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Robert Dussey s’ajoute à la malheureuse liste des hommes politiques dont l’Afrique est malade (Analyse)
Publié le mardi 22 octobre 2013  |  Le Correcteur


© Autre presse par DR
Robert Dussey, nouveau ministre des Affaires étrangères et de la coopération


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Togo - Gilbert Houngbo, ancien Premier ministre du Togo, aurait dit sans hésiter que MM. Dussey a manqué l’occasion de se taire. En choisissant de parler, il s’est montré impertinent et, à la limite, provocateur. Un tissu de contre-vérités et de glose laudatrice qui a fait pâlir l’intelligentsia togolaise.
Les proclamations de M. Dussey

Jusque-là, l’universitaire et écrivain avait plutôt l’image d’un intello bon teint, réfléchi, mesuré et pertinent. Ses œuvres de fiction et de prose non romanesque ne sont pas passées inaperçues et elles ont produit l’effet de montrer M. Dussey comme une exception qui pourrait confirmer la règle de tous ces hommes politiques démagogues et propagandistes. Sa récente intervention sur Radio France Internationale (RFI) a déçu plus d’un.

Sans tact ni réalisme pertinent, M. Dussey a pris plaisir à peindre le Togo comme une Terre d’exception, une espèce de pays de Cocagne où Faure Gnassingbé serait un dirigeant à nul autre pareil. Sans risque aucun, on peut même faire une extension en faisant observer que le ministre des affaires étrangères a hésité un peu, sinon il aurait pu prêter au fils d’Eyadèma l’intention de quitter le pouvoir ici et maintenant, puisque « le souci de Faure Gnassingbé ce n’est pas de rester au pouvoir, aujourd’hui ou demain ». Du coup, on peut penser à cette vaste comédie organisée par feu Eyadèma dans les années 1970 lorsqu’il a fait annoncer qu’il allait quitter le pouvoir. La suite, on la connaît. En 2013, on n’est pas encore dans cette dynamique mais ce qui est important à retenir, c’est que M. Dussey a martelé, à deux reprises au moins que « le souci de Faure Gnassingbé, ce n’est pas de rester au pouvoir aujourd’hui ou demain ». Dans la foulée, le ministre s’improvise faiseur de roi et déclare de façon péremptoire que « si vous me demandez à moi Robert Dussey si le président se représentera en 2015, je vous dirai pourquoi pas ? ». On comprend que pour M. Dussey, bien que le souci du président ne soit pas de rester au pouvoir, il n’y a pas d’inconvénient qu’il soit candidat en 2015.

Les relations entre la France et le Togo ont été également abordées au cours de l’interview. M. Boisbouvier a dû faire de grands yeux tout ronds en entendant le ministre venu de Lomé lui dire que « les relations entre la France et le Togo sont au beau fixe » et que « le président Faure Gnassingbé a déjà rencontré le président François Hollande, pas brièvement, une trentaine de minutes à New York » pour en conclure que « il n’y a vraiment pas de problème entre la France et le Togo ».
Un autre sujet important abordé fut celui des droits humains. Le confrère de RFI a cité Le Floch Prigent pour amener M. Dussey à se prononcer sur l’impact négatif probable sur l’image du pays des accusations d’ « actes de torture commis sur des codétenus togolais ». A l’impossible nul n’est tenu, voilà la ligne de défense du ministre qui se hâte de souligner que M. Le Floch Prigent « a été bien traité quand il était au Togo ». Pis, ou mieux, M. Dussey a sonné la fin de la récréation. Pour lui « ce débat à ce sujet est déjà dépassé ».


Débat dépassé ?

