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Sexe, alcool et drogue: Togo, l’apocalypse

Publié le vendredi 4 octobre 2019  |  La Manchette
Alcool
© Autre presse par DR
Alcool et stupéfiants
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L’instabilité politique au Togo qui déteint sur la situation économique chaotique du pays, contraint la jeunesse togolaise à embrasser les vices de la société. Du sexe pour se sauver de la précarité, la paupérisation de la population conduit de nombreuses filles à se livrer à la prostitution pour de l’argent et donc, pour leur pain quotidien.

Pendant ce temps, de jeunes garçons, entre quelques messages whatsapp et le séjour régulier dans les débits de boisson pour, disent-ils, noyer leur souci, de leur fréquentation dangereuse, la plupart finissent par toucher à la drogue. Ce tableau non reluisant, plonge naturellement le Togo dans une situation inquiétante où la relève conscience n’existera plus. L’heure est grave !



Laissées tristement sur le carreau et abandonnées à leur sort, ce sont des milliers de jeunes togolaises dont la majeure partie sont sans emploi et sans aucun revenu qui, la nuit, arpentent les grandes avenues de la capitale à la recherche des hommes, surtout des grotos, c’est-à-dire, ces hommes mariés et friqués, pour leur proposer leur corps, donc du sexe contre de l’argent.

De jeunes filles pour la plupart, mais également des mineures et de jeunes mères célibataires, des scènes obscènes sont souvent observées à la nuit tombante dans plusieurs quartiers de Lomé, entre autres Déckon, Atikoumé et aujourd’hui, Carrefour Avédji, où des filles à visage découvert se proposent pour une partie de jambes en l’air pour une heure ou deux, ou encore pour toute la soirée. La dernière option étant réservée à ceux qui sortent de gros chèques.

Mais derrière ces filles de joie, des filles de belles présences, se cachent parfois des histoires malheureuses. D’un air déprimé, et parfois en larmes, certaines n’hésitent pas à raconter des situations déplorables poussant à la rue. C’est le cas de la jeune étudiante Aïcha (nom prêté).


Dans une position osée, seule, assise dans un bar de la capitale, Aïcha, bachelière depuis deux ans, étudiante dans l’une des facultés à l’Université de Lomé, m’a accueilli gentiment. Finies les civilités, je lui proposai une bière ? Non, « du Chill pour moi, » dit-elle dans un style de langue acceptable. Sûrement qu’elle pensait avoir un client mais, mes premières plaisanteries lui ont peut-être donné une autre idée. Aussi mon abord facile a-t-elle pesé dans la confiance qui m’est tout de suite accordée. D’ailleurs, nos échanges ont été bâtis sur la confiance et le respect mutuels.


Aïcha a rejoint la capitale pour ses études universitaires. Musulmane mais, « je ne suis pas très pratiquante de la religion » reconnait-elle et, sur un ton larmoyant, cette étudiante de très grande taille, corpulence mince, coiffée d’une perruque artificielle (c’était sa révélation), une belle poitrine à peine couverte par son petit gilet rose sur le décolleté blanc du bas, elle raconte visiblement marquée, sa mésaventure qui la contraint « quelques rares fois », précise-t-elle à se chercher dans la rue : «Je suis arrivée à Lomé il y a 2 ans.

Avant, j’étais avec mon oncle, petit frère consanguin de ma mère. Avec sa femme et ses 3 enfants, il a loué deux chambres salon à Lomé. Donc j’étais avec eux, et je dormais au salon. La femme tenant une boutique d’alimentation générale qui n’est pas trop loin de l’Université et chaque soir, au sortir du cours, je venais la relayer dans la boutique afin qu’elle aille préparer le repas du soir. Tout allait bien entre elle et moi, elle me prenait comme sa propre sœur. Mais, nos relations vont se détériorer le jour où…, » et subitement, une panique s’est emparée d’Aïcha. « Ils viennent ici, » se demandait-elle, pâle d’effroi. En fait, deux policiers dont l’un est armé, visiblement en patrouille, venaient en direction du bar qui se vidait progressivement à cause de l’heure trop avancée. Mais plus de peur que de mal, les deux policiers étaient juste venus y chercher de la cigarette et repartis aussitôt.


