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Cedric Mbeng: “l’Afrique est créancière nette du reste du monde”
Publié le mardi 2 mai 2017  |  Financial Afrik




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Un nouveau livre à lire absolument:”Financer l’Afrique”. L’auteur, Cedric Mbeng, gabonais, expert des marchés financiers domestiques, revient dans ce nouvel ouvrage, aussi fouillé que les précédents, pour démontrer que, “contrairement à ce qui se dit habituellement, l’Afrique dispose, dans l’ensemble, des ressources financières nécessaires pour financer son agenda de transformation économique. Elle est créancière nette du reste du monde”. Mais comment mettre à profit cet immense potentiel ? L’expert nous a accordé un entretien depuis Abidjan, ville symbole d’une Afrique rugissante.

Le titre de votre livre est évocateur, pour vous l’Afrique ne serait pas suffisamment financée ?

C’est le ratio crédits/PIB qui est le plus corrélé à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté. Si on regarde son évolution en 1990, 2000 et 2013, on obtient pour l’Afrique subsaharienne 7,9 % ; 8,1 % ; et 36,7 % tandis que les autres régions du monde affichaient 70,3 % ; 82,6 % ; et 97,9 %. De plus, le recours au financement concessionnel via l’aide bilatérale et les partenaires au développement a été le moyen le plus utilisé par la majorité des pays africains depuis les indépendances pour financer leurs économies. On parle certes de 54 pays avec des situations différentes. Mais dans l’ensemble, les pays du continent souffrent d’un sous-financement chronique. L’ouvrage part donc d’un constat: « l’Afrique n’est pas financée ».

Le continent a connu une phase de croissance depuis les années 2000. Les pays captent de plus en plus de financements, même sur les marchés financiers internationaux. Peut-on toujours dire que l’Afrique n’est pas financée ?

Le taux d’épargne est resté très faible malgré l’entame de la période de croissance notée depuis les années 2000. Il représente environ 5-7 % du PIB dans les pays les plus pauvres et 10-13 % dans les pays à revenus faibles et moyens, sur une longue période. Or les études montrent que le taux d’investissement en Afrique est fortement corrélé avec le taux d’épargne domestique.

Dans ce cas, au regard de l’abondance de liquidités sur les marchés internationaux, l’épargne extérieure pourrait-elle être une option soutenable pour financer l’agenda de transformation des économies africaines?

Ces économies ont été les récipiendaires d’importants flux de capitaux internationaux depuis la crise financière mondiale de 2007-2008, mais il s’agit essentiellement des flux pro-cycliques, des financements de court terme en devises provenant de différentes sources notamment des fonds d’investissement, des préfinancements indexés aux cours des matières premières, etc. Il se trouve que la forme de ces ressources crée davantage des risques financiers vu qu’elles accroissent la vulnérabilité macroéconomique et financière des États.

Pour réaliser un Kondratieff (1) , il faut « dé corréler » le financement de l’agenda de transformation des économies africaines des fluctuations des marchés internationaux par une utilisation efficace des rouages des systèmes financiers formels locaux. C’est ce que les autres pays et régions du monde font depuis 300 ans.


Plusieurs pays ont su mobiliser des capitaux via les émissions des eurobonds, sur 10 ans en moyenne pour chacune des sorties avec des intentions de souscriptions importantes. Quelles conséquences à moyen terme sur les comptes publics?

Oui, j’ai tout un chapitre qui discute de cette question. Warren Buffet dit que « c’est lorsque la vague se retire que l’on voit qui se baignait sans maillot »… permettez-moi l’image. Depuis la fin du Quantitative Easing aux Etats-Unis, surtout depuis le début du resserrement monétaire de la Fed, beaucoup de ces pays ont dû reporter voire annuler leurs sorties sur le marché du fait des conditions onéreuses. De plus, comment continuer à assurer le service de la dette lorsque les recettes baissent du fait des cours des matières premières, et que la monnaie se déprécie. Donc mécaniquement les ratios de soutenabilité de la dette se détériorent. Il faudrait se préparer à payer le principal de ces dettes dans quelques années. C’est ce que j’ai appelé « eurobomb ». L’ouvrage fait des propositions au chapitre 1 pour sortir de cette situation et éviter une nouvelle crise de la dette en Afrique.

Comment y arriver, que proposez-vous concrètement dans votre livre ?



La contribution de ce livre est double. D’abord, il montre que, contrairement à ce qui se dit habituellement, l’Afrique dispose, dans l’ensemble, des ressources financières nécessaires pour financer son agenda de transformation économique. Elle est créancière nette du reste du monde. Ensuite, il met en exergue différentes approches pour approfondir les systèmes financiers domestiques ainsi que l’utilisation optimale de l’épargne locale afin de stimuler les conditions préalables d’une croissance endogène durable
Le titre de votre livre est évocateur, pour vous l’Afrique ne serait pas suffisamment financée ?

