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Contribution de la diaspora africaine dans le développement de l’Afrique (par Dr Moudassirou Katakpaou-Touré)Contribution de la diaspora africaine dans le développement de l’Afrique (par Dr Moudassirou Katakpaou-Touré)
Publié le dimanche 4 mai 2014  |  Togo News


© Autre presse par DR
Assises nationales de la diaspora : Mobiliser les compétences togolaises de l’extérieur


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Diaspora par ci, Diaspora là. Bref, le thème de la Diaspora, revient de plus en plus dans tous les sujets de discussions relatives au développement de l’Afrique.

À L’occasion d’une célébration de l’Indépendance du Sénégal, Indépendance acquise le 4 avril 1960, notre compatriote le Dr. Moudassirou Katakpaou-Touré a été invité le 8 mai 2010, à animer une causerie sur la question. Le thème étanttoujours d’actualité, www.togonews.info s’est procuré une copie de cet exposé qu’il publie à l’intention de ses lecteurs..

Exposé -discussion sur le thème «Contribution de la diaspora africaine dans le développement de l’Afrique » (Dr. Moudassirou Katakpaou-Touré Francfort le 08 mai 2010)


"Mes dames et messieurs,
Chers sœurs et frères du Sénégal ici présents
Chers auditeurs,
Nous sommes donc réunis dans cette salle, à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance du Sénégal, pour réfléchir sur « Le rôle de la diaspora africaine dans le développement de l’Afrique ».
Quel paradoxe suis-je tenté de dire. Oui, quel paradoxe de devoir se pencher sur la contribution d’une absente, en l’occurrence « La Diaspora Africaine » dans le développement d’un continent, en l’occurrence l’Afrique, auquel elle a tourné le dos?
N’est-ce pas parce que l’Afrique n’a pas été en mesure de nous offrir ce dont nous avons besoin que nous lui avons tourné le dos, parfois au péril de notre vie pour nous installer ici, en Europe? Cependant, il faut reconnaître que le thème choisi n’est pas tombé du ciel. Il est bien connu que toutes les diasporas entretiennent des liens divers avec leur origine ; les plus visibles de ces liens sont les envois d’argent du pays d’accueil vers le pays d’origine (Référence Tableau I).
Nous, diaspora africaine en Europe ne faisons pas exception face à ce phénomène (Référence Tableau I). On estime même que les sommes que nous envoyons dépassent en volume les montants que reçoit l’Afrique au titre de l’Aide Publique au Développement
Il n’en fallait pas plus pour que la diaspora africaine attire vers elle toutes les convoitises. La diaspora est ballotée dans tous les sens. Qu’il s’agisse du pays d’accueil ou du pays d’origine, chacun lorgne sur sa part du gâteau. Tout d’un coup on découvre notre importance, et pas seulement par rapport aux besoins de développement de notre continent d’origine. Si les gouvernements africains font occasionnellement mine de déplorer que des Africains s’expatrient, ils n’ont aucun scrupule à vouloir profiter des retombées de cette diaspora. On évoque opportunément la bien connue solidarité africaine pour profiter au maximum des largesses des diasporas africaines qui sont opportunément qualifiées « d’acteurs incontournables du développement économique du continent. »

Dans cette course à la poule aux œufs d’or, les pays d’accueil ne sont pas de reste : ils entendent eux aussi, sous diverses formes, profiter de notre présence. Ainsi les pays d’accueil qui toléraient à peine la présence de la diaspora sur leur sol, ont découvert il y a peu que les immigrants sont une chance pour le renouvellement de la population européenne vieillissante. Ils élaborent des programmes divers, destinés à faciliter l’intégration, voire l’assimilation des immigrants. Mieux, on déroule le tapis rouge à une catégorie de migrants qu’on qualifie de « qualifiés » ; doux euphémisme pour distinguer le « migrant utile » du « migrant parasite ». De l’autre côté ils ferment les portes d’entrée aux nouveaux candidats et tentent de se débarrasser des immigrants jugés non utiles en élaborant des plans de reconduite appelés pudiquement des plans d’aide au retour.
Qui est-elle donc cette diaspora africaine ? Cette question, on ne se la pose que peu ou pas du tout. Et pourtant elle est fondamentale pour tenter de cerner ce qui explique les attentes contradictoires des pays d’accueil et des pays d’origine vis-à-vis d’elle. S’agissant particulièrement des questions du développement de l’Afrique face à une économie mondiale de plus en plus intégrée, la diaspora est-elle une partie de la solution, une partie du problème ? Il est vrai que dans leur grande majorité les Africains de la diaspora eux-mêmes acceptent le rôle que leurs pays d’origine entendent leur attribuer, même s’ils émettent ça et là quelques réserves sur la forme de leur participation au développement de l’Afrique et particulièrement de leurs pays d’origine.
Mesdames et messieurs, cette entame montre s’il en était encore besoin, la complexité, voire l’ambiguïté de la situation de la diaspora africaine en Europe.
Je n’ai pas la prétention d’apporter les réponses aux différentes questions que soulève cette problématique. Je vais tenter de mettre en exergue les différents éléments de la problématique et vous donner ensuite la parole pour exprimer vos opinions et peut-être, je l’espère en tout cas, vos propositions pour trouver des réponses à ces questionnements.
Plan de l’exposé.
1- La diaspora africaine : les problèmes de sa définition
2- Poids démographique de la diaspora africaine et sa répartition géographique dans le monde
3- Les formes de solidarité entre la diaspora et l’Afrique
4- De la solidarité affective à la solidarité de développement.
5- Les constats qui s’imposent face à ce regain d’intérêt porté à la diaspora africaine
6- En guise de conclusion : questions ouvertes

