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Interview de Florent Geel, Responsable Afrique de la FIDH : « fortes inquitudes quant au respect des droits de l’homme pendant les élections »
Publié le mercredi 19 juin 2013  |  PA-LUNION




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Togo - Trop souvent en Afrique, les périodes électorales coïncident avec les violations massives des droits de l’homme. La Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), à l’approche des prochaines législatives au Togo, attire l’attention des acteurs politiques et des autorités publiques. Dans l’interview suivante, le responsable du bureau Afrique de la FIDH, M. Florent GEEL, ne passe pas par trois chemins pour reconnaitre que l’ambiance actuelle dans laquelle se préparent les élections n’est pas favorable à la bonne santé des droits de l’homme.

Vous êtes le responsable du bureau Afrique de la Fédération Internationale de Droit de l’Homme (FIDH). Quel regard vous vous portez, de façon générale sur la situation des Droits de l’Homme au Togo aujourd’hui ?

C’est à la fois un double regard sur la durée depuis notamment 2005, avec la violente répression qu’il y a eu en 2005, qui a fait, on s’en souvient, plus de cinq cent morts, on a une situation au Togo qui a largement évolué depuis cette époque, avec des avancées et l’abolition de la peine de mort, la mise en place d’une commission vérité justice et réconciliation. Pour autant, on constate depuis deux ans, particulièrement en un an, et puis le début de l’année 2013, un rendurcissement des autorités sur des questions de libertés individuelles, de libertés publiques, de détention, le problème majeur restant l’impunité des auteurs de violation de violation de droit de l’Homme et les pratiques encore trop larges et trop systématiques de la torture au Togo et dans les lieux de détention. On voit bien là, la puissance et le pouvoir d’une armée qui n’a pas encore été suffisamment réformée, et d’un pouvoir civil qui n’a pas encore pleinement pu contrôler une situation. Donc, un chemin qui depuis quelques années a évolué, mais qui malheureusement n’arrive pas à passer une étape nécessaire pour faire du Togo, un pays totalement libre, totalement démocratique et dans lesquelles des violations de Droits de l’Homme ne seraient plus commises, et en particulier par l’Etat. Et du coup cela polarise une situation politique qui est absolument regrettable, puisque ça radicalise les discours des uns et des autres, alors que le Togo pourrait se servir certainement de toutes les qualités, une société civile active, des élites qui sont capables de gouverner et de placer le pays en stabilité. Et malheureusement cette violation des Droits de l’Homme, cette nature même du pouvoir qui n’a pas été suffisamment reformé, empêche un développement économique, politique et sociale du Togo d’aujourd’hui.

Mais vous avez dit que le Togo a fait une évolution, mais que le dérapage a repris en ce début de l’année 2013, contrairement à ce que les défenseurs de Droits de l’Homme togolais ont commencé par dénoncer, c’est depuis deux ans ou même voire trois ans qu’ils dénoncent systématiquement des violations massives de droit de l’Homme ?

Oui, c’est-à-dire que depuis début janvier 2013, l’affaire des marchés de Lomé et de Kara a été très symptomatique et très visible et d’une ampleur quand même très conséquente et ça révèle un tout petit peu au monde entier ce qui se passe dans le pays depuis deux ans. Pour autant, effectivement la société civile, les défenseurs des Droits de l’Homme togolais, l’expriment depuis qu’un certaine nombre d’entre eux ont fait des séjours en prison ont été arrêtés ou sont sous le coup d’inculpation, et ça, c’est toujours un indicateur. Cela démontre que les Droits de l’Homme en général sont moins respectés et posent un problème général pour l’ensemble de la population. Les défenseurs des Droits de l’Homme sont un peu comme le thermomètre de la situation et défenseur des Droits de l’Homme. Quand vous vous attaquez aux défenseurs des droits de l’Homme, ça veut dire que les Droits généraux des citoyens sont attaqués ou sont en passe d’être attaqués. C’est un indicateur extrêmement fort de la situation générale des droits humains. C’est la raison pour laquelle la FIDH et l’OMCT avaient créé en 1997 un observatoire pour la protection des défenseurs des Droits de l’Homme. Malheureusement, on constate toujours que les défenseurs des Droits Humains sont toujours attaqués, harcelés, réduits au silence parfois, que ce soit en Afrique ou à travers le monde, parce qu’ils sont les dénonciateurs de ces violations des droits de l’homme et un indicateur et un baromètre fiable de l’indice du respect des Droits de l’Homme dans les pays.

Avez-vous des craintes quant au pic que la violation des Droits de l’Homme peut prendre au Togo, vu les conditions dans lesquelles se préparent les élections ?

Absolument la FIDH a de profondes inquiétudes sur des probables violations des droits de l’homme lors des prochaines élections au Togo. De votre question, je tire deux choses qui sont fondamentales. C’est violation des droits de l’homme et élections. On sait qu’en Afrique ces dernières années et au Togo spécialement, les années électorales s’accompagnent très souvent malheureusement de violation des droits de l’homme. Et malheureusement, c’est à la fois le signe d’une société vivace, d’une volonté de ne pas s’en laisser compter, une volonté aussi de démocratie, ce n’est pas le signe d’un affaiblissement, au contraire, c’est le signe qui d’un certain nombre de côté est positif, et malheureusement n’est toujours pas réglé la question de la transition du pouvoir, de la gestion du pouvoir, de façon pacifique et apaisée, ce qui produit ces violations des droits de l’homme.

