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Déclassification des archives sur l’assassinat de Sylvanus Olympio : Me William Woll se confie dans une interview exclusive

Publié le vendredi 13 janvier 2023  |  L'Alternative
Sylvanus
© Autre presse par DR
Sylvanus Epiphanio Elpidio Kwami OLYMPIO, le père de la nation Togolaise
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Ce vendredi 13 janvier 2023, cela fera 60 ans que le Père de l’indépendance du Togo, Sylvanus Olympio a été victime d’un crime crapuleux dénommé "coup d’Etat". Le Togo a basculé depuis dans la "Grande Nuit", attendant un jour nouveau qui peine à se lever. Du 13 janvier 1963 à ce jour, le mystère reste entier sur les circonstances de cet assassinat, laissant libre cours à toutes les interprétations. Depuis quelques années, un homme, Jean Sylvanus Olympio, neveu du Père de l’indépendance s’est engagé, malgré les obstacles de tout genre, à faire triompher la vérité. Et pour ce travail de mémoire, il a sollicité auprès du gouvernement français la déclassification des archives sur l’assassinat de Sylvanus Olympio. Chose faite depuis quelques mois. Pour avoir une idée de ce que renferment ces documents déclassifiés, la Rédaction de L’ALTERNATIVE s’est approchée Me William Woll qui s’occupe de ce dossier pour le compte de la famille. En exclusivité !

Bonjour Me William Woll. Vous être l’avocat désigné par l’un des neveux du défunt Président Olympio pour découvrir la vérité sur son meurtre. Pouvez-vous nous décrire la procédure que vous avez suivie ?


C’est en mai 2021 que Monsieur Jean-Sylvanus Olympio est venu me trouver. Il avait besoin d’un avocat spécialiste en droit international pour découvrir, si cela était possible, l’auteur de cet acte barbare et les motivations qui l’habitaient.

Bien sûr, nous savions qu’Eyadema Gnassingbé, le père de l’actuel dirigeant du Togo, s’était vanté, dans Paris Match, de l’avoir tué. Nous savions aussi que, par la suite, il avait dit le contraire dans un livre sobrement intitulé «Ce que je sais du Togo».


Par ailleurs, beaucoup de bruits courent sur l’implication de la France ou des États-Unis dans ce meurtre sordide, chacun y allant de sa version. La France aurait ainsi renversé le président Olympio car il tentait de faire sortir le Togo du Franc CFA.

Il était donc temps d’interroger l’Histoire et donc les archives conservées par la France dont les diplomates sur le terrain, quelle que soit leur implication dans ces événements, avaient nécessairement livré leur version des faits à leurs autorités de tutelle.


Dans un premier temps, nous avons interrogé une première fois le Ministère des Affaires étrangères français pour savoir s’il existait des archives relatives au coup d’État de 1963 et où elles se trouvaient. Puis, dans un second temps, nous en avons demandé copie.

Le résultat est édifiant et finalement va à l’encontre des préjugés qui étaient les nôtres.


Ces archives déclassifiées proviennent d’où et peut-on avoir une idée du volume de ces documents ?

Les archives dont nous avons obtenu copie, proviennent de deux sites : Nantes et La Courneuve. En tout, elles comptent quelque 2000 pages.

Les informations les plus intéressantes proviennent de Nantes. Elles regroupent les notes prises sur le vif par les diplomates français en poste à Lomé au moment de ce meurtre tragique.


Est-ce que ces archives sont en bon état et avez-vous eu le temps nécessaire de les décrypter ?

Oui, ces archives sont en bon état et même plutôt en excellent état pour des documents en papier qui datent de plus de 60 ans. Certaines sont manuscrites, d’autres dactylographiées. On trouve parfois même des notes manuscrites qui, par après, ont été dactylographiées pour les rendre plus lisibles et mieux les conserver.

Monsieur Jean-Sylvanus Olympio et moi-même les avons étudiées avec le plus grand soin. Je crois même pouvoir dire que Monsieur Olympio les a lues et relues car leur contenu, au-delà de l’intérêt historique qu’il présente pour vous ou le peuple togolais, est constitutif de son histoire personnelle.


A travers ces archives avons-nous une idée «réelle» de ce qui s’est passé ?


La fiabilité de ces archives peut difficilement être mise en doute. Pour soutenir le contraire, il faudrait imaginer que l’État français aurait créé de faux documents qu’il aurait fait insérer au milieu dans les archives officielles pour tromper Monsieur Jean-Sylvanus Olympio.

Certes, les États, démocratiques ou non démocratiques, en sont parfaitement capables. Mais il faut qu’ils soient sûr de ne pas être pris ou, à tout le moins, que les avantages qu’ils escomptent d’une pareille supercherie soient bien supérieurs au risque d’être découverts.

Ici, je vois mal l’intérêt qu’aurait la France à forger de faux documents pour leurrer le neveu d’un Président togolais assassiné il y a 60 ans. Ces archives nous donnent, par ailleurs, une idée de ce qui s’est passé dans la nuit du 12 au 13 janvier 1963 avec force détails. C’est un indice supplémentaire de leur fiabilité qui, à mon sens, ne fait aucun doute.


Pouvez-vous nous dire aujourd’hui qui sont les premiers responsables de ce crime crapuleux dénommé «coup d’État» ?

Les archives relatent que le Président Olympio, alors qu’il se trouvait sur le trottoir devant l’ambassade américaine, aurait tenté de s’enfuir. Le soldat qui dirigeait ses pas, l’aurait alors tué. Il est donc fort probable que ce soldat lui ait tiré dans le dos.

