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Hommages nationaux à Edem KODJO: Hommage du Pr Robert DUSSEY

Publié le jeudi 24 septembre 2020  |  RobertDussey
L`Etat
© aLome.com par Edem Gadegbeku & Dodo Abalo
L`Etat togolais et l`Eglise catholique rendent hommage à Edem Kodjo
Lomé, le 20 aout 2020. Cathédrale Sacré-coeur de Lomé. Messe d`enterrement d`E. Edem Kodjo précédée des hommages officiels de l`Etat togolais à l`illustre disparu. Faure Gnassingbé y a été représenté par Selom Klassou. "Edem Kodjo nous laisse en héritage l`idéal du panafricanisme, et était l`homme de l`indispensable unité africaine", a dit Pr Robert Dussey au nom du Gouvernement du Togo, en présence de plusieurs personnalités étrangères et togolaises. Robert Dussey
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Hommage du Prof. Robert DUSSEY,
Ministre des Affaires étrangères, de l’intégration africaine et des Togolais de l’Extérieur
Lomé, le 20 août 2020



Monsieur le Premier Ministre,

Madame la Présidente de l’Assemblée Nationale,

Messieurs les anciens Premiers Ministres du Togo, de la R.D.C et anciens Président de l’Assemblée Nationale,

Monseigneur Archevêque de Lomé et Messeigneurs du Togo,

Mesdames et Messieurs les présidents des institutions de la République,

Monsieur l’envoyé spécial du Président de la République Congolaise, le Président Denis Sassou Nguessou,

Monsieur Ibn Chambas, Représentant Spécial du SG/UN en Afrique de l’Ouest et du Sahel,

Mesdames et Messieurs Chefs et membres des Délégations du Bénin, de la CEDEAO et de la BCEAO,

Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement,

Révérend Père Curé de la cathédrale Sacré Cœur de Lomé,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Chefs de missions diplomatiques et consulaires,

Mesdames et Messieurs les Représentants des Organisations internationales accréditées au Togo,

Monsieur le Chef d’Etat Général des forces Armées Togolaises,

Messieurs les Directeurs Généraux de la Gendarmerie et de la Police Nationale Togolaises,

Mesdames et Messieurs,

Chers invités, tout Protocole observé,

Si on me demande à quoi servent les hommages, je répondrai : pour enterrer les grands hommes. Marcel PAGNOL disait : « La première qualité d’un héros, c’est d’être mort et enterré ». Cette semaine, la Nation tout entière enterre un héros national. En cette occasion d’émotion individuelle et collective, je voudrais, au nom du gouvernement, rendre un hommage-reconnaissance à notre héros disparu.

Mais jusqu’à quand la mort méchante et vampire va-t-elle continuer de nous arracher nos grands hommes, les êtres qui nous sont chers et dont la disparition nous attriste, nous affole, nous déstabilise ?

Qui donc es tu pour nous défier ?

Qui donc es tu pour défier une nation, un peuple, un continent ?

Qui donc es tu pour nous arracher Edem Kojo, ancien premier ministre et ancien Secrétaire Général de l’OUA ?

Es tu la mort ? Es tu Dieu ?

L’homme se sait mortel, mais sa mort lui demeure, à chaque instant du temps historique, un mystère, l’inconnu le plus absolu, et un scandale pour les autres. Le 11 avril 2020, alors que les chrétiens du monde, s’apprêtait à célébrer Pâques, la fête de la Résurrection de Jésus Christ entre les morts, Edem Kodjo, fervent chrétien (disciple du Christ), après avoir vécu avec lui la souffrance de la croix du vendredi saint par sa maladie, fut appelé pour le festin éternel par Dieu. Ceci est un symbole de son attachement au Seigneur. La mort tragique et imprévisible a arraché à notre affection ce digne fils de la République.

L’homme est un être-pour-la-mort, nous dit Martin HEIDEGGER, mais chaque mort est une expérience affligeante, douloureuse ; un moment où nous humains faisons l’éprouvante et la réitérative expérience de notre finitude dans le temps. La tragédie des tragédies, c’est le temps qui, dans sa folle course bien décrite par Alphonse de LAMARTINE dans «Le Lac», nous conduit inexorablement vers notre finitude.


