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TOGO : Devenue séropositive à cause de sa profession et diabétique, elle meurt suite à une injection de sérum glucosé aux urgences du CHU Sylvanus Olympio
Publié le dimanche 1 septembre 2013  |  Togosite.com


© Autre presse par DR
CHU Sylvanus Olympio


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Caroline était son nom. On en parle aujourd’hui à l’imparfait parce qu’elle est morte le 17 janvier 2013, après cinq ans de maladie, de souffrances, d’espoirs entrecoupés d’instants de solitude intenses. Si nous avons jugé bon de porter son histoire au grand jour, c’est pour interpeller à la fois le personnel soignant des centres hospitaliers sur leur négligence, les abonnés à la manucure-pédicure, et les coiffeuses. Caroline, bien qu’atteinte du VIH, est morte bêtement des suites d’une crise au cours de laquelle le personnel du CHU Lomé Tokoin, au lieu de lui faire une intraveineuse à base de sérum salé, lui a plutôt fait du sérum glucosé. Caroline n’a pas survécu à la crise.
En septembre 2008, Caroline avait décidé d’arrêter sa relation avec son ami du moment. Pas qu’elle avait un grief particulier à son encontre, mais elle avait commencé à mal se sentir dans sa peau. Et c’est à son corps défendant qu’elle prenait cette décision. Parce qu’avant de commencer à ressentir des malaises, elle avait connu l’amour. Luc, qui était son ami de toujours, lui avait donné le temps de croire en ce sentiment. Après qu’ils ont été faire leur test de virologie trois ans auparavant, ils ont décidé de ranger le préservatif. Luc était journaliste et Caroline, coiffeuse et esthéticienne. Des activités qui les mettaient en contact avec du monde. Elle avait une clientèle certaine et à ce titre, était à l’abri des besoins matériels. En se mettant avec Luc, c’était exclusivement par amour. La jeune dame qui avait la trentaine à leur rencontre, était de toutes les missions de Luc à l’intérieur du pays. Les collègues du jeune homme lui demandaient la date de leur mariage, tellement leur entente crevait les yeux.
Mais comme dit plus haut, Caroline a commencé à ressentir des malaises dont l’origine leur échappait. Des maux de tête succédaient à des diarrhées profuses inexpliquées. Tant et si souvent qu’elle se résolut à subir certaines analyses de sang. Et comme un couperet, le résultat fut sans appel : le taux de lymphocytes CD4 était de 400, signe que Caroline avait le virus du Sida dans le sang.
La nouvelle l’atterra, d’autant plus qu’avant qu’elle n’ait sa première relation intime sans protection avec Luc tous les deux s’étaient montré leur résultat d’analyse, et s’étaient jurés de se protéger si chacun devrait un jour commettre « une bêtise ailleurs». Etat hospitalisée, elle recevait la visite de l’homme tous les deux jours et le soir où Luc vint la voir, elle lui annonça la mauvaise nouvelle sous une autre forme ; elle lui a demandé d’aller refaire son test de dépistage. Le gars comprit de suite, mais aussi curieux que cela parût, il ne paniqua pas et la remercia de sa sincérité. « A qui d’autre devrais-je le dire si ce n’est d’abord à toi ? Je sais aussi que tu peux me croire, même si je ne sais si tu me fuiras ou non après cette révélation », avait déclaré Caroline.
Luc n’eut pas le courage de lui poser la question qui lui taraude l’esprit, celle de déterminer comment a-t-elle pu contracter le virus. En attendant la réponse, l’homme prit son courage à deux mains et refit l’analyse, certain qu’il ne sera pas épargné. Seulement il oublia dans sa peur que cela faisait près de cinq mois que lui et la fille n’avaient plus de relations intimes. Le jour où il prit apprit la nouvelle de sa séronégativité, il partit chez Caroline l’esprit confus mais tellement soulagé. Elle était rentrée et avait un autre rendez-vous avec le docteur. « Tu veux savoir certainement pourquoi je ne me suis pas protégée en voulant faire une bêtise ? Simplement parce que je n’en ai pas fait ; je l’ai répété au docteur, mais lui, est arrivé à déduire d’où venait mon mal. Je lui ai avoué que dans ma profession, il m’arrive de me faire piquer par des aiguilles que des patientes amènent pour se faire coudre sur la tête les cheveux, ou de nous blesser les patientes et moi, avec le matériel de manucure-pédicure », dit-elle ce jour. Luc n’avait pas de raison de douter d’elle. Puisqu’à aucun moment de la journée ou de la nuit, il n’a jamais eu à déplorer des écarts de comportement de Caroline, des écarts qui lui feraient penser à une vie parallèle de celle-ci. Il partit plus tard voir le docteur qui lui confirma les dires de la fille. Et avant de prendre congé du médecin, ce dernier lui demanda de la soutenir, pour lui redonner le goût de continuer.
Il existe des êtres qui aiment entrainer du monde dans leur malheur ; Caroline n’était pas de cette espèce. C’est ainsi qu’elle cessa ses activités, de peur de contaminer des clientes qui auraient confiance en elle. Elle ne mit pas longtemps à réaliser que plus rien ne sera comme avant. Ses économies fondirent comme neige au soleil alors qu’elle ne connaissait pas d’autres métiers pour gagner sa vie. C’est ainsi qu’entre les déplacements à l’hôpital et les réunions entre personnes souffrant du même mal, Caroline se retrouvait certains jours avec des produits à prendre, mais sans les sous pour s’alimenter. Or il est impératif de bien manger avant la prise des médicaments, autrement les produits risquent de causer des dégâts pires que ceux dus au virus.
Malgré que Caroline allât régulièrement prendre les médicaments dans son centre, il lui arrivait de plus en plus souvent de ne pas les prendre, faute à des difficultés financières pour s’alimenter convenablement. Sa santé en a alors pâti. Tant et si mal qu’un matin, alors qu’elle voulait se lever, elle perdit connaissance. Très rapidement ses parents la portèrent au CHU Sylvanus Olympio, anciennement CHU Lomé Tokoin.
Arrivées aux urgences, sa grande sœur fit comprendre au personnel soignant qu’avant d’être séropositive, Caroline était diabétique et qu’à cet effet, ils devraient veiller aux sérums à lui transfuser. Et c’est confiante d’avoir pris les précautions nécessaires que la vie de Caroline a été remise entre les mains du personnel en service ce jour du 17 janvier 2013. Mais contre toute attente, on fit à Caroline du sérum glucosé. Et des crises ont commencé avant même que le sérum ne se termine. Voilà comment de nos jour encore dans des centres hospitaliers universitaires de certains pays on continue de banaliser la vie des populations. Le lendemain de la faute du personnel en service ce jour de janvier, Caroline rendit l’âme, non pas à cause de sa séropositivité, mais par l’inconséquence d’agents hospitaliers. Ses funérailles furent organisées dans la plus stricte intimité, en espérant que son âme trouvera le repos. Quand je repense à sa vie, j’en suis encore triste à ce jour. Séropositive non pas pour avoir eu des relations non protégées, mais à cause de sa profession, elle meurt des crises de diabète par la faute du personnel soignant d’un centre hospitalier universitaire. Triste fin que celle de Caroline.
Godson KETOMAGNAN (Quotidien LIBERTE)

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