Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Le Togo    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Économie
Article



 Titrologie



Autre presse N° 001 du

Voir la Titrologie

  Sondage


 Nous suivre

Nos réseaux sociaux



 Autres articles


Comment

Économie

La chronique de Pierre Delval : quand protectionnisme et contrebande font bon ménage
Publié le mardi 27 juin 2017  |  Financial Afrik


© aLome.com par Edem Gadegbeku et Parfait
Lancement des premières Journées portes ouvertes sur les commissionnaires agréés en douanes au Togo
Lomé, le 18 janvier 2017. Hôtel Ibis Lomé Centre. Du mercredi 18 au vendredi 20 janvier, l’Union des Professionnels Agréés en Douanes (Uprad) ouvre les portes du métier de commissionnaire en douanes au grand public.


 Vos outils




 Vidéos

 Dans le dossier


L’Afrique subsaharienne est la seule région du monde où l’extrême pauvreté augmente depuis 1990. La récession au Nigéria, la stagnation sud-africaine, mais aussi les conditions climatiques, la situation sécuritaire et l’instabilité politique pourraient être autant d’explications au marasme global africain.


Certains des pays les plus touchés pèsent sans doute sur les perspectives économiques continentales. Mais pour les experts locaux, la réponse semble plus simple. Ce serait l’échec du libre- échange, du pillage des ressources par les multinationales et les politiques d’ajustement structurel imposées par le FMI ou la Banque mondiale. Ce constat n’est pas sans intérêt. Même s’il prête son flanc à la critique. Car, en définitive, contrebalancer tout cela au profit d’un protectionnisme sans conditions reviendrait à encourager des commerces souterrains suicidaires.

Comme tout le monde le sait, dans les années 1990 le continent africain est entré de plain-pied dans la mondialisation. Vingt sept ans plus tard, l’Afrique est ballottée entre deux schémas: libéralisation et protectionnisme. Dans un premier temps, l’ouverture économique de ces quinze dernières années a permis une croissance rapide, l’arrivée de multinationales… Dans un second temps, plus récent et porté par quelques pays comme l’Éthiopie, le Kenya, le Nigeria ou encore l’Afrique du Sud, des États mettent en place des mesures protectionnistes pour faciliter l’essor de leurs champions nationaux.


Plus qu’un rejet de la mondialisation dans ces pays, il s’agit surtout d’une question stratégique pour booster les entreprises locales. Pourtant Makhtar Diop, Vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique, semble être opposé aux mesures de repli économique.

«Dans les moments de crise, il y a un réflexe protectionniste parce que l’on croit que c’est la solution, mais toutes les évidences montrent que le commerce international a été un facteur de développement ».


Il est vrai que la pauvreté persistante tient essentiellement à de mauvaises politiques de redistribution des revenus, notamment dans les pays où le baril était au plus fort de sa cotation. Quant aux barrières protectionnistes, dans le passé, de nombreux Etats ont fait le constat amer qu’il était bien difficile de les supprimer quand tout allait mieux. Faites entrer les groupes d’intérêts et vous aurez toutes les chances de les voir défendre becs et ongles leur pré carré, au détriment de l’économie nationale !

Mais au-delà de ces considérations partisanes, le bilan est sans appel. Le fléau de la contrebande s’amplifie lorsqu’un pays mène une politique protectionniste. Or, nous savons tous la contrebande florissante en Afrique.

Les raisons sont multiples : des frontières artificielles nationales héritées de la période coloniale, des liens ethniques transcendant les frontières, les carences des douanes, et la mise en œuvre des politiques économiques divergentes entre pays voisins, créent ainsi des incitations et un marché pour le commerce souterrain et ses organisations mafieuses. Les stratégies protectionnistes n’ont rien fait pour arranger cet état de fait. Bien au contraire. Les politiques commerciales successives de nombreux pays ont joué un rôle majeur dans le développement de la contrebande, puisqu’elles servaient à la fois la protection des industries locales et l’augmentation des recettes fiscales. Plusieurs Etats ont d’ailleurs mis l’accent sur des stratégies commerciales basées sur la substitution aux importations, tout en mettant en place des barrières aux importations avec des tarifs douaniers et des restrictions quantitatives très élevées.

Tout ceci s’est soldé par un frein au développement du commerce en Afrique et un encouragement aux trafics les plus sauvages. Le cas du Sénégal en fut un exemple frappant dans les années 2000.

