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«La dos Santos company», l’incroyable saga du clan qui a tenu l’Angola pendant 38 ans

Publié le jeudi 3 octobre 2019  |  Jeune Afrique
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José Eduardo, Isabel, José Filomeno... Dans « La dos Santos company. Mainmise sur l’Angola », qui sortira le mercredi 2 octobre, notre collaboratrice Estelle Maussion raconte l’extraordinaire histoire d’une famille devenue intouchable, jusqu’à l’élection de João Lourenço. Jeune Afrique vous propose le premier chapitre en accès libre.



Un père autoritaire, une fille milliardaire et un fils emprisonné. Dans La dos Santos Company. Mainmise sur l’Angola, Estelle Maussion – journaliste en Angola de 2012 à 2015 – plonge le lecteur dans l’incroyable histoire du clan dos Santos, entre rebondissements, coups tordus et manipulations.

Arrivé au pouvoir en 1979, le père José Eduardo dos Santos décide de tout, tout seul, et distribue les ressources à ses proches, tandis que la majorité de la population vit avec moins de deux dollars par jour. Un règne familial qui s’annonce éternel jusqu’à ce que le nouvel homme fort, João Lourenço décide de faire le ménage après avoir remporté la présidentielle de septembre 2017.

Ce livre est le fruit d’une longue enquête qui décrypte une saga familiale, celle des dos Santos, tout en mettant en perspective les défis actuels de l’Angola. Jeune Afrique publie en exclusivité le premier chapitre de l’ouvrage publié aux éditions Karthala.


Il était une fois à Luanda…

« Quand nous sommes réunis, nous ne parlons pas de nos activités professionnelles. Nous échangeons des nouvelles, surtout à propos des enfants. Nous évoquons souvent le bon vieux temps, l’époque où nous étions petits. » Trentenaire souriant et élégant, José Filomeno, le premier fils du président angolais, fait cette confidence un après-midi d’octobre 2012 à Luanda, après deux heures d’entretien.

À 34 ans, il vient d’intégrer, grâce à un décret signé par son père, le trio d’administrateurs dirigeant le fonds souverain de l’Angola. Moins d’un an plus tard, il prendra, toujours grâce à son père, la tête de ce même fonds d’investissement étatique doté de quelque cinq milliards de dollars.


Une famille comme les autres ?

Les dos Santos sont une famille comme les autres, laisse pourtant entendre le jeune homme à la voix posée. Ils déjeunent chez la grand-mère Marta le dimanche. À table, comme dans beaucoup de foyers, interdiction de parler travail.

On évite aussi les sujets qui fâchent. Qu’est-ce que Zénu – le surnom de José Filomeno – compte faire du pactole reçu de papa ? Est-ce que l’aînée Isabel, déjà à la tête d’un empire, ne peut pas laisser un peu de place à ses demi-frères et sœurs plus jeunes ? Doit-on vraiment payer aussi cher l’allégeance des amis du clan, dont le vice-président Manuel Vicente et le général Kopelipa ?

Jamais d’éclat de voix, jamais de scène en public mais une autorité incontestée et incontestable. Chef de tribu impénétrable, c’est lui qui décide, départage, promeut et punit. Il n’est pas seulement leur frère, père, grand-père, chef ou président. Il est le maître de leur existence, le « parrain » d’un clan qui règne sans partage et sans scrupule sur l’Angola.

Le quartier présidentiel, un bunker

Sa toute-puissance ne se ressent nulle part ailleurs mieux que dans la Cidade Alta, le quartier qui abrite le palais présidentiel. Luanda est une ville chaotique, bruyante, aux trottoirs défoncés ou inexistants et à la circulation automobile anarchique. Située sur les hauteurs de la ville, la cidade alta est un havre de verdure, de silence et d’ordre.

Belles allées de palmiers, rues parfaitement asphaltées, trottoirs pavés quotidiennement balayés, bâtiments roses et blancs datant de l’époque coloniale ornés de colonnades. On y entend les oiseaux chanter.


Ce cadre idyllique ferait presque oublier qu’il s’agit d’un bunker. En voiture, vous pouvez y passer mais interdiction de vous garer ou de vous arrêter. Il faut utiliser un parking en contrebas puis finir le trajet à pied. Sur le chemin, des militaires en treillis armés de mitraillettes sont postés à chaque porte, soit tous les cent mètres. Toute personne extérieure est immédiatement repérée et doit montrer patte blanche.

