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La guerre est-elle plus épouvantable en Europe qu’en Afrique ?

Publié le lundi 28 mars 2022  |  Jeune Afrique
Réfugiés
© Autre presse par News One
Réfugiés africains en Ukraine en février 2022.
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Par Aïda N'Diaye

Enseignante, auteure et philosophe. Chroniqueuse sur France inter et collaboratrice à Philosophie Magazine.


La manière dont les conflits armés sont représentés depuis des décennies dans l’imaginaire occidental, notamment à travers le cinéma, pourrait en partie expliquer le racisme latent qui s’est manifesté dans certains commentaires au début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Deux poids, deux mesures. Voilà ce qui frappe lorsqu’on compare le traitement politique et médiatique de la guerre en Ukraine – et plus spécifiquement, mais pas seulement, celui de l’exode massif que ce conflit engendre – au traitement (ou au non-traitement) des multiples crises qui ont touché de manière similaire les pays africains ces dernières décennies.

Pensons, par exemple, aux déclarations de Charlie D’Agata, l’envoyé spécial de la chaîne CBS News, le 25 février : «Ce n’est pas un endroit […] comme l’Irak ou l’Afghanistan […]. Kiev est une ville relativement civilisée», disait-il pour souligner ce que les images tournées en Ukraine avaient de particulièrement choquant. La guerre serait donc «anormale» en Occident, «normale» ailleurs.

Déclarations ahurissantes

Prenons un peu de recul : comment la représentation de la guerre a-t-elle pu jouer sur les imaginaires au point de conduire à des déclarations aussi ahurissantes?


Revenons, par exemple, au discours du président Volodymyr Zelensky devant le Congrès des États-Unis, le 16 mars. J’ai été frappée d’entendre de la musique accompagner les images de destruction de la ville de Kharkiv pour illustrer ce que les civils ukrainiens vivent au quotidien.

Comme si nous avions besoin, pour voir la réalité (l’horreur de la guerre), d’utiliser les codes de la fiction (l’habillage sonore et musical). Comme si nous étions incapables de saisir ce qu’est réellement la guerre quand ce que nous en percevons dans la réalité ne ressemble pas suffisamment à l’image que nous nous en forgeons à travers la fiction.

Dans la vraie vie, aucune musique n’accompagne les bombardements ou l’exode des civils. Pourtant, les images de la guerre nous semblent plus réalistes et plus touchantes quand elles se rapprochent de celles que nous voyons au cinéma ou à la télévision, musique incluse.

Étrange retournement, qui souligne la complexité de l’articulation entre la fiction et la réalité, et son importance dans notre perception des événements.

Or non seulement les Occidentaux ne voient pas, ou ne veulent pas voir, les images de la guerre sur le continent africain, mais, en plus, ce qu’ils voient est bien souvent passé au crible de la fiction – souvent, des grosses productions américaines. Dans ces représentations, la guerre « là-bas » est par essence sauvage, barbare, non civilisée, au point qu’elle rendra sauvage, voire fou, le soldat occidental qui y participera.

Celui-ci en reviendra souvent brisé, inapte à la vie en société, c’est-à-dire, justement, à la vie « civilisée ». Autant l’ennemi russe se caractérise par l’intelligence avec laquelle il met en œuvre le Mal (c’était encore le cas récemment dans Black Widow ou dans le dernier James Bond), autant, chez l’homme africain, le Mal se manifeste par sa sauvagerie – par exemple dans Beast of No Nation ou dans La Chute du faucon noir.

Stéréotypes dominants


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