Ou M. Dussey n’a pas eu le temps nécessaire pour tourner sa langue sept fois avant de donner les réponses, et il va découvrir au même moment que les Togolais que ses réponses sont tendancieuses, ou il a donné les réponses qu’il a voulues et dans ce cas, il n’est en rien distinct de ces hommes politiques dont il a dit que l’Afrique est malade. Lorsque M. Dussey dit par exemple que le sujet sur les actes de torture ou de mauvais traitements infligés aux codétenus de le Floch Prigent est dépassé, il ne mesure pas la gravité de ce qu’il dit ou défend. Que M. Dussey veuille protéger et défendre le système qu’il sert, passe, cependant il heurte les sensibilités en soutenant une position pareille. Est-il possible en effet qu’on dise aux Allemands, aux Juifs ou même aux Français que les camps de gaz sont dépassés ? On a souvenance que M. Le Pen a déclenché une vague de protestations pour avoir osé dire que les camps de gaz sont un détail de l’histoire. Dans tous les cas, il n’est pas pensable que M. Dussey veuille clore unilatéralement le débat sur le sujet. Tout au plus pouvait-il dire que des efforts sont faits pour que cela ne reste plus dans les inquiétudes. D’ailleurs, le communiqué de protestation et d’indignation de l’Association des victimes de torture au Togo (ASVITTO) est un signe que les propos de M. Dussey sont suffisamment scandaleux. L’ASVITTO trouve les propos du ministre « belliqueux » et estime que M. Dussey « s’est moqué de la communauté internationale qui ne cesse de demander la réparation » au profit des victimes des actes de torture. M. Dussey a peut-être une caution dans la récente mission des nations unies au Togo au sujet de la situation des droits de l’homme. C’est vrai que la mission a conclu à une « amélioration de la situation des défenseurs des droits de l’homme » mais cela suffit-il pour botter en touche tous les cas de violation desdits droits ? M. Dussey ne sait-il pas que Etienne Yakanou est mort en détention simplement parce qu’on a même refusé de le faire soigner convenablement ? Ne sait-il pas que Agba Bertin était gardé menotté sur le lit d’hôpital et que de tels choix n’ont rien de commun avec un Etat de droit ?

En outre, M. Dussey a déclaré fièrement qu’il ne sait pas ce que des soldats togolais auraient fait au Mali pour en être renvoyés. S’il est franc, si vraiment il ne le sait pas, il faut émettre des doutes profonds sur son statut d’intellectuel et même sur sa place dans l’Exécutif togolais. A vrai dire, c’est presque scandaleux qu’un ministre des affaires étrangères dise qu’il ignore ce qui a bien pu causer le départ précipité des soldats de son pays d’une mission internationale. Si la langue de bois va jusque-là, il faut avoir pitié de M. Dussey car cette langue de bois a jeté de l’ombre sur ses qualités intrinsèques. L’engagement des soldats togolais au Mali est salué à juste titre certes, mais leur indélicatesse a été dénoncée par tous et partout.


Faure candidat ?

Même si les Togolais personne ne sera surpris par une candidature de Faure Gnassingbé, on s’étonne cependant de l’enthousiasme de M. Dussey à proclamer l’évidence de la candidature de Faure Gnassingbé. Tout en se contredisant, le ministre a tenu à dire que puisque rien n’empêche Faure Gnassingbé d’être candidat, il doit l’être. Dans le cas d’espèce, était-il pertinent de dire au nom de Faure Gnassingbé que son souci « n’est pas de rester au pouvoir aujourd’hui ou demain » ?
On ne tergiverse pas là-dessus : Faure Gnassingbé n’a jamais eu l’intention de quitter le pouvoir. Son souci est ainsi bien de rester ad vitam aeternam dans un fauteuil où les généraux de l’armée l’ont installé de force et au prix de la vie de centaines de Togolais. Pour preuve, il n’a jamais admis la nécessité de revenir sur la constitution de 1992 dans laquelle le mandat du président était bien limité à deux fois cinq. En dépit de son engagement pris devant témoin le 20 août 2006 de faire faire les réformes constitutionnelles dont la limitation du mandat présidentiel, il a toujours fait du dilatoire pour se dérober à cet engagement. Sept années plus tard, la situation est restée intacte. Pour fuir la honte des promesses non tenues, il a fait décider au cadre de dialogue et de concertation que le mandat va être limité mais à compter de 2015. Autrement dit, il faut attendre cette année pour commencer à décompter les mandats, les deux mandats qu’il aura bouclés devant passer par pertes et profits. Est-ce là l’attitude de quelqu’un qui ne veut pas rester au pouvoir ? A monsieur le ministre de répondre.
Nima Zara

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