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Togo : Contribution de l’ANC pour le dialogue politique
Publié le dimanche 1 juin 2014  |  letogolais


© AFP par PIUS UTOMI EKPEI
Elections législatives 2013 : Meeting du candidat du (CST), Jean-Pierre Fabre
Mardi 23 juillet 2013. Lomé. Photo : Jean-Pierre Fabre


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DOCUMENT DE LA DELEGATION DE L’ANC : CONTRIBUTION POUR LE DIALOGUE POLITIQUE

Modification de la Constitution Togolaise en vue d’y introduire la limitation des mandats présidentiels


L’état des lieux

La Constitution togolaise du 14 octobre 1992 voté par référendum par le peuple togolais comporte en son article 59 la disposition suivante « le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats ».

En application de cette disposition, le Président GNASSINGBE EYADEMA a eu un premier mandat de 1993 à 1998 et un second mandat de 1998 à 2003.

Dans les derniers mois de son deuxième mandat, le Président EYADEMA a profité de ce que le Parlement d’alors était composé à 100% des députés de son parti le RPT, pour procéder à des modifications constitutionnelles par le vote de la loi constitutionnelle N° 002-029 du 31 Décembre 2002. Cette modification a été faite en violation de l’accord cadre de Lomé (ACL) dans lequel le Président GNASSIGBE EYADEMA s’était engagé via une déclaration faite devant le Président Jacques CHIRAC à ne pas solliciter un autre mandat.

Cette révision constitutionnelle a modifié l’article 59 de la Constitution dont la nouvelle mouture est la suivante « le Président de la République est élu au suffrage universel direct et secret pour un mandat de cinq (05) ans, il est rééligible. Le Président de la République reste en fonction jusqu’à la prise de fonction effective de son successeur élu ».

Cette modification de l’article 59 de la Constitution du 14 octobre 1992 introduite par la loi du 31 Décembre 2002, a été mise en application immédiatement, de sorte que le Président EYADEMA qui avait déjà accompli deux (2) mandats a pu se présenter de nouveau aux élections de Juin 2003 à la fin de son second mandat.


Au TOGO et dans la sous-région, les populations expriment un mouvement de ferveur envers la limitation des mandats présidentiels, parce qu’on s’est rendu compte que les Institutions démocratiques pour être pérennes, ne doivent pas se baser sur l’existence d’un seul homme et que la nécessité de l’alternance politique périodique oblige à introduire dans les différentes Constitutions de la sous-région la limitation des mandats présidentiels à deux (2) fois.

C’est ainsi qu’au cours des importantes assises de la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR), une des importantes recommandations retenues est la recommandation n° 5 qui dispose : « les réformes institutionnelles doivent notamment visées la mise en place de mesures garantissant de meilleures conditions pour l’alternance démocratique. Il s’en suit que le mandat présidentiel devra être à l’avenir, limité. A cet effet, la CVJR recommande le retour à la formule originelle de l’article 59 de la Constitution du 14 Octobre 1992…………. ».

En cela, tous les pays membres de l’UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine) à laquelle appartient le TOGO notre pays, ont introduit la limitation des mandats présidentiels dans leur Constitution, de sorte que la limitation des mandats devient un principe constitutionnel de valeur régionale ou une norme constitutionnelle minimale dans la sous-région.

Exemples :

BENIN : Constitution du 11 Décembre 1990, Article 42 : «le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq (05) ans, renouvelable une seule fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels ».

BURKINA FASO : Constitution du 27 Janvier 1997, Article 37 : « le Président du FASO est élu pour cinq ans au suffrage universel direct, égal et secret. Il est rééligible une fois ».

COTE D’IVOIRE : Constitution du 1er Avril 2000, Article 35 : « le Président de la République est élu pour cinq (05) ans au suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une fois ».

NIGER : Constitution, Article 47 : « le Président de la République est élu au suffrage universel, libre, direct, égal et secret pour un mandat de cinq (5) renouvelable une seule fois.

En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux (2) mandats présidentiels ou proroger le mandat pour quelque motif que ce soit…. ».

MALI : Constitution article 30 : « le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct et au scrutin majoritaire à deux tours. Il n’est rééligible qu’une seule fois ».

SENEGAL : Constitution dans sa dernière révision, Article 27 : « la durée du mandat du Président de la République est de sept ans. Le mandat est renouvelable une seule fois. Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire ».