Comme dans plusieurs autres pays africains, la majorité des activités manufacturières sénégalaises qui ont résisté à la libéralisation s’est spécialisée dans les produits de première nécessité comme la farine, le sucre ou l’huile (14% du panier du consommateur des classes pauvres). La production locale était censée se substituer aux importations. Mais le gouvernement a du faire face à un dilemme cornélien : sauvegarder les emplois dans ces secteurs tout en fixant des prix peu élevés pour préserver le niveau de vie des sénégalais. Par conséquent, les autorités publiques, qui subissent en permanence d’énormes pressions des consommateurs pour maintenir un prix bas, n’ont pas eu d’autres choix que de rechercher des des compromis entre un prix raisonnable et la défense des intérêts des producteurs locaux. Pour beaucoup de sénégalais, le prix «raisonnable» reste toujours trop élevé et n’a pas d’autres alternatives que de regarder ailleurs.

La Gambie voisine, relativement plus libérale que le Sénégal, a très tôt été une issue commerciale évidente pour les plus démunis et les prédateurs de tout acabit. Les décalages notés entre les prix du détail en Gambie et au Sénégal sont des facteurs de «pousse au crime». Le cas du textile/habillement est tout à fait agravant. Selon une étude menée par l’équipe universitaire du Professeur Ahmadou Aly Mbaye au Centre de recherches économiques appliquées de la Faculté des sciences économiques et de gestion (FASEG), le secteur du textile a connu au Sénégal en 2000 un niveau de production de l’ordre de 48,7 milliards FCFA. Dans le même temps, les importations officielles se sont chiffrées à 20,9 milliards, alors que selon les dépenses des ménages, le secteur du textile/ habillement se chiffrait à 126 milliards pour la même période. Selon cette même étude, le niveau d’importations frauduleuses aurait été de l’ordre de 72,6 milliards FCFA.

Ainsi, uniquement sur le textile, la contrebande et les autres infractions à l’importation (essentiellement les fausses déclarations sur la nature des importations) représentaient environ 57% de la consommation totale au Sénégal. Quant aux pertes des recettes fiscales, elles avaient représenté à l’époque sur une année 14,53 milliards FCFA.

Cette politique protectionniste a eu raison de l’industrie textile locale qui a finalement presque disparu. Ainsi, non seulement la protection a largement contribué à rendre inefficaces et peu compétitives les entreprises qui en ont bénéficié. Mais elle a aussi favorisé, dans une large mesure, la contrebande massive ainsi que toutes les fraudes à l’importation, embarquant avec elles l’augmentation des prix, la baisse des rentrées fiscales et surtout la disparition de pans entiers de l’industrie locale. Comme le concède Makhtar Diop, «Il faut trouver un équilibre», notamment en laissant aux secteurs naissants le temps de pouvoir se mesurer à la concurrence étrangère.

Mais, toujours selon le Vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique, la priorité est d’approfondir les échanges, spécialement entre pays africains. Serait-ce la clé du déclin de la contrebande ? A en juger par les échanges illicites entre le Nigéria et le Bénin, on peut en douter. Tant que la cohésion fiscale par région ne sera pas établie et les contrôles des marchandises aux frontières sérieusement appliqués, le Golfe de Guinée et la zone sahélienne continueront leur commerce parallèle.

Le Nigeria parle de protectionnisme pour relancer son économie en récession, mais cet immense pays continue d’inonder son voisin béninois en essence de contrebande. Un trafic à grande échelle entretenu par les producteurs illégaux du Delta du Niger. L’essence de contrebande représenterait plus de 75% de la consommation béninoise. Bien que réputée être de mauvaise qualité, ce produit s’est imposé sur le marché en raison de son prix, plus de 20% en-dessous du marché.

Dans ces conditions, pas facile d’éradiquer une activité qui nourrit des milliers de familles, malgré toutes les stratégies dissuasives envisagées par le Bénin. Ainsi donc, les pays africains ont encore beaucoup à imaginer pour accroître les échanges intra-régionaux, tout en limitant le commerce parallèle, ses fraudes et sa contrebande. Pour l’instant, à l’instar de ce qu’affirme Makhtar Diop, le compromis doit être recherché.
... suite de l'article sur Autre presse


 Commentaires