Mesdames et Messieurs,

La condition humaine de finitude est bien cruelle, désespérante, paralysante et parfois révoltante. Mais, elle est malheureusement notre commune condition, l’humaine condition. Tout passe et nul, suivant la loi de la génération et de la corruption, la grande loi du vivant, ne demeure infiniment dans un état identique. Tout comme le jour passe et laisse place à la nuit, la vie passe et cède sa place au trépas. La vi

e et la mort sont les deux facettes essentielles de la réalité humaine. «La mort est une manière d’être que la réalité-humaine assume» (HEIDEGGER).

Comment parler de la mort de Edem Kodjo sans parler de sa vie quand on sait que la mort est indissociable de l’expérience de la vie ? Que la mort de Edem Kodjo vient sceller la fin d’une vie vécue sous le signe de la grandeur ? Si Monsieur Edem Kodjo était la lumière, son éclat serait synonyme d’un jour ensoleillé, s’il était une fleur, sa verdure symboliserait l’espoir. Mais il a préféré être un héros national.

Il a un profil bien polysémique. Edem Kodjo, l’ancien secrétaire général de l’OUA, le pédagogue, l’écrivain, l’essayiste, le collectionneur des arts d’Afrique, le diplomate, le médiateur, l’homme de l’intégration sous-régionale, le panafricain, le politique, et que sais-je encore ? Oh Edem Kodjo ! Que tu es un don de Dieu suivant le principe leibnizien de raison suffisanteet je comprends pourquoi toute ta vie a été synonyme d’un don catégorique de soi. Il faut être cruel comme la mort pour avoir raison d’un homme aux qualités multiples comme toi.

Grandeur et élégance, vision et anticipation, perspicacité et générosité sont entre autre les qualités intrinsèques de la personnalité de l’illustre disparu. Homme d’extrême élégance, il a été celui qui a accompli tout ce qu’il a entrepris avec passion. « Rien de grand ne s’est accompli dans le monde sans passion», disait Friedrich HEGEL. En vivant leurs passions, mieux, en travaillant à la réalisation de leurs passions, les grands hommes contribuent à la réalisation des causes nobles dans l’Histoire.

Dans la « cité de l’opinion publique africaine », Edem Kodjo a une réputation digne de sa grandeur et son excellence. L’homme n’est pas moins connu et reconnu en « terre-patrie», le Togo, comme étant celui dont le parcours existentiel n’a pas été une aventure de repos. Homme de principe, d’une rigueur exceptionnelle, travailleur acharné et attaché à de nobles valeurs spirituels, politiques et humanistes, il avait joué un grand rôle dans la création des formations politiques au Togo :

Le Rassemblement du Peuple Togolais (RPT) en 1969,
L’Union Togolaise pour la Démocratie (UTD) en 1991,
La Convention Patriotique Panafricaine en 1999.

Il a, de façon active et comme il peut, assumé et exercé sa citoyenneté togolaise. Le citoyen digne est, suivant ARISTOTE, celui qui assume la citoyenneté dans sa double dimension, être gouverné et gouverner ensuite. Dans le versant de la vie citoyenne de Edem Kodjo lié à la participation à la gestion des affaires publiques, il a été à plusieurs reprises ministre et deux fois Premier ministre.
C’est d’ailleurs l’occasion, de remercier une fois de plus le Président de la République pour l’intuition géniale (autrement dit la vision intuitive) qu’il a eu en le nommant comme le 1er premier ministre de sa magistrature suprême en 2005.

S’il revient à chacun d’apprécier l’héritage politique de Edem Kodjo, il demeure vrai, par-delà des conflits d’appréciation et d’interprétation, qu’il a été un homme d’Etat pour qui l’engagement politique rime avec le don de soi pour les affaires de la République.