Passée une première guérite, il faut marcher encore un peu avant d’apercevoir l’entrée du palais présidentiel et son portique de sécurité où des agents en costume-cravate retiennent les téléphones portables, interdits dans l’enceinte. Une fois à l’intérieur, les visiteurs subissent une ultime épreuve, une attente à durée indéterminée, cantonnés dans des salles en marbre mais sans fenêtre. Chef de la police, ministre, ambassadeur, tout le monde reçoit le même traitement.

Une aile du palais est réservée aux réceptions de personnalités étrangères, dont la date et l’heure ne sont confirmées qu’à la dernière minute. Accueillis avec les hommages militaires, les chefs d’État et de gouvernement sont ensuite escortés dans un petit salon feutré. Chaque geste est scruté par les hommes du protocole. Les journalistes sont relégués dans les jardins pour des déclarations à la presse, toujours brèves, très encadrées et rarement suivies de questions. Voilà l’atmosphère dans laquelle règne José Eduardo dos Santos.

Le président décide de tout, tout seul

Sur le papier, l’Angola est une démocratie. Il y a une Constitution, des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire séparés, des élections organisées régulièrement. Dans les faits, le président angolais décide de tout, tout seul. Et cela, depuis des années du haut de sa tour d’ivoire qu’est le palais présidentiel.

Les conseils des ministres se déroulent à l’étage dans une immense salle rectangulaire. Quelques bouquets de fleurs tentent d’apporter un peu de chaleur à la pièce. En vain. La configuration des lieux suffit pour comprendre qui est le chef. José Eduardo dos Santos préside derrière un imposant bureau juché sur une estrade. En contrebas, les ministres se rangent, disciplinés, autour d’une table ovale.

Lorsque le président fait son entrée, l’ambiance se tend. Les visages se ferment. On retient son souffle. Puis, impassible, il écoute pendant des heures les rapports de ses subordonnés avant de finalement annoncer ses décisions. « Rares sont les téméraires à prendre la parole spontanément, la plupart des ministres attendent que cela se passe en priant pour ne pas être sollicités, raconte un ancien habitué de ces réunions. Quand le président ne peut pas imposer ses vues aussi directement alors il ruse ! » Par exemple lorsqu’il doit consulter le conseil de la République, organe qui rassemble les forces vives du pays (magistrats, partis politiques, responsables religieux et associatifs), avant de prendre une décision importante comme la date des élections.


La séance commence comme n’importe quelle autre. Il laisse parler longuement les différents protagonistes sans jamais prendre la parole ni montrer aucune réaction. On dirait un sphinx. Chacun est agréablement surpris et a l’impression d’être entendu. Jusqu’au moment où, en fin de session, José Eduardo dos Santos annonce la date de son choix, pour reprendre l’exemple des élections, soulignant qu’elle a été choisie d’un commun accord…

L’État angolais, une entreprise familiale

Si le président angolais se comporte de cette façon, c’est parce qu’il « considère le pays comme sa propriété privée », résume, après s’être assurée de l’absence d’oreilles indiscrètes, une consœur journaliste angolaise. Et pour cause, José Eduardo dos Santos n’administre pas un État, il régit une entreprise familiale.
Depuis son arrivée à la tête de l’Angola en 1979 – je n’étais pas née, comme les trois quarts des Angolais –, le parrain a pris soin de distribuer richesses nationales et postes à responsabilités à ses proches. Si son deuxième enfant et premier fils, José Filomeno, a été bien servi avec le fonds souverain, c’est son aînée, Isabel, qui a reçu la plus grosse part du gâteau avec des positions dans l’industrie du diamant, les banques, les télécoms, l’immobilier et le commerce.


Les deux héritiers suivants, la députée Welwitschia dite Tchizé et l’artiste José Paulino de son nom de scène Coréon Dú, ne sont pas à plaindre. Ils sont omniprésents dans le domaine culturel et l’audiovisuel public. Une ex-compagne du président a pendant longtemps dirigé l’agence supervisant les investissements étrangers dans le pays.

Quant à l’actuelle Première dame, Ana Paula, une ancienne hôtesse de l’air, elle fait des affaires dans le secteur aérien et celui de la mode. Avec les trois enfants issus de son mariage avec José Eduardo, des jeunes d’une vingtaine d’années, ils sont les heureux propriétaires d’un luxueux institut de beauté à Luanda (le Deana Day Spa).

Des membres de la famille présidentielle sont aussi présents dans toutes les grandes entreprises : la société nationale de pétrole Sonangol, l’exploitant des diamants Endiama, la compagnie aérienne TAAG, les sociétés de gestion de l’eau et de l’électricité.






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