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Togo : Exonération de TVA sur les véhicules & implications

Publié le mercredi 4 mars 2020  |  Golfe Info
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© aLome.com par Edem Gadegbeku & J. Tchakou
Journée internationale de la douane 2020 au Togo : L’OTR appelle à plus d’inclusion dans l’action des acteurs de la chaîne douanière
Lomé, le 27 janvier 2020. Hôtel Sancta Maria. Journée internationale de la douane 2020 au Togo : L’OTR appelle à plus d’inclusion dans l’action des acteurs de la chaîne douanière. Philippe Kokou Tchodie, patron de l`OTR.
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Pour cet homme d’affaires belge de passage à Lomé, «pour des innovations, en voilà des innovations». Une façon de relever, la singularité de cette «décision», consacrée par la loi de finances 2020. Une décision pour le moins singulière, une aberration selon certains, un vrai cadeau fiscal pour les plus nantis, et un manque à gagner pour les finances publiques togolaises.



En effet, depuis quelques temps déjà, un peu partout à Lomé, et principalement sur les grandes artères de la capitale togolaise, l’information trône en bonne place, sur des panneaux publicitaires routiers, comme pour faire concurrence, aux sept candidats en campagne, pour la présidentielle togolaise de février 2020 : L’exonération de la TVA (Taxe sur la Valeur Ajoutée), sur les véhicules neufs, âgés de 0 à 5 ans.

Les raisons avancées pour défendre l’indéfendable


Pour les artisans de cette décision, qui sous d’autres cieux aurait fait scandale, et conduit inévitablement à des démissions-sanctions, le nombre exponentiel des accidents de route, et leurs lots de victimes enregistrés tous les ans, suffisent à légitimer cette décision. Sans compter la nécessité de protéger l’environnement et les populations, des effets nocifs des gaz émis par les véhicules en mauvais états, importés chaque année, par milliers d’Europe et d’Amérique.

Des véhicules « poubelles », selon les autorités, responsables des accidents de circulation, et de certaines maladies liées aux particules fines émises dans l’air. D’où la nécessité de limiter un tant soit peu, l’importation des véhicules d’occasion, souvent aux âges avancés, par des exonérations fiscales, de nature à encourager et favoriser, l’achat de véhicules neufs, ou moins datés. Une façon aussi, de donner un coup de fouet, à un secteur automobile du neuf, qui a du mal à décoller.

Des arguments qui sont loin de convaincre


Pour ce gros importateur de véhicules d’occasion, bien implanté sur le marché, et depuis bientôt deux décennies, l’argument selon lequel, les véhicules d’occasion importés, souvent en mauvais état ( ?), seraient la cause première des différents accidents de circulation au Togo, ne tient pas la route.

En effet, la plupart des importateurs de véhicules d’occasion installés au Togo, sont unanimes à souligner, que ce commerce ne peut se nourrir et durer dans le temps, en s’alimentant de vieux véhicules à l’état d’abandon, que l’on pourrait qualifier d’«épaves».

La plupart des acheteurs, étant toujours plus soucieux de l’état d’ensemble du véhicule exposé, que du coût, dernier déterminant dans leur achat.

Pour cet autre, libanais d’origine, installé au Togo depuis 1992, le Togo ne compte pas plus d’une dizaine de gros importateurs, spécialisés dans les véhicules d’occasion, importés d’Europe, et accessoirement des Etats-Unis. De gros importateurs qui contrôleraient près de 90 % du marché, et qui au fil des années, sont devenus plus sélectifs, par rapport aux marques, aux modèles, et à l’état général des véhicules importés.

Des véhicules, dont l’âge souvent oscille entre 1 et 10 ans, et généralement en bon état, parce que provenant de pays, où le contrôle technique des engins en circulation est plus strict.

Toutefois, de reconnaître que certains importateurs, souvent des personnes physiques, opérant à titre individuel, ne sont pas bien regardants sur l’âge et l’état général des véhicules à importer. Des exceptions tout de même, et minoritaires, par rapport aux volumes annuels des importations.

Quand l’Etat togolais est lui-même abonné aux véhicules d’occasion

Fait notable. Depuis quelques années, l’achat de véhicules d’occasion, n’est plus seulement l’apanage des simples citoyens, aux moyens limités pour s’offrir des véhicules neufs, « maison » ; l’Etat togolais lui-même est devenu un client régulier de ce marché, aujourd’hui pourtant décrié. Et de plus en plus il n’est pas rare de croiser en circulation, des véhicules immatriculés RTG (identifiant des véhicules administratifs), mais provenant du marché des occasions, communément appelés « venus d’Europe ».

