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Togo/Politique : Une croix sans fin

Publié le jeudi 18 juillet 2019  |  Amania Info
Locales
© aLome.com par Edem Gadegbeku & Dodo Abalo
Locales 2019: Mgr P. Kpodzro accomplit son "devoir civique dans la joie"
Lomé, le 30 juin 2019. Amadanhome. Locales 2019: Mgr P. Kpodzro accomplit son "devoir civique dans la joie". Il exhorte chaque citoyen togolais à en faire de même, et "croit en un aboutissement heureux de ce processus électoral".
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A 89 ans, Mgr Philippe Fanoko Kpodzro, le doyen des évêques du Togo espère entonner un jour proche le cantique de Siméon. «Oh ! Mon Dieu, implore-t-il, accordes-moi la grâce de ton serviteur Siméon à qui tu as donné la faveur de voir de ses yeux le messie, avant de le rappeler à toi. Je t’en supplie, permets-moi de voir de mes propres yeux l’alternance au Togo, avant de me retirer définitivement le souffle».

Une espérance qui explique sans doute l’activisme audacieux de l’archevêque émérite de Lomé. Depuis près de deux ans, en effet, le prélat multiplie les prises de positions. Il interpelle tour à tour ses collègues évêques, le chef de l’Etat, les leaders politiques de l’opposition et le peuple togolais.
«Je reste convaincu en ma qualité d’homme de Dieu et d’ancien, en plus de confidences reçues de personnalités dignes de foi que seule l’union fait la force. Aucune autre stratégie ne vaut celle de l’unicité d’action, celle de la candidature unique pour battre dès le premier tour le candidat du régime.»

Ce n’est pas le premier combat pour « la paix, la cohésion et l’harmonie » au Togo du prélat qui se dit propulsé « malgré lui » au-devant de la scène politique. En 1991 quand il s’était agi de trouver un président pour des assisses nationales soldant les 24 ans de dictature du Général Eyadéma, c’est vers lui que les yeux se sont tournés. Mais quand Monseigneur Isidore de Souza, président de la conférence nationale béninoise, mandaté par les partis politiques togolais le sollicite, il proteste : « Excellence, je suis le moins indiqué. » Et il propose, à sa place le Très Révérend Père Dovi Ndanou. « Licencié en Lettres et en Théologie, journaliste de formation, il est non seulement bien préparé, mais le plus compétent de nous tous dans le domaine sociopolitique. »

A Lomé, l’archevêque Robert Dosseh lui réitère la proposition des partis politiques de l’opposition togolaise. Trop lié au régime, lui-même n’offrait pas assez de gages à l’opposition. Il ne pouvait pas faire l’affaire. Ni Mgr Chrétien Bakpessi, handicapé par de multiples interventions chirurgicales sur les yeux. Encore moins le cadet des évêques Mgr Jacques Anyilunda. Trop jeune ! « Mgr Kpodzro, le sort tombera sur toi ! N’aie pas peur ! Il s’agit de réconcilier les Togolais. Nous allons prier pour toi et solliciter l’autorisation du Saint Siège. » Rassure Mgr Robert Dosseh.

Deux jours plus tard, il reçoit une visite des plus improbables dans son évêché à Atakpamé. « Monsieur le ministre Gachin Mivédor envoyé par le président de la République, vint me demander de présider la Conférence nationale qui allait se tenir bientôt à Lomé. »

Comment comprendre cette initiative du chef de l’Etat togolais quand on sait le contentieux personnel entre ce dernier et le prélat datant de sa nomination comme évêque par Rome et de sa consécration épiscopale plutôt mouvementée ? Plus qu’un concours de circonstances, Monseigneur Philippe Kpodzro y voit la main de Dieu. « Je finis par comprendre que c’est l’Esprit qui me propulsait au-devant de la scène politique, comme un instrument sans consistance propre entre les mains de Dieu, pour la réalisation de ses desseins d’amour insondables sur le Togo. Je donnai mon accord de principe à la demande du Chef de l’Etat. »


Mais sur ta parole…


Pour comprendre cette réponse positive du prélat à la requête du chef de l’Etat, il faut revenir à l’évangile de Luc, chapitre 5 verset 5 : «C’est ce verset qui m’a incité à devenir prêtre. In Verbo Autemtuo. Mais sur ta parole».

Etant monté dans la barque de Simon, Jésus au début de son ministère exhorte ce dernier à avancer en pleine eau et jeter les filets pour pêcher. «Et Simon répondant lui dit : Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre ; mais sur ta parole je jetterai le filet».