1- La diaspora africaine : les problèmes de sa définition.

Le mot diaspora vient du grec et signifie « dispersion ». Dans la tradition biblique, le terme a été utilisé pour désigner la "dispersion des juifs". On a souvent utilisé aussi ce mot pour désigner « des peuples ne disposant plus de territoire national autonome, comme les Palestiniens ou les Kurdes ». Selon le Larousse 2009, la diaspora désigne « l’ensemble des membres d’un peuple dispersés dans le monde mais restant en relation ».
Selon la charte de la Commission de l’UA (Union Africaine), la diaspora africaine désigne « les personnes d’origine africaine vivant hors du continent africain, qui sont désireuses de contribuer à son développement et à la construction de l’Union africaine, quelles que soient leur citoyenneté et leur nationalité ». La diaspora est considérée dans le programme de l’Union Africaine pour l’intégration économique de l’Afrique comme la « 6ème région » économique. Il s’agit là d’une définition purement politique qui relève plus des formules incantatoires propres aux dirigeants africains que de la volonté de cerner les contours réels de ce phénomène.
Selon certains auteurs, la diaspora africaine est l’ensemble des Africains émigrés vivant en Europe ou dans des pays à économie intermédiaire (Chine, Inde, etc.). On peut parler par exemple de diaspora sénégalaise en France, de diaspora togolaise en Allemagne, de diaspora Ghanéenne aux USA. Evidemment cette définition aussi rencontre des limites si on prend en compte les naturalisations, les mariages mixes et les acquisitions automatiques de la nationalité du pays d’accueil suite aux assouplissements des droits d’attribution de la nationalité dans certains pays de l’Union Européenne notamment.
Personnellement j’ai préféré la proposition de Yao Assogba qui définit la diaspora comme l’ensemble des membres des « communautés nationales migrantes en interaction entre elles et avec le pays d'origine.

2- Poids démographique de la diaspora africaine et sa répartition géographique dans le monde
Si on devait s’en tenir à la conception de l’Union Africaine, la diaspora africaine serait la plus importante au monde et se répartirait de la façon suivante selon les régions : 39,16 millions de personnes en Amérique du Nord ; 112,65 millions en Amérique latine ; 13,56 millions dans les Caraïbes et 3,51 millions en Europe.
L’Union Africaine est très généreuse, mais on voit cependant que sa conception de la diaspora africaine manque de cadre concret et son application sur le terrain peut s’avérer difficile. Si on voulait polémiquer, on dirait que la terre entière fait partie de la diaspora africaine, dans la mesure où l’Afrique est le berceau de l’humanité.
Malgré la définition plutôt généreuse de l’Union Africaine, la diaspora africaine est minoritaire dans le monde. Le vrai problème reste cependant le manque de statistiques globales à l’échelle mondiale. On peut cependant tirer des tendances en considérant les chiffres des migrants africains dans les principaux pays d’accueil qui sont l’Europe, les USA et le Canada qui sont les destinations privilégiées des immigrés africains.