C’est dire, l’apport significatif de ce marché, au développement du transport urbain et inter-urbain, et qui contribue amplement au développent économique du pays. En attestent, les recettes douanières annuellement générées, et plus important, les recettes et taxes issues du marché des carburants. Un secteur donc, dont la contribution financière, a un impact positif, non négligeable, sur le développement économique du pays.

L’argument selon lequel les véhicules d’occasion seraient l’une des principales causes des accidents de circulations au Togo


Encore un autre argument battu en brèche. Et pour cause. La plupart des véhicules d’occasion achetés par le contribuable togolais, après plusieurs mois, sinon des années d’économie, sont souvent des véhicules en bon état de marche, du moins assez satisfaisant pour l’acheteur, et plus tard, pour le service de contrôle routier, organisme chargé de la délivrance de la Carte grise et de la Vignette attestant du bon état du véhicule autorisé à circuler.

A noter aussi, que la plupart des acheteurs de véhicules d’occasion, se font toujours assister à l’occasion, d’un mécanicien, pour juger et certifier, du bon état du véhicule avant toute décision d’achat. Un élément positif, même s’il n’offre toutes les garanties sur le bon état du véhicule.

Mais, toujours est-il que la détérioration rapide de l’état d’ensemble des véhicules en circulation au Togo, neufs ou d’occasion, ne survient que quelques mois plus tard. En général un à trois ans, suivant les moyens du propriétaire, et les soins réguliers apportés ou non à son entretien.

Trois raisons à cela : d’abord l’état désastreux des routes du pays, que ce soit en agglomérations, ou entre les localités. Ensuite, les réparations rendues nécessaires, qui s’en suivent, et qui bien souvent, faute de moyens ou de compétences, révèlent souvent du rafistolage, pour ne pas dire du bricolage. Et enfin, le non-respect du Code de la route, ou parfois, sa non-maîtrise. Des raisons, des responsabilités pour l’essentiel, imputables à l’Etat.

En effet, l’Etat, puissance publique, qui au nombre de ses prérogatives et de ses obligations, l’exclusivité et le devoir de tracer et de construire des routes. De les entretenir et de les maintenir en bon état d’usage.

Ce qui suppose des moyens, provenant des impôts et taxes divers, que l’Etat détermine librement et lève à sa convenance. Malheureusement, malgré ces attributs, et l’existence d’organismes en charge, la construction des routes et leurs entretiens au Togo, sont encore loin de répondre aux besoins du pays, ou de se hisser au niveau de la moyenne régionale dans le domaine.

Autre défaillance de l’Etat, la corruption et le laisser-aller ambiants, qui ont transformé le contrôle technique saisonnier des véhicules en circulation, en simples formalités, avec des contrôles laxistes et complaisants, et pour finir, une police de circulation, qui veille plus à ses pécules quotidiens, qu’au contrôle réel de la circulation.

Résultats, des véhicules en mauvais état, mais en circulation, et des conducteurs qui n’ont plus que faire des règles élémentaires du Code de la route. De quoi rendre les routes togolaises moins sûres et dangereuses pour leurs usagers.

L’argument tiré des risques environnementaux et de la sécurité sanitaire


Encore un faux argument. D’après les importateurs des véhicules d’occasion, et corroborés par nombre d’acheteurs, 60 à 70% des véhicules importés au Togo, et en Afrique en général, sont munis de pots catalytiques en arrivant.

Un dispositif imposé en Europe à tout véhicule en circulation, pour réduire voire éliminer, les particules fines, provenant de la combustion du carburant utilisé par les véhicules. Dispositif que les uns maintiennent sur leur véhicule, et que d’autres ont vite fait d’enlever, vu qu’il n’existe aucune réglementation en la matière au Togo.

Mais chose importante, les risques environnementaux liés à l’usage de véhicules d’occasion importés d’Europe, découlent plus de la qualité des carburants en vente, que des moteurs des véhicules en circulation. Du moins, pour les premières années.

Chose que les Etats de la région, dont le Togo, ont longtemps occultée, en continuant en toute connaissance de cause, à importer des carburants hautement toxiques, voire cancérigènes, parce que coûtant moins chère, et donc générant une plus grande plus-value.

Une situation à la limite du scandale, et que en 2016, l’ONG « Public Eye » a révélée, en mettant les Etats de la sous-région ouest-africaine, devant leurs responsabilités. En effet, dans un Rapport intitulé « Dirty Diesel», l’organisation révélait la dangerosité, aussi bien pour l’homme que pour l’environnement, des carburants toxiques qui étaient vendus dans les Etats de la sous-région dont le Togo, avec des teneurs en soufre, 150 fois supérieure à la norme européenne, qui est de 10 ppm, contre 50 ppm, finalement adoptée en 2016 par la Cedeao.