Une autre note manuscrite, très détaillée, rapporte qu’un certain «sergent-chef Étienne» aurait ensuite claironné partout que c’était lui qui a tué le Président Olympio.

Or, les archives montrent également que, parmi les membres du «Comité insurrectionnel» créé dans la foulée et qui prétendait succéder au président défunt, se trouvait un certain «HEYDIMA Etienne» totalement inconnu à cette époque des diplomates en poste à Lomé.

Ce fameux «HEYDIMA Etienne», ancien sergent-chef de son état, disparaîtra d’ailleurs du devant de la scène togolaise dans les jours suivant ce meurtre avant de réapparaître brutalement en prenant le pouvoir par la force en 1967 sous le nom d'Etienne Eyadèma Gnassingbé.

Lorsqu’il faisait la une de la presse française en affirmant qu’il avait tué Sylvanus Olympio, l’homme n’avait donc pas menti. Ensuite, il aura voulu arranger son image pour l’Histoire en mentant dans son livre (rédigé par un autre que lui-même bien sûr) «Ce que je sais du Togo». Ce n’est pas le premier tyran à vouloir, au soir de sa vie, se présenter comme un saint.
Reste à interroger les motivations de ce sergent-chef «Etienne» qui ne prendra le pouvoir que 2 ans plus tard.

Certes, l’armée togolaise, à cette époque, n’est plus payée mais le sergent-chef Etienne Eyadema Gnassingbé n’est plus dans l’armée togolaise.
Par ailleurs, s’il avait réellement été contraint d’agir sur ordre pour empêcher le président de s’enfuir, il n’aurait pas revendiqué un acte aussi malheureux. Un meurtre est un meurtre.

Mon hypothèse est qu’il a agi par gloriole avec l’idée de se mettre en avant. Il s’est dit qu’il y avait un coup à jouer pour se faire remarquer auprès des autorités rebelles et il a tenté ce coup. Cette hypothèse est confirmée par le fait qu’il s’est vanté de son acte juste après et qu’il est parvenu, ensuite, à faire partie de Comité insurrectionnel qui était essentiellement composé de militaires togolais dont lui ne faisait pas partie.


Selon plusieurs sources, la France aurait trempé dans ce crime. Que disent les archives sur le rôle de la France et celui des USA ?

Les archives que nous avons consultées font de la France un acteur débordé par des événements qu’elle n’avait absolument pas été anticipés. La surprise, pour les diplomates en place dont l’une des missions est d’informer l’État français, est totale.

Le rôle des États-Unis reste, par ailleurs, flou sur un point précis: comment se fait-il que le Président Olympio ait été contraint de sortir de l’enceinte de l’Ambassade américaine et se soit ainsi retrouvé sur le trottoir à la merci d’un ex-soldat sans foi ni loi?

Il faut rappeler qu’en droit international, la règle est l’inviolabilité des ambassades étrangères. Je ne peux imaginer que les soldats rebelles soient entrés dans l’ambassade américaine sans que les États-Unis ne réagissent.
Or, dans les archives mises à notre disposition, il n’est rapporté aucune réaction des États-Unis. Il y a là une zone d’ombre bien étrange car il aura été finalement plus facile de savoir qui a tué Sylvanus Olympio que de connaître le rôle exact des diplomates sur place.

Existe-t-il d’autres archives dont vous attendez la déclassification ?

Oui, les archives militaires françaises et les archives américaines.

Vous êtes avocat. Envisagez-vous une suite judiciaire à ce crime 60 après ?

Pour l’instant, le travail le plus urgent consiste à collecter les documents utiles à la manifestation de toute la vérité. Le temps d’une éventuelle action judiciaire viendra certainement ensuite. Monsieur Jean-Sylvanus Olympio est seul maître à bord.

Quelle est la portée de ce travail de mémoire que vous êtes en train de réaliser en ce moment ?

Ce «régicide» sur la personne d’un président démocratiquement élu – c’est et c’était déjà si rare en Afrique – a été commis par un homme sans foi, ni loi dont la bêtise l’a conduit jusqu’à se vanter de cet acte méprisable et particulièrement condamnable.
Il ne faut pas perdre de vue que la société des hommes, où qu’elle se trouve, condamne le meurtre sous toutes ses formes.
Ce travail lève donc une partie du voile sur un épisode tragique du Togo en mettant en exergue les fondations vérolées de la dynastie au pouvoir dans ce pays depuis presque 60 ans.

La France ne saurait l’ignorer même si elle continue, d’un côté, à appeler au respect des droits de l’homme et, de l’autre, à soutenir l’impensable à savoir une dynastie fondée sur le crime, la trahison et le mensonge.

Ce travail a donc non seulement une portée historique mais aussi politique. La France qui, depuis des années, soutient ce régime doit changer ses habitudes de pensée. Si elle ne le fait pas, à l’avenir, elle risque d’être ringardisée sur la scène internationale.

Avez-vous un message particulier à adresser au peuple togolais qui ploie toujours sous le joug des auteurs et héritiers de ce crime ?

Oui. Chacun a pu constater, dans sa vie personnelle, que la douleur ne dure jamais bien longtemps et que le changement est la règle. Ce constat vaut également dans la sphère publique. Le mur de Berlin est tombé sans préavis. Ce qui est attendu arrive rarement et ce qui n’est pas attendu arrive très souvent.
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