Ø Exemples en France et en Allemagne (Référence : Tableau II )

France :
• En 1962 : les immigrés africains représentaient 14,09% de la population immigrée dans ce pays. Et le Maghreb y était le lui représenté avec 14,2%.
• En 1999 la part des immigrés africains est passée à 39,3 % (dont 11,63% d’Africains au sud du Sahara).
Allemagne :
• La diaspora africaine comptait environ 500.000 personnes en 2009.
• Soit 0,6% de la population totale d’Allemagne
• Ou encore 3,2 % des populations immigrées
Ø Les raisons suivantes expliquent en partie la concentration de la diaspora africaine dans quelques pays européens.
• Les liens historiques (colonisation)
• La relative proximité géographique (Europe uniquement)
• La fascination pour l’Europe à travers l’image positive dans les médias
• Tradition : Près de 90 % des immigrés maliens en France sont des Soninkés originaires de la région de Kayes.
• Les politiques de recrutement de travailleurs immigrés durant les années d’après-guerre jusqu’au début des 1970
• Les droits au regroupement familial après l’arrêt des recrutements
• Les crises économiques des années 1980 et les Plans d’ajustement structurel du FMI et de la Banque Mondiale qui ont favorisé les départs des étudiants vers les Universités européennes, américaines ou canadiennes
• Les crises politiques en Afrique du début des années 1990 qui ont provoqué de nouveaux réfugiés en Afrique et dont certains ont fini par arriver en Europe.
• On choisit d’aller dans les pays où on a plus de chance de compter sur l’aide des compatriotes déjà installés pour trouver sa place.

3 - Les formes de solidarité entre la diaspora et l’Afrique

Une fois installés dans les pays d’accueil, les membres des diasporas renouent les liens avec le pays d’origine. Cela se réalise sous plusieurs formes dont voici quelques exemples :

• Envoi d’argent :
à Premières nécessités : Nourriture, Logement, Habillement etc.
à Santé : achats de médicaments
à Scolaires : achats de fournitures scolaires
à Aider à la création d’activité génératrice de revenus.. Aides spontanées en cas de catastrophes naturelles ou tous autres problèmes imprévus.
• Investissements d’utilité publique : achat de moulin pour le village, creusement de puits, construction de salles de classe, achats de groupes électrogènes, camions et machines etc.
• Relais dans les échanges commerciaux entre pays d’origine et pays d’accueil (Afroshops, malgré la concurrence asiatique)
• Informations sur les opportunités d’affaires dans le pays d’accueil
• Accueil de compatriotes qui viennent faire des affaires en Europe : achat de machines, camion,
4- De la solidarité affective à la solidarité de développement.
J’aurais pu intituler ce paragraphe « la diaspora face aux enjeux de l’économie mondiale », car ce qui n’est pour les acteurs principaux que des actes affectifs devient un enjeu mondial.
Selon la FEMIP (Facilité Euro-Méditerranéenne d’Investissement et de Partenariat), une agence de la BEI (Banque Européenne d’Investissement), à l’échelle planétaire les sommes transférées par les diasporas dans leurs pays d’origine en 2004 et 2005 s´élèveraient respectivement à 120 milliard et 149,5 milliards d’Euros.
Et selon le rapport (2009) du Fonds international pour le développement agricole (FIDA), l’agence des Nations Unies qui s’occupe de la pauvreté rurale, les travailleurs africains envoient plus de 40 milliards de dollars américains vers leur pays d’origine chaque année.
Les sommes envoyées par les diasporas constituent pour certains pays receveurs une source importante de revenu et dépasse parfois les montants des aides publiques au développement (APD). Cette contribution atteindrait 20 à 25 % du PIB dans certains pays. C’est le cas respectivement du Cap-Vert et du Liban qui détiennent ainsi le record mondial.
Comme il fallait s’y attendre ces sommes attirent toutes les convoitises.
• Le monde économique et politique s’active pour trouver un moyen d’utiliser cette manne financière jugée non productive pour en faire un outil de développement des économies africaines.
• L’une des trouvailles à ce propos est le concept du co-développement. Le co-développement vise à prendre en compte les intérêts des pays d’origine et ceux des pays d’accueil dans les programmes de développement.
• Pour ce faire, les Etats africains signent des accords de coopération avec l’Europe et les Institutions internationales. Ces accords visent à :
- contrôler les mouvements des transferts (mettre fin à l’informel)
- réduire les frais de transferts qui sont parfois très élevés
- canaliser les fonds sur place vers des investissements productifs
- inciter les cadres immigrés à retourner travailler en Afrique
5- Les constats qui s’imposent face à ce regain d’intérêt porté à la diaspora africaine
• Premier constat : la globalisation de l’économique mondiale a des effets directs sur les diasporas:
à Accroissement des Inégalités Nord-Sud
à Durcissement des législations en Occident pour stopper ou contrôler la migration
à Les candidats à la migration sont de plus en plus nombreux (guerre, famine, échec des gouvernements africains…)
à Les migrants pensent de moins en moins au retour (drames personnels, mais aussi drames pour les familles qui ont besoin des fonds envoyés par les immigrés).
• Deuxième constat : les membres des diasporas sont au centre des intérêts contradictoires:
à Les besoins des parents au pays augmentent
à Les revenus des migrants baissent, mais le volume des sommes transférées vers leurs pays d’origine augmente
à Gouvernements africains découvrent l’importance de la manne financière de leurs exilés et veulent en profiter
à Des pays africains commencent à mettre en place des services gouvernementaux pour les citoyens de l’extérieur, le problème c’est que le rôle de ces services ne sont pas clairs ni pour les uns ni pour les autres : Exemple l’obtention du passeport biométrique à l’étranger est non seulement un casse-tête pour beaucoup d’Africains mais aussi un gouffre financier.
à Union Africaine : Diaspora comme 6e région économique pour l’intégration de l’Afrique.
à Les établissements financiers ouvrent des agences pour capter les fonds des migrants
à Les Institutions financières internationales (Banque Mondiale, FMI, Banque Européenne d’Investissement) aussi s’en mêlent.
à Des Hommes d’affaires veulent l’argent des immigrés
• Troisième constat : dans les pays d’accueil
à L’histoire semble se répéter : programmes d’intégration-assimilation et les plans d’incitation au retour se font concurrence.
à Les entreprises multinationales gagnent des marchés dans les pays d’origine des migrants (Fraport au Sénégal)
6- En conclusion : questions ouvertes