Malheureusement, près de quatre années après, malgré les engagements pris au plan international, et au plus haut niveau, les choses ne semblent guère avoir évolué.

Un cadeau fiscal fait aux plus aisés

En choisissant d’exonérer à 100% les véhicules électriques ou hybrides à l’état neuf, ou à 90% les véhicules neufs, à 50% les véhicules de 1 à 2 ans d’âge, et enfin à 35%, les véhicules de 3 à 5 ans d’âge, l’Etat togolais, pour ne pas dire le Ministère de l’économie et des finances, n’a fait autre chose qu’un véritable cadeau fiscal aux plus aisés, aux plus riches du pays.

Lorsque moins de 0,1% des véhicules annuellement immatriculés au Togo, sont des véhicules neufs, et que seuls les entreprises, l’Etat, et une minorité aisée du pays, peuvent se payer des véhicules neufs, même des low coast coûtant en moyenne 10 millions de Francs CFA (TTC), on comprend alors la perplexité des gens face à cette décision.

Décision qui selon un politique, est loin de respecter l’équité fiscale, un principe sacro-saint, et une base fédératrice dans toute république qui se respecte. Un principe qui voudrait, qu’au nom de la justice sociale et de l’équité fiscale, ceux qui gagent plus, paient plus d’impôts, en terme de contribution au développement d’un pays. Principe ici royalement ignoré, avec ce cadeau fiscal fait aux plus aisés, et au détriment des finances publiques.

Un Etat qui cède devant le lobbying des constructeurs automobiles européens


Pour les constructeurs automobiles européens, le marché africain a atteint aujourd’hui sa maturité, avec une bourgeoisie naissante, qui ne demande qu’à consommer.

Suffisant alors, pour qu’un lobbying se mette en place, pour faire pression sur les autorités de ces Etats, dont le Togo, pour les amener à durcir leur règlementation sur l’importation des véhicules d’occasion, de manière à ouvrir davantage leurs marchés, aux ventes de véhicules neufs.

Les marchés européens, asiatiques et américains, montrant leurs limites, surtout face aux grands constructeurs, qui sont en train de laminer la part de marché des petits constructeurs, surtout européens. L’Afrique du coup, est apparue comme un marché émergeant, porteur, pour les petits constructeurs, avec des véhicules d’entrée de gamme, pour ne pas dire, bas de gamme.

Une association de constructeurs automobiles sera créée en ce sens, pour faire du lobbying ; il s’agit de l’AAAM (Association of African Automotive Manufactures).

Aussi, depuis quelques années, un lobbying pressant est-il exercé sur les autorités des pays africains fragiles, en particulier ceux au sud du Sahara.

Et apparemment, ne pouvant se permettre de mettre un terme au marché si lucratif d’importation des véhicules d’occasion, le Togo a visiblement choisi de leur ouvrir davantage son marché, par le biais des exonérations, au détriment de ses recettes fiscales.

Des recettes fiscales sacrifiées avec une accentuation du déséquilibre de la balance commerciale :
Pour cet enseignant-chercheur de l’Université de Lomé (Université publique), « visiblement, ce n’est pas le renflouement des caisses de l’Etat, qui a présidé à la prise d’une telle décision». Et de relever que, ce n’est pas au moment où l’Etat togolais a désespérément besoin d’argent frais, pour non seulement faire face à ses engagements financiers, mais aussi poursuivre ses investissements, qu’il faut faire ces cadeaux.

Premiers bénéficiaires de ces cadeaux fiscaux, les constructeurs-autos étrangers, via les concessionnaires-autos de la place de Lomé. Un vrai coup de pouce pour un secteur 100% étranger, qui loin de conforter l’économie nationale, l’affaiblit plutôt, par le simple fait qu’il favorise davantage, les sorties de devises pour des achats, à la limite relevant du «luxe».

Avec une balance commerciale négative depuis des décennies, le Togo gagnerait à réduire ce déséquilibre, ne serait-ce qu’en réduisant ses importations, surtout de biens, ne relevant de première nécessité.

Et sans doute, l’achat de véhicules neufs, à prix fort, dont la durée de vie excède rarement les dix ans, sur des routes nationales déjà en mauvais état, mérite bien réflexions, sur l’opportunité ou non d’un tel investissement.

Par contre, exonérer les produits pharmaceutiques importés, de droits de douane, voire de TVA, est sans nul doute plus judicieux, pour un pays sous-développé, soucieux de la santé de ses populations, et qui veut lutter contre les faux médicaments et autres médicaments contrefaits.

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