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Et si l’on finançait massivement les PME industrielles de Rabat à Johannesburg?

Publié le mardi 6 septembre 2022  |  Jeune Afrique
UEMOA:
© Autre presse par BOAD
UEMOA: La BOAD et la BPI France ont signé un accord de coopération visant à développer des activités et financer en commun des projets en faveur des PME.
Lomé, le 14 septembre 2021. La Banque Ouest Africaine de Développement et la Banque Publique d’Investissement française (BPI France) ont procédé à la signature d’un accord de coopération visant à développer des activités et financer en commun des projets dans le secteur des PME pour des sujets relatifs à la création, l’innovation, le développement, l’investissement, et l’internationalisation entre autres dans la zone UEMOA.
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Par Arnaud Floris, Directeur Afrique de l’ouest et du centre de la Banque Publique d’Investissement (Bpifrance), et enseignant à l’ESSEC business school «Doing Business in Africa»


Nous vivons une période de ruptures profondes. La nouvelle ligne d’horizon : penser des politiques d’industrialisation audacieuses et adaptées aux réalités économiques, sociales et environnementales, bâtir des chaînes de valeur spécifiques et multiplier les success-stories.

Il aura fallu la pandémie de Covid-19 et le conflit russo-ukrainien pour que la transformation des richesses agricoles et des matières premières redevienne une question centrale dans le débat public, de part et d’autre de la Méditerranée. Zones économiques industrielles, agropoles et parcs industriel, c’est désormais un sujet de premier ordre, en particulier au sein des pays de la Cedeao.

Alors oui, les lignes bougent. Oui, la prise de conscience politique est réelle, spécialement en Afrique de l’Ouest. En Côte d’Ivoire, au Ghana, au Sénégal, au Togo, au Bénin, la relance de l’industrialisation, notamment par le biais de politiques régionales, se matérialise peu à peu. De nouveaux modèles sont expérimentés, portés par des gouvernements dont l’action s’oriente davantage vers l’investissement productif, encouragés par des acteurs spécialisés et une génération animée par une forte volonté de Alors oui, les lignes bougent. Oui, la prise de conscience politique est réelle, spécialement en Afrique de l’Ouest. En Côte d’Ivoire, au Ghana, au Sénégal, au Togo, au Bénin, la relance de l’industrialisation, notamment par le biais de politiques régionales, se matérialise peu à peu. De nouveaux modèles sont expérimentés, portés par des gouvernements dont l’action s’oriente davantage vers l’investissement productif, encouragés par des acteurs spécialisés et une génération animée par une forte volonté de changement.

Opportunité et moment de vérité

La période actuelle est incroyablement passionnante. Mais, loin des discours incantatoires et des effets d’annonce, comment s’assurer que ces initiatives aboutissent à hauteur des enjeux ? Comment s’assurer qu’elles soient inclusives, permettant l’essor d’écosystèmes d’entrepreneurs et de PME dans le temps long, structurant des chaînes de valeurs spécifiques réparties sur les territoires ? Surtout, ont-elles plus de chances de succès que les nombreuses politiques conduites depuis quatre décennies avec plus ou moins d’ambition ?

La fragmentation de la mondialisation que la double crise est en train de provoquer constitue un moment de vérité pour plusieurs pays du continent : cela donne la possibilité de faire un pas de côté, de saisir l’opportunité pour imaginer et déployer de nouvelles stratégies, permettant de diversifier les économies et de davantage s’imposer sur les marchés internationaux, à une échelle beaucoup plus importante qu’auparavant.

Dans l’ensemble, ce sont des stratégies d’industrialisation modernes et véritablement audacieuses qu’il convient de déployer, en soutien à la production de denrées agricoles et alimentaires ; car le défi industriel africain se pose en grande partie dans le secteur agricole. Des stratégies tirant parti de l’immense potentiel offert par l’évolution de la technologie. L’industrie sur le continent doit en ce sens suivre le même modèle que les services : le saut technologique, en privilégiant le développement de solutions à faible émission carbone lorsque c’est économiquement viable, en encourageant la mutualisation de moyens technologiques avancés, en particulier numériques.

L’enjeu de l’industrialisation et de son financement n’est pas seulement politique, il est aujourd’hui avant tout économique, social, humain. Il doit être pensé loin des schémas datés et obsolètes. Avec deux constats. On ne peut traiter la politique industrielle comme une politique sectorielle, et on ne peut pas l’envisager sans un héros, encore largement méconnu : l’entrepreneur.

Le rôle fondamental de l’entrepreneur

En ce sens que l’industrialisation ne peut pas être considérée comme une fin, mais comme un moyen vers un nouveau contrat social, vecteur de davantage d’équité. Le rôle de l’entrepreneur dans cette dynamique me semble fondamental. Il mobilise des capitaux, loue des bureaux, crée des usines, paie des salaires, des factures d’électricité… Il crée de la richesse et de l’emploi. C’est lui et lui seul qui entretient inlassablement la flamme qui permet la croissance.

Il semble primordial de faire évoluer les systèmes éducatifs en profondeur, en mettant davantage les compétences et la technologie au cœur du modèle de croissance, car la bataille se joue aussi et surtout sur le front de l’éducation et de la formation professionnelle : créativité, raisonnement, leadership, esprit d’initiative, capacité à programmer… La liste serait longue !

Dans cette nouvelle ère qui s’ouvre, les leviers traditionnels d’intervention de l’État gagneraient donc à être repensés au profit d’approches centrées sur l’entrepreneuriat industriel, berceau de la création de richesse, à l’image de ce qui se dessine au Sénégal, au Bénin et en Côte d’Ivoire. Pour être productive dans la durée, la politique industrielle doit être pensée et déployée au niveau de l’État central, en étroite collaboration avec l’ensemble des acteurs économiques, sélectionnant et priorisant des secteurs précis. Il faut que les administrations deviennent pleinement «pro-business», en encourageant par exemple les entreprises de négoce à devenir les acteurs industriels de demain.

Volontarisme et protectionnisme à la carte

Le Maroc, le Rwanda, l’Éthiopie et l’île Maurice, entre autres, pavent le chemin, chacun ayant adopté des politiques industrielles qui favorisent les industries manufacturières nationales (fruits, textile, cuirs et peaux, ciment notamment), tout en facilitant l’investissement. Cela passe par un savant mélange d’innovations institutionnelles locales et de pratiques importées : une forme de protectionnisme à la carte, finement calibré, dans une perspective de long terme.

Dans l’ensemble, la substitution aux importations concerne les branches d’industrie légère et la satisfaction des besoins nationaux en produits stratégiques et en produits alimentaires de base. Cela s’accompagne d’une politique de promotion des exportations pour les secteurs où le marché national est trop étroit. Une politique volontariste proactive en somme, au service de la constitution de chaînes de valeur complètes.

Dans ce contexte, l’idée de favoriser la localisation d’activités, l’aménagement préalable de zones industrielles rapidement utilisables, est un élément essentiel, mais ne doit pas constituer un aboutissement. Outre le développement d’infrastructures énergétiques et de transport, cela passe également par des infrastructures financières adaptées, accompagnant et « dé-risquant » la montée en puissance d’acteurs de financement spécialisés – bancaires et non bancaires –, soutenant l’écosystème du capital investissement, mobilisant une batterie de leviers, allant du conseil au prêt ; ou par des subventions. Les Caisses de dépôts, qui se développent rapidement dans plusieurs pays, peuvent jouer un rôle important dans le processus, en exerçant des effets de levier auprès des financeurs publics et privés.
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