Jusqu’ici les programmes prétendument en faveur de la diaspora ne sont que des produits-clés-en-main qui rappellent fâcheusement les cascades de plans décennaux de développement. Ces plans n’ont jamais pu montrer leur efficacité ; au contraire ils sont en grande partie responsables de la situation catastrophique de l’économie du continent.
Face au phénomène planétaire du développement inégal dont nous sommes nous-mêmes victimes, des interrogations subsistent et nécessitent de notre part une réflexion approfondie si nous ne voulons pas laisser les autres décider de notre sort.
• Le co-développement vise-t-il à freiner l’immigration ou à développer l’Afrique ?
• Les problèmes du développement sont-ils exclusivement financiers ?
• Le développement de l’Afrique peut-il se faire sans une recomposition économique des pays et la production des produits en Afrique?
• Le développement peut-il faire l’économie de la démocratie ?
• Enfin les transferts des migrants vont-ils résoudre une crise économique généralisée ?
• Autrement dit la diaspora peut-elle jouer ce nouveau rôle qu’on entend lui attribuer à travers le nouveau concept de co-développement?
• Celui-ci est-il vraiment nouveau ?
• En quoi les programmes de captation des fonds envoyés par la diaspora diffèrent-ils des codes d’investissements favorables aux capitaux étrangers dans les années qui ont précédé la crise socio-économique actuelle ?
• Les appels au retour pour participer au développement de nos pays sont à mon avis comme des plats de Tchepou-Djéne ; ils doivent être dégustés avec beaucoup d’attention sinon gare aux arêtes de poissons mal avalés.
• Pouvons-nous, j’allais dire devons-nous oublier que nous avons aussi des responsabilités dans nos pays d’accueil pour y avoir fondé des familles ?
• Nos enfants nés ou ayant grandi ici ont-ils la même vision du monde que nous ?
• Beaucoup d’entre nous n’ont-ils pas adopté la nationalité du pays d’accueil ?
• Par conséquent devons-nous, pouvons-nous fuir nos responsabilités vis-à-vis de nos enfants, de notre communauté, de nos voisins, de nos amis, bref vis-à-vis de nos destins individuels en nous réfugiant derrière des appels patriotiques aux contours encore flous ?

Ces interrogations me paraissent plus dignes d’intérêts que les incantations de l’Union Africaine et autres Institutions Internationales qui ne voient la diaspora que dans son rôle historique de pourvoyeuse de fonds au pays d’origine. La sixième région économique est un phantasme ; l’Union Africaine nous a habitués dans le passé à des projets sans lendemain.

Nous devons donc nous pencher sur ces questions avec sérieux ; à moins que nous ne voulions donner raison à Aminata Traoré quand elle dit que "L'Afrique souffre d'une forme de crise de la pensée critique sur les questions de développement".

A la salle de répondre à cette question fondamentale.

Merci de votre aimable attention".

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