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L’Afrique doit-elle rester pauvre pour que la planète respire ? (par François Soudan)

Publié le mardi 7 septembre 2021  |  Jeune Afrique
Lagune
© aLome.com par Edem Gadegbeku & J. Tchakou
Lagune de Bè dans la capitale togolaise en 2019
Lomé, le 08 octobre 2019. Lagune de Bè dans la capitale togolaise en 2019.
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Exiger des Africains, comme le font certaines ONG intégristes, qu’ils ralentissent leur développement pour freiner la dégradation de l’environnement et les émissions de gaz à effet de serre serait profondément immoral.

Le dernier rapport des climatologues du GIEC nous est tombé dessus le 9 août, comme une pluie d’orage sur le mont Cameroun. Le scénario qu’il nous décrit pour le demi-siècle à venir – celui que vivront nos enfants – ressemble à un voyage sans retour vers ce que le Financial Times appelle «l’enfer sur terre», celui d’une planète en surchauffe ravagée par les catastrophes dues à une température globale la plus élevée depuis 125.000 ans et à une hausse du niveau des mers la plus rapide depuis 10.000 ans.

Code rouge pour l’humanité
Antonio Gutteres parle d’un « Code rouge pour l’humanité » et John Kerry, le « Monsieur Climat » de Joe Biden, d’un « multiplicateur de menaces sans précédent ». Il ne s’agit plus de savoir si le pire est à venir, mais d’imaginer comment y survivre. Tel sera le défi unique auquel aura à répondre la COP26 de Glasgow, en novembre prochain, la plus cruciale sans doute de toutes les COP.

Et l’Afrique dans tout cela ? Les projections du rapport Giec ne l’épargnent pas. Épisodes de chaleur et de sécheresse extrêmes au Maghreb, en Afrique australe, au Sahel et le long de la bande atlantique allant de Dakar à Abidjan. Érosions côtières ravageuses d’Accra à Luanda. Raréfaction des pluies sur le plateau Abyssin et trombes d’eau sur le Bassin du Congo. Incendies de forêt, inondations, affrontements meurtriers entre éleveurs et agriculteurs pour l’usage des terres, insécurité alimentaire, exode rural.

Dans cet avenir proche et chaotique, seuls les groupes terroristes qui recrutent sur le terreau des cataclysmes risquent de trouver leur compte. Démunis face aux énormes dépenses nécessaires à l’adaptation climatique et à la prévention des catastrophes naturelles, exactement comme ils le sont face à la pandémie de Covid-19, les gouvernements africains préfèrent pour la plupart regarder ailleurs. Quand le sentiment d’impuissance se conjugue avec l’urgence de trouver les fonds nécessaires pour payer chaque fin de mois les fonctionnaires et les retraités, le souci des générations futures n’est pas la priorité.

Économie verte

Ceci expliquant sans doute cela, si le rapport du Giec a fait la une de la quasi-totalité des médias occidentaux, il n’a rencontré qu’un faible écho officiel sur le continent, particulièrement en Afrique francophone. Il est vrai que, trop souvent, l’environnement y est considéré comme un sujet mineur, juste bon à faire du "greenwashing" et ceux qui le défendent comme des trublions, voire de dangereux gêneurs lorsqu’ils mettent leur nez dans les affaires des miniers, des pétroliers ou des professionnels de la surpêche.

Rares aussi sont les chefs d’État qui ont compris que l’économie verte est la « success story» de la décennie en cours, comme le démontre l’étonnante réussite des obligations de croissance durable lancées par le Bénin à la mi-juillet et triplement souscrites depuis. Pourtant, ONG et société civile se mobilisent de plus en plus autour de la cause. Le baobab de la musique sénégalaise Omar Pène vient de sortir «Climat», un album consacré à la crise écologique déjà chantée sur un mode militant par Youssou N’Dour, Angélique Kidjo, Tiken Jay Fakoly et quelques autres stars d’Afrique de l’Ouest.

La jeunesse urbaine est de plus en plus consciente du stress climatique multiforme causé par le réchauffement et ne serait-ce qu’intuitivement, le paysan de Casamance, de l’Adamaoua ou du Katanga est capable de reconstituer la chaîne qui mène de l’émission de gaz à effet de serre à la qualité de sa récolte.

L’Afrique est également – et de plus en plus – consciente de l’injustice qu’elle subit. Voici un continent responsable de 2 % à 3 % des émissions globales de gaz, mais qui reçoit de plein fouet le choc induit du réchauffement climatique. Voici un continent qui recèle en son sein le plus grand absorbeur net de CO2 du monde, le Bassin du Congo, dont la zone de tourbières à cheval entre les deux Congos capture à elle seule l’équivalent de vingt années d’émission de dioxyde de carbone des États-Unis et qui pour cet inestimable service écosystémique ne reçoit rien (ou presque) en échange.

«Pourquoi vous payer pour ce qui n’est qu’un processus naturel ?», se voient encore parfois rétorquer les ministres de l’Environnement des trois principaux pays concernés – RD Congo, Congo et Gabon – dans les couloirs des grandes conférences internationales. C’est feindre d’oublier que la conservation, justement, n’est pas un processus naturel mais le fruit d’une vision.
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