C’est le ratio crédits/PIB qui est le plus corrélé à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté. Si on regarde son évolution en 1990, 2000 et 2013, on obtient pour l’Afrique subsaharienne 7,9 % ; 8,1 % ; et 36,7 % tandis que les autres régions du monde affichaient 70,3 % ; 82,6 % ; et 97,9 %. De plus, le recours au financement concessionnel via l’aide bilatérale et les partenaires au développement a été le moyen le plus utilisé par la majorité des pays africains depuis les indépendances pour financer leurs économies. On parle certes de 54 pays avec des situations différentes. Mais dans l’ensemble, les pays du continent souffrent d’un sous-financement chronique. L’ouvrage part donc d’un constat: « l’Afrique n’est pas financée ».

Le continent a connu une phase de croissance depuis les années 2000. Les pays captent de plus en plus de financements, même sur les marchés financiers internationaux. Peut-on toujours dire que l’Afrique n’est pas financée ?

Le taux d’épargne est resté très faible malgré l’entame de la période de croissance notée depuis les années 2000. Il représente environ 5-7 % du PIB dans les pays les plus pauvres et 10-13 % dans les pays à revenus faibles et moyens, sur une longue période. Or les études montrent que le taux d’investissement en Afrique est fortement corrélé avec le taux d’épargne domestique.

Dans ce cas, au regard de l’abondance de liquidités sur les marchés internationaux, l’épargne extérieur pourrait-elle être une option soutenable pour financer l’agenda de transformation des économies africaines?

Ces économies ont été les récipiendaires d’importants flux de capitaux internationaux depuis la crise financière mondiale de 2007-2008, mais il s’agit essentiellement des flux pro-cycliques, des financements de court terme en devises provenant de différentes sources notamment des fonds d’investissement, des préfinancements indexés aux cours des matières premières, etc. Il se trouve que la forme de ces ressources crée davantage des risques financiers vu qu’elles accroissent la vulnérabilité macroéconomique et financière des États.

Pour réaliser un Kondratieff (1) , il faut « dé corréler » le financement de l’agenda de transformation des économies africaines des fluctuations des marchés internationaux par une utilisation efficace des rouages des systèmes financiers formels locaux. C’est ce que les autres pays et régions du monde font depuis 300 ans.

Plusieurs pays ont su mobiliser des capitaux via les émissions des eurobonds, sur 10 ans en moyenne pour chacune des sorties avec des intentions de souscriptions importantes. Quelles conséquences à moyen terme sur les comptes publics?

Oui, j’ai tout un chapitre qui discute de cette question. Warren Buffet dit que « c’est lorsque la vague se retire que l’on voit qui se baignait sans maillot »… permettez-moi l’image. Depuis la fin du Quantitative Easing aux Etats-Unis, surtout depuis le début du resserrement monétaire de la Fed, beaucoup de ces pays ont dû reporter voire annuler leurs sorties sur le marché du fait des conditions onéreuses.

De plus, comment continuer à assurer le service de la dette lorsque les recettes baissent du fait des cours des matières premières, et que la monnaie se déprécie. Donc mécaniquement les ratios de soutenabilité de la dette se détériorent. Il faudrait se préparer à payer le principal de ces dettes dans quelques années. C’est ce que j’ai appelé « eurobomb ». L’ouvrage fait des propositions au chapitre 1 pour sortir de cette situation et éviter une nouvelle crise de la dette en Afrique.

Comment y arriver, que proposez-vous concrètement dans votre livre ?

La contribution de ce livre est double. D’abord, il montre que, contrairement à ce qui se dit habituellement, l’Afrique dispose, dans l’ensemble, des ressources financières nécessaires pour financer son agenda de transformation économique. Elle est créancière nette du reste du monde. Ensuite, il met en exergue différentes approches pour approfondir les systèmes financiers domestiques ainsi que l’utilisation optimale de l’épargne locale afin de stimuler les conditions préalables d’une croissance endogène durable.



C’est un résultat majeur qui devrait interpeller les décideurs politiques du continent. Quel est le niveau des ressources disponibles ?

Malgré un secteur informel dominant, on estime les fonds propres de catégorie 1 des banques commerciales africaines de l’ordre de 100 milliards de dollars et une capacité de crédits bancaires de plus de 1 000 milliards de dollars, disponibles sur le continent. Le total des actifs de l’industrie des assurances est d’environ 300 milliards de dollars EU avec 71 et 8,3 milliards de dollars pour les primes collectées par les compagnies d’assurance et de réassurance respectivement. Il y a plus de 400 milliards de dollars EU pour les fonds de pension et 121 milliards de dollars pour les fonds souverains. L’industrie de la gestion d’actifs regorge d’environ 634 milliards de dollars. La collecte des impôts et taxes est maintenant d’environ 520 milliards de dollars par an, etc. L’ouvrage fournit les références de toutes ces statistiques.



