Par Patrick H. Drummond, Ingénieur, directeur général de ICTx Consulting, spécialisé dans le développement de projets gaziers au Brésil et en Afrique.
L’invasion de l’Ukraine menée par Vladimir Poutine a mis en lumière la trop grande dépendance énergétique des pays de l’UE vis-à-vis de Moscou. Les ressources du continent pourraient leur permettre de s’en affranchir.
Bien que des alertes aient été lancées plusieurs semaines à l’avance, l’invasion de la Ukraine par les forces armées russes a pris le monde entier de court – et l’Europe en particulier. Si cette crise met en évidence les délicats enjeux géopolitiques et militaires autour de l’éventuelle entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne (UE) et/ou dans l’Otan, elle souligne surtout la grande dépendance de l’Europe envers la Russie pour ses approvisionnements en gaz naturel.
En effet, l’Europe consomme actuellement 541 milliards de m³ de gaz naturel, dont 447 Gm³ sont importés via gazoducs. La Russie lui en fournit à elle seule 168 Gm³ (soit 38 %) grâce au «Fraternité», via l’Ukraine, la Slovaquie et la République Tchèque, au « Yamal », via la Pologne et au Nordstream 1, via la mer Baltique. Près de la moitié du gaz russe alimente essentiellement l’Allemagne (56 Gm³), l’Italie (20 Gm³), la Turquie (15,6 Gm³) et la Hollande (11 Gm³). Le reste est réparti entre plusieurs autres pays européens. À ces volumes russes importés par gazoducs s’ajoutent, depuis 2017-2018, 17,2 Gm³ sous forme de GNL (gaz naturel liquéfié).
Champ d’opportunités
En résumé, un tiers du gaz naturel consommé en Europe provient de la Russie. Et cette proportion atteint 2/3 en Allemagne, ce qui rend sa situation encore plus délicate. À moyen terme, le Vieux continent devra donc diversifier ses sources d’approvisionnement en gaz naturel. Si la tendance était jusqu’ici de construire des gazoducs en mer (Nordstream 1 et 2) afin d’éviter de traverser de multiples frontières à risque, la construction de terminaux méthaniers pour recevoir le GNL importé apparaît comme une solution plus fiable, qui devrait s’accentuer dans les années à venir.
Dans son rapport «World LNG Outlook 2020», Cedigaz fait remarquer que la capacité de production de GNL dans le monde ne sera pas suffisante pour répondre à la demande pour la période 2025-2040. Cela ouvre un champ d’opportunités que peuvent exploiter les pays africains producteurs de gaz.
Actuellement, 12 % du gaz importé par l’UE par gazoduc provient d’Afrique. L’Algérie exporte 21 Gm³ par gazoducs vers l’Italie (55 %) et la péninsule ibérique (45 %) tandis que la Libye envoie 4,2 Gm³ en Italie. Et pas moins de 50 % du GNL que l’Europe importe est issu du continent, ce qui équivaut à 56 Gm³, provenant du Nigeria (50 %), d’Algérie (27 %), d’Angola (11 %), d’Égypte (4 %) et d’autres pays africains (8 %).... suite de l'article sur Jeune Afrique