Pour lui, la recherche du compromis est une valeur politique cardinale. Il est l’homme du GRAND PARDON. Le souci de Edem Kodjo pour le pardon dans le domaine des affaires humaines traduit sa confiance en l’homme et son humanisme bien tempéré. Edem Kodjo croyait au pardon comme étant l’une des conditions de régénérescence et d’humanisation permanente des sociétés humaines. Sa foi en la force du pardon orienté vers la paix participe de sa vision de l’Afrique et de son vœu d’un continent paisible et uni. Il est l’homme de l’indispensable unité africaine.

Beaucoup disent aujourd’hui que l’avenir du monde se joue en Afrique sans savoir qu’ils parlent sous l’autorité de Edem Kodjo qui a publié en 1985 un ouvrage à titre prémonitoire Et demain l’Afrique. Edem Kodjo croyait en l’Afrique et faisait, de son vivant, du panafricanisme un combat, un horizon qui appelle tous les peuples d’Afrique. Il fait partie du cercle restreint des personnalités africaines, qui sans être naïfs, ont eu l’audace d’espérer au meilleur devenir de l’Afrique dans l’Histoire. Il avait la conviction, comme il le dit lui-même dans Et demain l’Afrique, que «les ressources humaines et matérielles substantielles de l’Afrique, la possibilité de les utiliser pour féconder une civilisation forte et généreuse, dans le cadre de l’indispensable unité, donnent […] aux Africains des raisons d’espérer»(1985, p. 60). Il est aujourd’hui parti et nous laisse en héritage l’idéal panafricain qui a été le rêve de toute sa vie.

L’auteur du chef-d’œuvre Et demain l’Afrique a eu le destin des grands hommes. Les grands hommes ont le destin d’être des incompris. «La personnalité des grands hommes est faite de leurs incompréhensions» (André GIDE). Les grands hommes ont une extrême longueur d’avance sur leurs époques parce que leur vie est projection dans le futur. Ils vivent le présent tout en ayant en vue l’horizon du futur qui impacte leur œuvre dans l’Histoire.

Si l’histoire présente, celle parcellaire de la vie quotidienne en train de se faire est souvent très ingrate envers les grands hommes, l’Histoire au sens global avec sa triple dimensionnalité (le passé, le présent et le futur) finit par leur rendre justice. Comme l’a souligné Victor HUGO dans son hommage à Honoré de BALZAC lors des funérailles de ce dernier, «les grands hommes font leur propre piédestal ; l’avenir se charge de la statue».

Mesdames et Messieurs,

La reconnaissance due aux héros s’amplifie à mesure qu’ils s’éloignent de nous. Edem Kodjo s’éloigne désormais de nous et pour toujours. Mais son nom restera gravé dans notre mémoire collective et dans nos cœurs. Car, comme le dit André MALRAUX, «le tombeau des héros est le cœur des vivants».

Aux parents et à la famille du défunt, l’expérience de la mort d’un être cher est toujours un scandale, surtout quand il s’agit d’un homme aussi valeureux que l’illustre disparu. Ayez le courage de sécher vos larmes. Merci pour ce don précieux que vous avez fait à la République, à l’Afrique et à toute la communauté humaine. Mais avant de conclure, parce que nous avons posé une série de question essentielles dès le début de cet hommage, nous avons l’impératif devoir de répondre pour qu’enfin nous nous retrouvons.

A la réponse à la question existentielle et audacieuse, qui donc es tu ? Enfin, nous répondons avec humilité :

Je suis Dieu le Père, créateur du ciel et de la terre, de l’univers visible et invisible,

Je suis Dieu le fils mort et ressuscité d’entre les morts le troisième jour,

Je suis le Saint Esprit, apparut aux apôtres le jour de la pentecôte,

Oui… Je suis la trinité. Je suis le chemin, la vérité et la vie. Celui qui croit en moi ne mourra jamais. Mesdames et Messieurs, Madame Valentine Kodjo, très tendre et douce veuve, Chère maman, bien aimé frères et sœurs de la famille Kodjo, Tonton Edouard n’est pas mort, il est rentré dans la gloire éternelle du Père. Il a rejoint le monde du silence, silence, silence.

Je vous remercie pour votre attention.




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