Toutes ces Constitutions précisent que l’élection du Président de la République a lieu au scrutin majoritaire à deux (2) tours.


Ainsi comme on peut le voir au travers de ce rapide survol des Constitutions des pays de la sous-région, la limitation du mandat présidentiel n’est plus une question en débat, elle est devenue une clause de style dans les Constitutions de la sous-région. Il en est de même du scrutin majoritaire à deux (2) tours pour l’élection présidentielle.

La révision constitutionnelle à intervenir sera d’application immédiate

La loi de révision constitutionnelle du 31 Décembre 2002 a été immédiatement mise en application dans toute sa teneur, l’application d’aucune de ses dispositions n’aura été réservée ou différée.

Au cours des travaux des précédentes réunions consacrées aux réformes constitutionnelles et institutionnelles, un débat a malicieusement été introduit et amené sur la place publique par les adversaires de la limitation du mandat présidentiel qui soutiennent que le fait d’exiger que la modification constitutionnelle à intervenir soit d’application immédiate contreviendrait au principe de la non-rétroactivité des lois nouvelles.

En l’occurrence, il s’agit d’un faux débat ou du moins c’est par ignorance du fondement juridique du principe de la non-rétroactivité des lois nouvelles que les partisans de la non limitation du mandat présidentiel soutiennent un tel argument.

En effet, rappelons que dans tous les pays démocratiques qui se réclament de l’Etat de droit, la Constitution est la norme suprême, c’est-à-dire que dans la hiérarchie des normes légales, aucune disposition légale n’est au dessus de la Constitution.

Les Traités, les lois organiques, les lois ordinaires, les décrets et règlements doivent être conformes aux dispositions de la Constitution et non pas le contraire. Même un principe universel de droit ne pourra avoir dans un pays une valeur constitutionnelle que si ce principe est incorporé à la Constitution du pays.

C’est ainsi qu’après avoir énoncé dans le préambule dans la Constitution togolaise de 1992 que : « Convaincu que l’Etat de droit ne peut être fondé que sur le pluralisme politique, les principes de la démocratie et de la protection des droits de l’homme tels que définis par la Charte des Nations Unies de 1945, la Déclaration Universelle des Droits de l’homme de 1948 et les Pactes Internationaux de 1966, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples adoptée en 1987 par l’Organisation de l’Unité Africaine », cette Constitution consacre dans son article 50 le principe selon lequel « les droits et devoirs, énoncés dans la déclaration universelle des droits de l’homme et dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, ratifiés par le TOGO, font partie intégrante de la présente constitution ».

Au TOGO, si le Pouvoir Constituant c’est-à-dire le Peuple se prononçant par vote par référendum ou les députés représentant les 4/5 de l’Assemblée Nationale, révise les dispositions constitutionnelles, la modification constitutionnelle qui interviendra entrera immédiatement en application. Le Pouvoir Constituant peut procéder sans aucune limitation à une révision constitutionnelle applicable immédiatement et la seule limite imposée par le Pouvoir Constituant originel de 1992, est prévue dans l’article 144 alinéa 6 de la Constitution qui dispose que « la forme républicaine et la laïcité de l’Etat ne peuvent faire l’objet d’une révision ».

Qu’en est-il alors du principe de la non-rétroactivité des lois nouvelles ?

Au Togo, le principe de la non-rétroactivité des lois nouvelles résulte d’une simple disposition du code civil français tel qu’applicable au TOGO dans sa version d’avant l’Indépendance de notre pays et qui dispose dans son article 2 : « la loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a point d’effet rétroactif ».

La non-rétroactivité est le fait pour une norme juridique de ne pas prévoir que ses effets auront commencé avant son entrée en vigueur.

Ainsi défini aussi simplement, ce principe de droit civil qui n’a pas une valeur constitutionnelle n’empêche pas que les effets de la loi nouvelle s’appliquent immédiatement, surtout s’il n’a pas pour conséquence de mettre fin à des droits acquis.

De plus, en matière civile, le principe de la non-rétroactivité de la loi nouvelle contenu dans l’article 2 du code civil, a un rang législatif et une loi pouvant modifier une autre loi, le législateur peut adopter une loi dérogeant à cet article, mais a contrario cet article ne peut faire échec à une révision constitutionnelle d’application immédiate.