Sa panique est expliquée par le fait que cette nuit, Aïcha n’avait pas sur elle sa carte nationale d’identité. Au-delà, d’après ses commentaires, les forces de l’ordre faisaient des descentes inopinées et procéder à des interpellations. « Des filles sont souvent arrêtées et gardées jusqu’au petit matin » révèle-t-elle. « Toi, c’était quand ta dernière interpellation », « Dieu me protège », a-t-elle répondu.
Puis, Aïcha a repris son récit : « …mes relations avec elle (la femme de l’oncle, ndlr), se sont détériorées quand, à cause du changement de mes heures de cours, je revenais tardivement à la maison et n’allais plus l’assister comme avant à la boutique. Mais pour elle, je faisais plutôt ma vie après les cours et refusais de rentrer tôt.

Plusieurs fois, mon oncle m’a invectivé. Il ne croit lui qu’à sa femme et n’écoute que tout ce qu’elle dit…tout s’est écroulé le jour où j’ai reçu la visite d’un ami de la fac à la maison ; c’était le comble. C’était la totale humiliation. Mon oncle me mettra quelques semaines plus tard à la porte…une amie m’a accueilli ». La suite de son histoire révèle les périples et péripéties de sa vie, et Aïcha se retrouvera « quelques rares fois » dans la rue et dans le plus vieux métier du monde pour chercher de quoi se nourrir, se vêtir et assurer ses études, selon ses explications.


Vers la fin de près deux heures d’horloge d’échanges entrecoupées de bla-bla-bla, un moment de silence régnait entre nous et on se regardait fixement dans les yeux comme des tourtereaux. Puis-je avoir ton «numéro» ? Elle sourit d’un coin et d’un air calme, elle dit : « Lomé n’est pas grand », puis en quittant, elle me rappela de ne pas oublier de payer pour la « conso ».

Même si l’histoire d’Aïcha semble être particulière, moins alarmante avec une jeune fille qui ne fait pas de la prostitution, une belle profession, puisqu’elle n’est présente dans la rue que « quelques rares fois », d’autres par contre dont des mineures, ne vivent uniquement que de ce métier. Selon les services officiels du Togo, 27.000 prostituées travaillent dans le grand Lomé et 31% d’entre elles ont moins de 18 ans. Une vie de prostitution ajoutée à d’autres vices comme une totale addition à l’alcool et à la drogue. Puis ces filles finissent le plus souvent leur vie dans la déprime, très miséreuse et solitaire. Dans ces circonstances, celles qui n’ont pas assez de soutiens, trépassent dans le vice.

Aussi faut-il ajouter qu’à côté des jeunes filles qui font de la prostitution pour se sauver, c’est-à-dire se fuir de la précarité au Togo où le chômage a établi son siège et la misère sa maison de retraite, l’on retrouve de jeunes garçons totalement perdus dans leur présence sur terre et qui baignent dans une inconscience avérée, de jeunes vicieux endurcis qui se bénissent 7 jour sur 7 par la mousse des boissons.


Un dimanche à Lomé, il sonne 21 heures au carrefour Avédji. De la voie qui mène à l’autre grand carrefour, celui d’Adidogomé, s’aligne un chapelet de bars avec de la belle ambiance. Si au Togo, la crise économique est terriblement ressentie dans plusieurs foyers de la majorité délaissée, les fils des nouveaux riches, quant à eux, s’en foutent éperdument du quand dira-t-on. Attablés avec de jolies nanas, d’autres jeunes vicieuses très capricieuses, obnubilées par le gain facile, tous arrivent à boire depuis la nuit jusqu’au matin du Lundi, premier jour ouvré.

Même à 7 heures, alors que de jeunes conscients accrochés à leur travail de misère au salaire dérisoire, s’activent pour rejoindre leur poste, ces jeunes perdus sont encore perçus, assis au milieu des casiers de boissons. D’aucuns y resteront jusqu’à la mi-journée. Tristesse ! Tandis que d’autres se battent pour la réussite du PND, Plan national de développement, les partisans de moindre effort se tuent quant à eux pour décrocher le prix du meilleur buveur de la soirée.

La réalité, c’est que demain s’annonce périlleux. Car, sur le Togo pèse désormais le grand risque d’une relève inconsciente. Quel type de dirigeant aura le Togo de demain lorsque les grands défis du développement s’imposeront à tous ? Tout pays est à l’image de son dirigeant, dit-on souvent. Alors, s’il y a quelque chose à faire pour juguler le mal, que l’on se lève tôt. Parce que là, la jeunesse togolaise se noie dangereusement dans le vice et curieusement, devant le silence de l’État.



Sylvestre BENI, Lomé, De retour d’une virée nocturne



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