« In Verbo Autemtuo. Mais sur ta parole. Ma devise sacerdotale en 1959, reprise en 1976 comme devise de mon épiscopat, n’exprime-t-elle pas assez l’attitude de confiance totale que le Christ Jésus attend de moi dans les conjonctures difficiles de mon ministère ? »

Des «conjonctures difficiles», il en eût effectivement beaucoup. «Vous savez tout ce que j’ai bavé pendant mon sacre ! » rappelle le prélat qui y voit l’œuvre des « démons furieux d’avoir été dupés dans leur vigilance. (…) Sous leur instigation, l’opposition à mon ordination épiscopale fut si farouche et violente qu’il ne fallait reculer devant aucun obstacle pour l’élimination physique de l’élu de Yahvé. »

1976 : le dispositif préparé pour le sacre de Mgr Philippe Kpodzro, le 1er mai à l’évêché d’Atakpamé est saccagé. La célébration est-elle transférée à Lomé nuitamment ? La soldatesque aux ordres du général Eyadéma fait une irruption sacrilège, le lendemain, armes aux points dans l’église Saint Augustin d’Amoutivé de Lomé. « L’un des assaillants monta dans le chœur, révolver au point, en vociférant ‘Qui est Mgr Kpodzro ? Où est Mgr Kpodzro ? N’ayant eu ni réponse vocale ni signe indicatif, il redescendit du chœur et avec ses compagnons, se mit à violenter les fidèles impassibles et chantant le pater nostra avec une ferveur digne des premiers martyrs. (…) Quant à moi, je suis soustrait à la fureur de la soldatesque en disparaissant rapidement en un lieu très secret. Le journal officiel le lendemain matin portait comme titre à la une : ‘’Le sacre de Mgr Kpodzro n’a pas eu lieu’’.» En réalité, le sacre eut bel et bien lieu. Et les autorités catholiques ne manquèrent pas d’exprimer au Général Eyadéma leur indignation contre cette « violation sacrilège ».

Non content, le chef de l’Etat les met au défi « qu’un tel évêque puisse au Togo se rendre tranquillement dans son diocèse pour y travailler. » Ainsi pendant près de cinq ans, l’évêque d’Atakpamé dirigea son évêché depuis Lomé


«Les protestants ne font pas un évêque catholique»


Trois initiatives viendront amadouer le général Eyadèma. La première, une promesse de don du Pape Paul VI d’un hôpital dans le diocèse d’Atakpamé, celui de Mgr Kpodzro, laissant le chef de l’Etat la prérogative de choisir la localité. A condition toutefois que l’évêque en exil à Lomé puisse être de la partie lors de la pose de la première pierre…et que l’hôpital soit géré par une congrégation religieuse de sœurs soutenue par des agents médicaux.

C’est le père de l’évêque qui porta la seconde initiative. Nonagénaire, ce denier se rendit à Pya, village natal du général pour plaider la cause de son fils « qu’il souhaitait accueillir sur ses genoux à la maison, avant d’aller raconter cette bonne nouvelle à ses ancêtres au royaume des morts. »

Emu, le général-président, protestant pratiquant, confia au vieillard que la page était tournée depuis bien longtemps à son niveau. Et « que de toutes les façons, ce ne sont pas les protestants qui font un évêque catholique ; encore moins les militaires».

Mais pour crever une fois pour toute, l’abcès, il a fallu que l’évêque sollicita lui-même une audience. « Le président Eyadéma me reçut avec beaucoup de gentillesse et me dit combien il était impressionné par la sagesse de mon vieux papa qui était venu le voir à la tête d’une délégation familiale à Pya. »

Suivant les instructions du chef de l’Etat, «j’ai fait prudemment deux voyages aller-retour en pleine journée à Atakpamé sans aucun incident et le 21 janvier 1980, dans la nuit, je me suis rendu définitivement à l’évêché d’Atakpamé en y allumant tout l’éclairage.»