Mais est-ce que cela suffit pour financer l’Afrique, quels sont les besoins ?

Si on prend le secteur des infrastructures qui a des effets multiplicateurs sur la compétitivité des économies, la statistique la plus connue est « 93 milliards de dollars annuel ». En prenant en compte les montants déjà décaissés par les gouvernements et les banques multilatérales, il reste à trouver environ 50 milliards de dollars par an pour combler le gap dans ce secteur. Ça c’est inférieur au niveau de flux financiers illicites qui quittent le continent chaque année, environ 50-60 milliards de dollars. Le continent a perdu plus de 1 000 milliards de dollars du fait de ces transactions au cours des 50 dernières années, c’est l’équivalent de l’aide publique reçue par l’Afrique sur la même période.

On dépense environ 48 milliards de dollars annuels dans l’importation de produits alimentaires alors que nous avons 60% des terres arables dans le monde. Les ressources disponibles sont suffisantes et le potentiel est encore beaucoup plus important du fait de la structure de la population africaine. C’est ici où le dividende démographique est un accélérateur de l’accumulation de l’épargne.

Pouvez-vous être plus explicite sur ce dernier point ?

C’est un changement dans la structure de la population qui voit réduire la part des « inactifs » et augmenter celle des actifs, favorisant ainsi la production de richesses tout en minimisant le poids des dépenses. Donc il y a 3 phénomènes qui se conjuguent (1) les personnes âgées restent en nombre limité ; (2) le nombre de jeunes (dépendants) commence à diminuer ; et (3) le nombre d’actifs est très important. Ce mouvement s’opère sous nos yeux actuellement sur le continent. C’est précisément pendant cette période qu’il faut développer les instruments d’épargne comme l’assurance vie et mettre des fonds de pensions en place. Ces derniers pourraient accumuler l’épargne de ces actifs pendant au moins 40 ans sans avoir la pression des économies matures. A la suite des réformes du Nigéria dans ce secteur, le total des actifs de ses fonds de pensions n’a cessé de croître d’environ 30% par an depuis 2004.

Il y a le poids de l’informel qui pèse sur nos économies. N’est-ce pas là un facteur limitant pour les caisses de retraites?

La transformation de nos économies passe par l’innovation. On peut être dans le secteur informel et vouloir bénéficier d’une retraite. Il y a des mécanismes pour cela. On doit sortir des schémas administratifs traditionnels. Le vendeur de poisson peut accepter de cotiser un montant donné chaque mois pour assurer un certain niveau de retraite. C’est plus facile de le faire dans les systèmes de retraites par capitalisation que par répartition.

Selon vous, pourquoi les pays africains ne mobilisent pas davantage ces capitaux domestiques pour financer les énormes besoins de l’économie réelle?


L’histoire de la gestion économique de nos Etats depuis les années 1960 n’est pas restée sans effet, le réflexe est de recourir au financement extérieur. Lisez les plans/stratégies de développement ou émergence de nos pays, il y a rarement un volet «approfondissement des systèmes financiers locaux », très souvent « investisseurs » signifie « investisseurs étrangers ». Mais quel investisseur avisé prendrait un risque sur le long terme dans un secteur où les locaux n’interviennent pas ?

Les chiffres que je viens d’indiquer donnent le vertige. Mais au lendemain des indépendances, la plupart des pays africains avaient hérité de systèmes financiers rudimentaires, plus archaïques que ceux des pays européens d’avant le Moyen-âge. Cette situation a perduré jusqu’aux années 1990 dans de nombreux pays. Le défi pour la plupart des pays est de transformer le système financier en véritable moteur du développement inclusif.

Les économies où l’on peut emprunter régulièrement à 20 ans sur le marché obligataire domestique sont l’Afrique du sud, le Maroc, le Nigéria et dans quelques cas le Kenya. 4 pays sur 54 après plus de 50 ans d’indépendance pour la majorité des pays. C’est inadmissible !

Comme indiqué, l’Afrique c’est 54 pays, il y a des disparités, n’est-ce pas un frein au financement domestique ?

Oui, en effet il y a d’énormes disparités entre pays. L’Afrique australe, l’Afrique du Nord et le Nigeria sont les principaux réservoirs financiers du continent. Les marges de progression sont énormes pour les autres pays au regard de la faible inclusion financière constatée. En effet, le taux moyen de pénétration de l’assurance n’est que de 3,6 % ; le taux moyen d’accès aux services financiers n’est que de 36 % ; les réformes des pensions ne concernent que quelques pays ; le taux d’épargne formel est inférieur à 20 % ; etc.
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