Au Togo, la violence semble faire partie du jeu politique. A la veille de consultations électorales ou lors de proclamations de résultats provisoires, on marche, on casse, on brûle le macadam et on s’entretue, parfois par centaines. Consubstantielle au régime du général Eyadéma, cette violence, devenue une culture politique, est née lors des revendications démocratiques lancées dans les rues de Lomé à partir des années 90. Et la répression militaire est passée ici de sa dimension sélective et ciblée frappant des dissidents politiques ou supposés tels à une dimension massive.
Depuis cette date, le Togo s’est installé dans la durée dans une spirale de violences. On se souvient encore de cette consultation électorale de 2005 où de nombreux Togolais sont passés de vie à trépas pour avoir seulement voulu exprimer une opinion contraire à l’hymne entonné par le clan Gnassingbé. C’est vrai qu’entre la férule mortifère du père et la patrimonialisation du pouvoir érigée en système de gouvernement par le fils, Faure, il y a un léger mieux en matière de respect des droits de l’homme. C’est un peu pour tout cela qu’à l’annonce de la tenue des législatives du 25 juillet dernier, bien d’observateurs du landernau politique de ce petit pays de 56 000 km2 redoutaient une résurgence de la violence. Finalement, hormis les sempiternels coups de gueule, compréhensibles en pareille circonstance, tout s’est bien passé, comme sur des roulettes.
Du moins jusqu’à l’heure où nous tracions ces lignes. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’au vu des résultats provisoires, le parti au pouvoir, le RPT du père, rebaptisé UNIR par le fils, que l’on croyait avachi, au creux de la vague et fini, s’en tire honorablement en réussissant à conserver son leadership sur l’échiquier politique. Dans une Assemblée nationale de 91 élus, l’UNIR surfe sur une tendance de 61 députés contre 19 à son farouche opposant, Jean Pierre Fabre, qui, avec son collectif «Sauvons le Togo», pourrait détenir désormais le titre de chef de file de l’opposition.
Pour réussir à garder la tête hors de l’eau, le parti au pouvoir n’a pas fait dans la dentelle, écartant tous les fossiles politiques de l’ère RPT en faveur de jeunes aux compétences reconnues. Ce changement générationnel dans la classe politique togolaise a été plus que bénéfique au jeune Faure. Comme d’habitude, chacun voit midi à sa porte, et en l’absence de consultations électorales, les hommes politiques et autres politiciens à la petite semaine épiloguent sur leur capacité de mobilisation, leur popularité au sein de l’électorat.
A la lumière de ces résultats, mêmes partiels, chaque politique togolais peut se faire une idée précise de sa vraie représentativité et travailler si besoin est à l’améliorer. C’est peut-être pour cela que désormais, doté de sa toute nouvelle légitimité, le remuant Jean Pierre Fabre peut se frotter les mains pour avoir donné une belle leçon à Gilchrist Olympio qui avait préféré rejoindre avec femme, enfants et sympathisants le pouvoir moyennant de nombreux portefeuilles ministériels pour ses partisans. Avec moins de cinq élus dans la future Assemblée, le quasi octogénaire Gilchrist, dont le groupe parlementaire comptait naguère des dizaines d’élus, apprendra à ses dépens sur le tard qu’on ne se joue pas impunément du peuple. Voilà donc l'opposant historique rattrapé par ses multiples flirts avec le pouvoir ; une cinglante humiliation pour le leader de l'UFC, qui entame alors au soir de sa vie politique, si ce n'est de sa vie tout court, une descente aux enfers.