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Deux femmes journalistes secouent le Bénin en dénonçant le harcèlement sexuel dans les médias

Publié le mercredi 13 mai 2020  |  AFP
Les
© aLome.com
Les acteurs de la presse togolaise
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Cotonou, 11 mai 2020 (AFP) - En dénonçant le harcèlement sexuel dont elles se disent victimes dans leurs médias, deux femmes journalistes du Bénin ont provoqué un vif débat de société qui a secoué jusqu'aux hautes sphères de l'Etat.


"J'en avais marre. J'en avais ras-le-bol. D'année en année, j'ai subi le harcèlement, mais cette fois-là, c'en était trop. J'ai cherché de l'aide partout dans mon environnement professionnel et je n'en ai pas eue", confie Angéla Kpeidja, journaliste à l'ORTB, la télévision nationale du Bénin, dans une interview à l'AFP.


Tout a commencé par une publication Facebook, dans laquelle la journaliste affirme que "le harcèlement sexuel a encore droit de cité" dans les médias béninois. Dans ce post largement partagé, cette femme de 46 ans déplore notamment, qu'au sein de ses collègues, "la religion de tous est devenu le silence dans
la frustration".

Rebondissant sur l'affaire, Priscile Kpogbemabou, ancienne journaliste de la chaîne de télévision privée Etélé, lui a emboîté le pas en dénonçant dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, les pratiques des patrons de presse à l'égard des femmes.

"C'est rare d'avoir des femmes qui décident à visage découvert de témoigner... Il faut avoir du cran", salue Zakiath Latoundji, présidente de l'Union des professionnels des médias du Bénin.

- 'Second rang et pudeur' -

C'est effectivement un "fait assez rare", souligne Karen Ganyé Gbédji, socio-anthropologue à Cotonou: "Ces femmes ont décidé de prendre leur souffrance à bras le corps" dans une société sous l'emprise "du régime patriarcal et des us et coutumes qui imposent à la femme le second rang et la pudeur".

En effet, bien que la majorité des réactions aient été plutôt positives, les deux femmes ont été la cible de nombreuses attaques sur les réseaux sociaux. Une semaine après cette dénonciation historique, Angéla Kpeidja garde un air quelque peu abattu et le visage fatigué.

"Je savais qu'il y aurait des voix pour dire des choses sur ma personne, mais je me suis dit, il faut que cela cesse", confie-t-elle, "je n'avais plus rien à perdre".

"Pourquoi voudrait-on, à diplôme égal, que la femme couche avec son supérieur hiérarchique avant de travailler ou de connaître une promotion? Il faut dire non", lance-t-elle.

La voix d'Angéla Kpeidja a d'ailleurs été entendue et après sa dénonciation, le rédacteur en chef adjoint de la chaîne a été suspendu et une enquête a été ouverte par la justice.

- Déballages -

Si le harcèlement en milieu professionnel n'est pas spécifique au monde des médias, Zakiath Latoundji reconnaît qu'il y est une "réalité". "Des plaintes de façon formelle", son union n'en a pas reçues. Mais "quand vous discutez avec les femmes des médias, il y a des déballages que vous recevez".

Depuis mars dernier, le syndicat travaille à la mise en place d'un mécanisme et d'une cellule juridique pour écouter, appuyer et accompagner les journalistes victimes de harcèlement. Mais la réponse à ces dénonciations qui ont secoué tout le Bénin est venue d'encore plus haut.

A quelques semaines des élections municipales prévues le 17 mai, le président Patrice Talon s'est invité dans le débat et a reçu en audience celle qui a dénoncé les faits et certains de ses responsables hiérarchiques. "Je me suis intéressé au sujet, convaincu que de nombreuses femmes béninoises dans le cadre de leur travail peuvent être sujettes à ces pratiques répréhensibles", a écrit le président sur sa page Facebook.

"L'acte posé par Mme Angela Kpeidja sera le déclencheur d'une aube nouvelle pour faire en sorte que les victimes d'abus à caractère sexuel soient mieux protégés", s'est engagé le chef de l'Etat.

Patrice Talon, critiqué par ses opposants pour son autoritarisme, s'est démarqué de ses prédécesseurs et du conservatisme de la société béninoise, et a frappé fort auprès de l'électorat féminin.

"La parole du chef de l'Etat est une parole forte", se réjouit Me Huguette Bokpè Gnacadja, avocate et militante du droit des femmes. "Les médias sont censés nous accompagner dans notre combat de lutte contre les violences faites aux femmes", s'inquiète-t-elle, mais si "cela se passe" au sein d'un média national, "on a des raisons de se poser des questions".


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