Si demain la Constitution togolaise venait à adopter, le principe général de rétroactivité des lois nouvelles, c’est l’article 2 du code civil qui devrait se mettre en conformité avec la nouvelle Constitution et non le contraire. C’est donc dire que le principe de la non-rétroactivité des lois nouvelles tel que prévu par le code civil n’a pas de valeur constitutionnelle.

Le seul domaine où le principe de la non-rétroactivité des lois nouvelles a une valeur constitutionnelle, c’est en matière pénale. Ce principe se décline dans l’article 11 alinéa 2 de la déclaration universelle des droits de l’homme des Nations unies qui dispose : « nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux d’après le droit national ou international. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’acte délictueux a été commis » et dans l’article 15 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques qui dispose : « nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui ne constituent pas un acte délictueux d’après le droit national ou international au moment où elles ont été commises. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. Si postérieurement à cette infraction, la loi prévoit l’application d’une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier ». Ce principe de la non-rétroactivité de la loi pénale et de l’application immédiate de la loi pénale plus douce est intégré à la Constitution togolaise par le biais de l’article 50 de notre Constitution qui a incorporé la déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies, mais aussi par le biais de l’article 19 alinéa 2 de la Constitution qui dispose « nul ne peut être condamné pour des faits qui ne constituaient pas une infraction au moment où ils ont été commis ».

Ce principe de la non-rétroactivité de la loi pénale a une valeur constitutionnelle parce qu’il s’agit de la protection des libertés individuelles. En matière institutionnelle ou électorale, il n’y a pas de libertés individuelles à protéger, il y a des conditions à établir et à respecter pour être éligible par le peuple à certaines fonctions.

En dehors de la matière pénale, le principe de la non-rétroactivité de la loi nouvelle n’a pas de valeur constante. En effet, l’article 2 du code civil ayant juste le rang de loi ordinaire comme déjà rappelé, le législateur peut à la majorité simple des membres présents à la plénière d’une session parlementaire adopter une loi dérogeant à ce principe dans les matières autres que la matière pénale. Par contre pour y déroger en matière pénale, il faut au préalable modifier les dispositions constitutionnelles qui y font référence et ce à la majorité qualifiée des 4/5 des membres composant l’Assemblée Nationale, sinon il y aurait une contradiction avec les dispositions existantes de la Constitution.



Conclusion

Il apparait clairement à la lumière de cette analyse du droit positif togolais, qu’il n’existe aucun principe universel de droit qui pourrait empêcher le Pouvoir Constituant, soit par le biais du référendum, soit par celui d’une modification constitutionnelle adoptée à la majorité qualifiée des 4/5 des membres composant l’Assemblée nationale, de modifier notre constitution pour y réintroduire la limitation du mandat présidentiel à deux (2), comme souhaité par la recommandation n° 5 de la CVJR.

Dans sa recommandation N° 004/CIP/2014 du 09 Mai 2014 sur les principes généraux d’harmonisation des systèmes électoraux dans les Etats de l’UEMOA, le comité interparlementaire de l’UEMOA considère et recommande, que la limitation du nombre de mandat présidentiel à deux constitue une norme constitutionnelle minimale dans tous les Etats membres de l’UEMOA.

Le TOGO ne doit pas se singulariser en se refusant à réintroduire dans sa Constitution la norme minimale de limitation du nombre de mandat présidentiel.

La réintroduction dans la Constitution de l’article 59 dans sa rédaction de 1992, sera une disposition constitutionnelle impersonnelle, pérenne et d’application immédiate.

C’est au moment de la validation des candidatures lors des prochaines élections présidentielles, qu’il appartiendra à la Cour Constitutionnelle de se prononcer sur les différentes candidatures au regard des conditions posées par la Constitution en vigueur.

Ainsi donc aujourd’hui, la question qui se pose est celle de savoir si les forces politiques qui composent l’Assemblée nationale veulent ou non la limitation du mandat présidentiel. C’est un problème politique, de philosophie politique de fond et de géopolitique. Il n’y a pas en l’espèce et en droit un empêchement juridique résultant des principes généraux du droit qui pourrait faire obstacle à la révision de l’article 59 de la Constitution avec application immédiate pour les prochaines élections présidentielles.


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