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Dockers : «Ces esclaves» du Port autonome de Lomé
Publié le lundi 10 juillet 2017  |  Focus Infos


© aLome.com par Parfait
Port autonome de Lomé un jour ouvrable
Lomé, le 29 septembre 2015. Zone portuaire de la principale ville de la République togolaise.


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Un métier éprouvant et à risques, pour un salaire de misère


Ils contribuent à la notoriété du Port Autonome de Lomé (PAL). Ces « forces de la nature » constituent la cheville ouvrière des activités qui s’y déroulent. Appelés dockers, ces ouvriers font de la manutention manuelle des marchandises sur les navires et les caboteurs, ou sur les quais, les wagons et les camions, ou encore dans les entrepôts. Ils font la navette entre les navires et les hangars, sur le dos ou sur la tête, des sacs de riz, de ciment ou d’autres produits. Un métier très éprouvant pour une rémunération misérable. Bienvenue dans le monde des «esclaves modernes» du riche PAL.

Trois types de dockers au port de Lomé coexistent au PAL : les professionnels, les occasionnels et les journaliers. Les premiers au nombre de 571, sont recrutés par le Service de la Main d’œuvre du Port (SMOP) et mis à la disposition des différentes directions. Ils sont tenus, sauf motif valable, d’être présents sur les lieux de travail. Ils peuvent, en cas de nécessité, devenir des agents permanents. Les dockers professionnels bénéficient, pour le travail par vacation, d’une priorité absolue d’embauche sur les ouvriers occasionnels.

Les 1082 dockers occasionnels, sont formés sur le tas. Ils peuvent devenir, quant à eux, professionnels dans la limite du nombre fixé par le comité de gestion du SMOP. Ce nombre est révisable suivant les fluctuations du trafic.



Entre ces deux groupes, se trouve une vague intermédiaire de dockers dits les journaliers. Ils sont au nombre de 1394. Il y a à peine un mois 1500 nouveaux recrus ont été ajoutés à ce groupe. Contrairement aux deux premiers, ils n’ont pas droit au badge bien que tous font le même travail. Payés par pointage, ils constituent une main-d’œuvre d’appoint à laquelle il n’est fait appel qu’en cas d’insuffisance des dockers mis à la disposition de la direction d’exploitation. Ils ne sont pas tenus de se présenter à l’embauche tous les jours au port, et sont donc libres de vaquer à d’autres occupations.

Pour travailler au PAL, les dockers doivent être immatriculés par le SMOP qui leur délivre une carte lorsqu’ils en remplissent les conditions : être âgé de 20 ans au moins et de 30 ans au plus, n’avoir jamais été condamné à une peine afflictive et infamante, être reconnu apte par le médecin-chef du port.



CONDAMNeS A VIVRE COMME DES CLOCHARDS



Le travail de docker est un métier pénible. Un docker transporte par exemple 14 palettes de sacherie ce qui équivaut à 500 sacs par deux personnes ; 10 palettes dans le frigo bord (chambre froide) par deux personnes ; 800 sacs par 4 personnes pour charger deux camions nettes. . De fait, et en raison de la nécessité pour le port d’assurer une activité permanente, l’organisation tourne autour de 3 vacations. Une du jour qui va de 06h à 14h00, puis celle de 14h00 à 22h. Les deux sont rémunérées à 3600 FCFA environ. Celle qui va de 22h à 06h est payée à 4600FCFA, soit une majoration de 25%. Celle-ci est de 100% pour les jours fériés.

Ce niveau de salaire explique la situation de précarité dans laquelle végètent la quasi-totalité des dockers, obligés de se tuer à la tâche, au propre comme au figuré.


Aloessoudé 33 ans, père de famille, docker occasionnel depuis 6 ans témoigne : « Depuis 2011 jusqu’à présent, ma situation n’a guère évolué. Mon statut n’a pas non plus changé et je ne suis pas déclaré à la caisse de sécurité sociale. Je n’ai pas de salaire. S’il n’ y a pas de bateau, je n’ai pas de travail. Il faut donc tous les jours venir ici et prier pour qu’il y en ait qui accoste et qu’on nous appelle. Le déplacement me coûte 600 FCFA quotidiennement, alors que le PAL ne nous rembourse que 100 FCFA. Je n’arrive donc pas à entretenir ma famille avec mes revenus d’ici. Je suis obligé de faire du zémidjan en empruntant la moto d’un ami, pour avoir des revenus complémentaires. »


Kossi GOVON, quinquagénaire, est lui un occasionnel et père de 5 enfants. Docker depuis 17 ans, il a vécu un drame en 2002. Des sacs se sont écroulés sur lui, lui faisant perdre toutes ses dents de devant. Sans qu’il n’y ait eu prise en charge, malgré les promesses. Comme les autres, il confie ne pas arriver à s’occuper de sa famille, ni même à scolariser ses enfants. « Mais n’ayant pas d’autres alternatives, je viens toujours au port » explique-t-il.