Au Togo c’est très net, chaque année électorale est une année de tension et de violations des droits de l’homme, qui au lieu de nous faire avancer, nous font malheureusement un peu reculer sur le terrain du respect et de la promotion des droits de l’homme. La seule option pour sortir de ses violations des Droits de l’Homme structurels, c’est évidement d’avoir des élections libres et transparentes et apaisées, d’avoir des institutions et des contre-pouvoirs qui sont forts. Je pense notamment à la réforme nécessaire de la Commission Nationale des Droits de l’Homme au Togo, qui à un moment, a très bien joué son rôle. Il faut appliquer les décisions et les recommandations qui ont été les leurs notamment sur les questions de l’ANR, notamment sur la sanction pénale des auteurs de torture, pouvoir aussi permettre à cette commission de diligenter elle-même des procédures judiciaires etc. Il y a un certain nombre de recommandations qui étaient pertinentes, pour faire de cette commission, un vrai organe de contrôle de violations de droits de l’homme et de leur répression et permettre comme ça aux citoyens d’avoir des droits qui sont protégés, d’avoir des recours en cas de violation des droits de l’Homme. C’est un contre-pouvoir ces recours qu’il faut absolument mettre en place pour passer ce cap, et franchir ce cap pour un Togo libre, démocratique, indépendant et avec une vie politique qui soit enfin apaisée et qui permette une force de réconciliation nationale, car on sait que ces tensions politiques sont exacerbées par des visions régionalistes, voire ethnicistes qui sont toujours dangereuse pour un pays, car elles sont toujours fausses. Elles sont toujours reliées sur un repli sur soi-même que le Togo comme d’autres pays de la sous-région, d’autres pays de l’Afrique peuvent tout à fait dépassés, il n’y a pas de fatalité en Afrique. Il n’y a pas fatalité anti démocratique en Afrique, l’Afrique est entrain de changer, il faut que les dirigeants, les sociétés civiles le comprennent pour amener l’ensemble des pays africains à une démocratie mature, apaisée, dans lequel les citoyens peuvent enfin s’exprimer. Car aujourd’hui, ils le font, ils le font de plus en plus. Et donc, tous les dirigeants doivent le comprendre, l’accepter et emmener leur pays en responsabilité vers cette maturation de la démocratie africaine.

Monsieur Florent Geel, vous avez dit que les défenseurs des droits de l’Homme constituent le thermomètre des violations des droits de l’Homme. Pensez-vous que les défenseurs des droit de l’Homme au Togo s’y prennent bien dans cette lutte, surtout que certains les accusent de s’accoquiner à des formations politiques dans le Collectif Sauvons le Togo ?

C’est toujours délicat de mêler politique et défense des droits de l’Homme et le Collectif Sauvons le Togo est un genre un peu nouveau qui s’inspire essentiellement du mouvement M23 au Sénégal qui a été un fort mouvement citoyen et qui a permis de mobiliser la société pour éviter une manipulation constitutionnelle etc. L’envers de cette médaille est qu’effectivement les relations sont toujours un peu floues du coup entre mouvements politiques et sociétés civiles, et ça donne des excuses pour des accusations de mélange de genre. C’est la raison pour laquelle on pense qu’il est toujours mieux que des responsables des droits de l’Homme qui doivent être apolitiques, areligieux et indépendants de ne pas trop se mélanger aux mouvements politiques dans des structures communes. Les droits de l’Homme sont politiques, c’est évident puisqu’elle traite de la société, elle traite des lois, elle traite de la façon dont la politique est faite, mais les défenseurs des Droits de l’Homme n’ont pas vocation à prendre le pouvoir ou à gérer le pouvoir, il faut que ça soit absolument net et absolument clair. Pour autant, les tenants de défenseurs des droits de l’Homme togolais sont légitimes, ont voit bien que leurs demandes sont souvent associées à des questions de droits, de respect de Droit, de la constitution, de respect des valeurs et des principes démocratiques liés aux Droits, et pour ça, on pense qu’ils ne sont pas trop politiques dans ce sens là. Mais il est essentiel effectivement qu’une démarcation peut être plus nette puisse se faire tout en étant dans la société civile accompagner les changements dans la société tout en mettant des barrières très nettes entre les politiques et les défenseurs des droits de l’Homme au risque effectivement de se faire accuser, de jouer un peu dans les deux camps.


Est-ce un conseil de votre part pour les défenseurs des droits de l’homme au Togo ?

C’est un conseil que l’on a, que ce soit au Togo ou ailleurs. C’est pour éviter les emprisonnements, c’est pour éviter les confusions du genre, c’est pour que les gens sachent que la défense des droits de l’Homme, c’est avant tout la défense des principes et de tous les droits de l’Homme, quelque soit le camp politique, les individus, quelque soit les ethnies, quelques soit les couleurs, quelque soit les appartenances politiques, et ça, il faut que ça soit absolument très claire pour tout le monde. C’est vrai que dans ces mouvements populaires que l’on peut voir- on le voit aujourd’hui en Turquie, vous voyez que ce mouvement populaire citoyen qui demande des droits, qui réclame le respect de ces valeurs très claires, de la même intégration par exemple de la religion dans le champ politique, et bien, ces mouvements sociaux sont toujours très compliqués à départager entre revendications sociales, d’ordre politique ou revendication des valeurs universelles. C’est la raison pour laquelle il faut être absolument très clair dans ce qu’on demande. Et j’engage tous ceux qui auront des doutes à examiner très clairement les demandes qui sont faites par les défenseurs des droits de l’homme et vous verrez qu’elles sont toujours liées à des questions uniquement de droit et de respect de ces droits, au respect de la constitution, au respect des textes, à l’évolution de ces textes pour avoir plus de droits et plus de devoir en tant que citoyens. Donc, c’est vraiment le fond même de ces demandes qu’il faut se préoccuper qu’on peut voir s’il y a un défenseur des droits de l’homme. Et bien un défenseur des droits de l’homme aussi fait de la politique.

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