Mirabeau dans le texte

Ce contentieux personnel entre le général protestant et le prélat catholique va-t-il peser sur le cours de la conférence nationale ? Beaucoup se sont posé cette question quand les travaux proprement dits de la conférence nationale s’ouvrent le lundi 15 juillet. Dans son discours d’ouverture, Mgr Philippe Kpodzro proclame : « Nous sommes ici par la volonté du peuple, et nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes. ». La salle se lève, les bras au ciel et chante dans une euphorie débordante : « Fofo si nusé lé…Alléluia ! C’est du père que vient toute puissance…Alléluia ! »

Homme de vaste culture, connaissant ses classiques et lisant le latin dans le texte, le prélat reconnaitra bien plus tard que citer le célèbre orateur et révolutionnaire comte de Mirabeau était « une malencontreuse idée » : « C’était, se défend-il, simplement de ma part un artifice d’art oratoire pour fustiger chez nous dans l’occurrence, les tendances aux excès que la révolution française a connus comme : les crimes, la délation, les assassinats, les pendaisons, les buchers, la guillotine, et j’en passe. Je voulais plutôt exalter au contraire les nobles objectifs de vérité, de paix et de réconciliation que poursuit notre conférence nationale, voulue par l’ensemble de notre peuple, accepté par le chef de l’Etat qui l’a ouverte, et soutenue en ces moments par plusieurs groupes de prière de nos fils togolais qui avaient les yeux fixés en direct sur nous. »

Un malentendu de plus sur lequel s’ouvre la conférence nationale. Et l’orage qui vient tiendra toutes ses promesses. Le 16 juillet 1991, par l’acte n°1, la Conférence nationale est proclamée souveraine et la constitution du 9 janvier 1980 suspendue. Le gouvernement et les Forces Armées Togolaises claquent la porte. Les ministres reprendront leurs places à la conférence nationale après huit jours d’absence. Quant aux militaires, ils ne s’estimeront jamais liés par les décisions de la Conférence nationale. « J’ai essayé de faire de mon mieux. Quand les possibilités humaines font défaut, c’est la parole du Christ : jettes encore le filet ! »

Des filets, le président de la conférence nationale souveraine va en jeter encore et encore. Le prélat réussi, peu s’en faut à faire (re)venir le chef de l’Etat dans la salle de la conférence nationale. «Je me suis permis de présager avec lui, un peu ce qui pourrai se passer : il sera chahuté pendant 15 à 20 minutes ; mais pendant ce temps, il devait garder le silence, la patience et le sang-froid. Puis le calme imposé et obtenu, je lui donnerai la parole. Et lui, en grand homme s’élevant au-dessus de la mêlée, présenterait d’abord ses excuses car personne n’est infaillible dans ses actes ; ensuite, il rassurerait ses compatriotes en leur promettant désormais de mener ensemble le processus du vrai changement. »

Une malencontreuse fuite de l’information fera capoter le projet. La réconciliation entre le Général Eyadéma et son peuple n’aura pas lieu. Mais le pire était à venir. « Mais voici à présent la goutte d’eau qui fit déborder le vase. A la fin de la séance de la matinée du dernier vendredi du mois d’août 1991, deux délégués me remirent une enveloppe en me priant de bien vouloir prendre rapidement connaissance de son contenu. »

Un contenu qui fait froid dans le dos. Le chef de l’Etat et des ministres du gouvernement seraient impliqués dans un sanglant complot contre les délégués de la conférence nationale. « Je fis avec mes conseillers immédiats une urgente concertation de circonstance d’où il me fut recommandé sur ce sujet d’en faire une dénonciation publique à la Sékou Touré. (…) Aussi, dans l’après-midi, après la minute de recueillement spirituel suivie du chant de l’hymne national, je balançai intégralement le texte de ce bouleversant message».

Et l’orage éclate pour de vrai. Sommé par le Général Eyadéma de démentir, Mgr Kpodzro réponds fermement : « Non, monsieur le Président car le message m’était remis par des personnalités digne de foi».

La suite est connue. Le général Eyadéma fait arrêter l’électricité, coupant la salle de la conférence nationale de toutes communications avec l’extérieur. « Mais grâce à une radio transistor, les délégués purent suivre le décret du chef de l’Etat arrêtant les travaux de la conférence nationale souveraine ». Mais les ambassadeurs Hans Joachim Held d’Allemagne, Harmon Kirby des USA et Bruno Lyonnel Delaye de France s’enferment volontairement avec les délégués pour leur conférer une « immunité diplomatique » permettant d’épuiser au pas de charge l’ordre du jour de la Conférence nationale. Après une séance marathon de quinze heures, la conférence accouche d’un Premier ministre, Me Joseph Koffigoh, et d’un parlement de transition de 70 membres dirigé par Mgr Philippe Fanoko Kpodzro.
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