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Rama Yade : «Sa grandeur, la France la tient de son influence en Afrique»

Publié le lundi 20 decembre 2021  |  Jeune Afrique
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Depuis Washington, l’ex-secrétaire d’État chargée des Affaires étrangères et des Droits de l’Homme sous Nicolas Sarkozy conserve un regard affuté sur les débats qui animent la campagne présidentielle française.


Passée par l’Union pour un mouvement populaire (UMP), le Parti radical et l’Union des démocrates et indépendants (UDI), elle a mis ses convictions à l’épreuve du pouvoir. L’ancienne secrétaire d’État sous Nicolas Sarkozy s’est démarquée par sa liberté de ton, dénonçant par exemple l’accueil en grande pompe de Mouammar Kadhafi à Paris en 2007, ou soutenant des squatteurs en passe d’être évacués à Aubervilliers.

Ex-aspirante à l’élection présidentielle, elle avait fini par créer son propre mouvement «La France qui ose», en 2017, mais n’était pas parvenue à rassembler le minimum requis de 500 parrainages d’élus pour se présenter. Très critique envers les contradictions de la droite française dans laquelle elle s’ancre pourtant, elle a récemment fait polémique en dénonçant l’abandon de l’antiracisme dans le camp républicain ou en comparant la statue de Colbert devant l’Assemblée nationale à une «micro-agression».

Installée à Washington en tant que directrice Afrique du think tank Atlantic Council, elle ne perd pas de vue les enjeux et jeux de pouvoir de l’Hexagone, et n’exclut pas de se remonter sur le ring politique. Candidature de Zemmour, migrations, islam, rapport de la France à l’Afrique… Rama Yade revient pour Jeune Afrique sur les débats qui animent la campagne présidentielle française.


Jeune Afrique : La candidature d’Éric Zemmour à la présidentielle de 2022 est sous le feu des projecteurs. Que raconte son ascension ?

Rama Yade : Lui-même dit que c’est la baisse des standards et du niveau politique. Cela fait déjà quelques années que le débat se concentre sur les migrants, nouvelle expression qui couvre les immigrés et les réfugiés, sous l’angle de la menace.

A contrario, la question des banlieues, par exemple, a disparu de l’espace public. Ces évolutions et l’obsession identitaire sont la conséquence d’une impuissance politique sur tout le reste : pouvoir d’achat, réindustrialisation du pays, climat… Il profite de ce désordre pour s’imposer, en incarnant une espèce de pessimisme, sans perspectives. C’est dangereux, car ceux qui commencent par s’attaquer aux minorités finissent par s’en prendre à la démocratie.

Comment aborder le sujet de l’immigration plus sereinement ?

Le «grand remplacement» n’existe pas. Qui représenterait la menace ? Les Africains ? On sait que l’Afrique est sous-peuplée et que les Africains migrent d’abord chez eux, à 60 % dans les pays voisins sur le continent. Ce sont des données réelles, mais cela fait trente ans qu’on répète l’inverse. À partir de ces mensonges, on élit des gens, on change la vie politique française et le destin du pays.


Vous avez évoqué la «trahison des républicains qui n’ont pas conservé l’antiracisme au cœur de leur logiciel». Comment expliquer ce glissement ?

Je parlais des républicains en général, avec un petit « r ». Il n’y a rien de plus républicain que « Black Lives Matter » ou « Me Too », qui poursuivent le combat pour l’égalité des droits. Qu’y a-t-il d’honteux à cela ? Il faut désormais s’excuser de lutter contre les discriminations ou le racisme, sujets qu’on pensait devenus consensuels. Ces fameux républicains étaient censés incarner ce combat. Peut-être ont-ils peur que le mouvement pour l’égalité menace leur position, c’est un révélateur de l’hypocrisie de leurs engagements.

Comment espérez-vous que les présidentiables se saisissent du sujet ?

Le débat tourne plutôt autour de la manière dont on peut éviter d’en parler. Les autres candidats n’en parlent pas. Ils ont peur de perdre des voix, car ils considèrent que le pays adhère aux idées de Zemmour ou de Le Pen. C’est aberrant ! Des histrions médiatiques font passer les Français pour des racistes. Ce décalage, entretenu par des idées rances, affaiblit notre pays sur la scène internationale. La France n’est pas seulement la cinquième puissance mondiale nucléaire, c’est son rayonnement culturel et la force de ses idées qui lui valent sa singularité.

Votre comparaison de la statue de Colbert devant l’Assemblée Nationale à une «micro-agression» a fait polémique, comment adresser cette question en France?

Il ne faut surtout pas les détruire, on n’en apprendrait rien. Je veux qu’on arrête de les célébrer à chaque coin de rue, qu’on les mette dans des musées et qu’on les enseigne pour les mettre en perspective.

On nous dit de ne pas mélanger mémoire et Histoire, mais ce n’est pas l’Histoire qui a amené Colbert devant l’Assemblée, c’est une décision politique. L’enlever, c’est reconnaître le rôle de la France et de ses grands hommes dans un crime abominable.

La place de l’islam est aussi au cœur de la campagne. Comment défendre la laïcité sans sombrer dans l’islamophobie?

En matière de laïcité, la France devrait s’inspirer du Sénégal. Dans une même famille, on peut y trouver un curé et un imam, dans un même pays un président catholique et une population majoritairement musulmane. Enfant, à Dakar, j’allais la journée à l’école catholique chez les sœurs de l’Immaculée conception et le soir à l’école coranique. Et j’ai un enfant à moitié juif. Quel autre pays que le Sénégal est capable de faire cela ?

Que pensez-vous du rapport actuel de l’État français à l’Afrique?

Avec le recul géographique, je me rends davantage compte que l’empreinte de la France en Afrique reste forte. Je le vois dans l’attitude d’alliés, qui n’hésitent pas à s’en remettre à elle quand il s’agit de certains pays du Sahel par exemple.




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