La situation sociale n’est guère meilleure pour la catégorie des professionnels. A cette nuance près qu’eux sont normalement déclarés à la caisse nationale de sécurité sociale et bénéficient de pensions une fois à la retraite. Celles-ci varient cependant de 8000FCFA à 10.000 FCFA, après ….30 ans de service.

De fait, on croise tous ces hommes squattant les hangars du SMOP pour se reposer en journées ; l’accès en soirée étant interdit. Dans leurs dos, des sacs contenant leurs habits de rechange. La nuit tombée, ils trainent sur les quais ou aux abords des accostages. En ces temps de pluie, il est encore plus périlleux pour les dockers de se trouver un lieu de refuge.

Pour s’alimenter, ils se contentent bien souvent de maïs frais (aboda) qu’ils arrivent parfois difficilement à se payer et accumulent des dettes auprès des revendeuses.

«Certains dockers viennent d’Agoè, Togblékopé, Tsévié etc. Ils restent ici une semaine sans rentrer chez eux. Lorsqu’on les appelle d’urgence à la maison parce qu’il y a rien à manger, ils viennent vous solliciter en larmes » confie un responsable du SMOP. « Nous assistons parfois à des scènes de ménage sur le site. Certaines femmes viennent s’en prendre à leurs maris venus travailler ici depuis plusieurs jours, sans avoir laissé un peu de sous à la maison. Leurs épouses, acculées par les dettes et obligées de nourrir les enfants, débarquent parfois pour réclamer de quoi tenir » raconte un docker professionnel.

Et de poursuivre : « Chaque jour ou presque chaque semaine, nous réglons des problèmes de créances des dockers, soit avec les femmes qui vendent ici ou leurs propres femmes. Généralement, ces dockers restent ici permanemment. Ils ont élu domicile au SMOP, il n’y a même pas de chambre. Ils dorment à la belle étoile et à la merci du vent marin et de la poussière. Ils n’ont même pas de douche appropriée. La latrine qu’ils utilisent laisse à désirer. Pourtant, ce sont ceux-là même qui font vivre l’un des poumons économiques du Togo, qu’est le PAL. Sans les dockers, on ne peut charger, ni décharger les navires », affirme-t-il amer.

Insécurité

La sécurité est quasi inexistante dans le travail de ces ouvriers. Ils travaillent sur le quai ou aux autres postes sans équipements adéquats. Ils n’ont ni gants, ni casques, ni chaussures de sécurité ni même gilet et encore moins d’équipements de sauvetage ; ce qui explique les accidents de travail avec parfois des morts par noyade. « Des équipements de sécurité sont donnés au personnel de bureau au détriment des dockers », déplore Kouak Gilbert, Secrétaire Administratif du Syndicat des dockers du Togo (SYDOCKT), qui annonce en moyenne trois accidents tous les jours dans la zone portuaire.

«La plupart du temps, quand surviennent ces accidents, les ambulances viennent tardivement au secours des blessés qui sont souvent transportés sur les palettes avec le chariot à l’hôpital », a déclaré le Secrétaire général de SYDOCKT M. GBEDESSI Dometo Kouéssan.



Même si l’employeur a souscrit une assurance de groupe pour les dockers, quand survient un accident, la compagnie d’assurance est introuvable laissant les frais à la charge du port ou du blessé. Tel est le cas du jeune Elékonawa, docker journalier, qui en 2013, a reçu un sac de riz et a eu un choc au niveau des reins. Suite aux opérations, sa vessie est déchirée.

«Actuellement, il porte des couches. Il nous avait dit qu’il préfère se suicider et qu’il ne voit plus son importance dans cette vie. Il ne peut plus travailler ni rester debout. Ce cas est un dossier qui traine depuis son accident alors qu’il est père de trois enfants. Nous voulons que l’entreprise dédommage ces gens-là. Les accidents sont fréquents ici. Nous sommes sur un terrain à haut risque », a expliqué M. GBEDESSI qui a également confié que plus de 200 dockers inaptes travaillent toujours au port, faute de pouvoir bénéficier de la prise en charge des accidents de travail.
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