pour l’heure difficile de savoir qui en est l’auteur. Mais il est très improbable qu’elle ait été prise récemment à la prison de Lomé, puisqu’elle était déjà présente sur Internet avant l’arrestation de Folly Satchivi.


La difficile situation des prisonniers togolais

La dernière image qui montre la cour de prison, censée être celle de la prison civile de Lomé, n’est pas récente non plus. Elle a servi d’illustration à un article, datant de juin 2018, du Los Angeles Times sur la torture au cours des détentions de prisonniers politiques au Togo.

C’est après cette date que cette image s’est multipliée sur les sites d’informations togolais.

Cette photo est sans doute celle d’une cour de prison civile de Lomé. En tout cas, la journaliste américaine Sioban O’Grady confirme que la même photo lui a été transmise par un détenu de la prison civile de Lomé à l’occasion de la publication d’un article en juin 2018.

Dans tous les cas, le Togo n’est pas le seul pays sur le continent africain où des fausses informations agitent l’opinion. Les périodes électorales offrent surtout un contexte favorable à la dissémination des infox, indique Qemal Affagnon.
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