Rien n’arrête décidemment les pilleurs de la République. Cette fois, ils jettent leur dévolu sur la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) avec la complicité active de son Directeur général, Koffi Kadanga Walla. Le patrimoine de la Caisse est détourné dans une hypothétique société immobilière. Un grand scandale financier dans lequel on retrouve les mêmes insatiables Walla, Barry Moussa Barqué, Yao Kanékatoua, Mey Gnassingbé. Ainsi que des nouveaux venus comme Jean-Daniel Setho, ancien PDG de la CFAO et l’épouse de l’actuel ministre de l’Enseignement supérieur, Octave Nicoué Broohm.
En attendant le scandale
Créée au début des années 1970, la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) était un établissement de droit public doté de la personnalité civile et de l’autonomie financière. Mais afin de responsabiliser davantage les partenaires sociaux dans la gestion de la CNSS et affirmer le droit régalien de regard de l’Etat dans la gestion de l’institution, des réformes ont été menées et ont abouti à la redéfinition du cadre institutionnel et juridique de la Caisse nationale de sécurité sociale. Ainsi par la loi N°2001-016 du 29 novembre 2001, la Caisse nationale de sécurité sociale du Togo (CNSS) est devenue un établissement de droit privé, chargé d’une mission d’utilité publique. Selon ces nouveaux textes, la CNSS est administrée par un conseil d’administration de douze membres élus par les représentants des employeurs régulièrement déclarés à la Caisse et à jour de leurs cotisations d’une part et par les représentants des organisations syndicales les plus représentatives d’autre part.
La gestion des cotisations sociales amène la CNSS à faire des placements des réserves sous diverses formes comme les placements immobiliers. Les placements immobiliers sont réalisés sous la forme d’achat d’immeubles ou de constructions de logements et d’immeubles destinés à la vente ou à la location. C’est ainsi que la CNSS a, depuis sa création, construit 369 pavillons à la Résidence du Bénin – d’où le nom Caisse qui est donné à ce quartier résidentiel -, 192 pavillons et 24 appartements à la Résidence de Baguida (Cité de Baguida), 23 pavillons à la Résidence de Kara Téloudè, et 99 pavillons de grand standing à la Résidence du Bénin dans le cadre du sommet de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) tenu en 2000 à Lomé.
Jusque-là, rien d’anormal. Par ces initiatives, la CNSS fructifiait les fonds issus des cotisations sociales afin de répondre promptement aux sollicitations des travailleurs déclarés. De même, toutes ces jolies bicoques de la Résidence du Bénin, de Baguida et de Kara ont été construites sans que la CNSS ait besoin de créer une quelconque société immobilière. Mais aujourd’hui, le tout jeune Directeur général Koffi Kadanga Walla – il est toujours au poste bien qu’étant admis à la retraite depuis 1998 – a décidé de créer une société immobilière avec une bonne partie du patrimoine de la Caisse. Sachant qu’il ne peut plus tenir longtemps, il s’échine à assurer ses arrières avec la création de la Société d’exploitation et de gestion immobilière (SEGIM). Un projet tordu dans lesquels sont embarqués tous les pilleurs de la République qui ont sur leur doigt l’anneau de Gygès.
SEGIM pour vider la CNSS
« Depuis 1970, la Caisse Nationale de Sécurité Sociale du TOGO (CNSS) a réalisé plus de 685 pavillons répartis sur l’ensemble du territoire togolais. Pour répondre à une demande de plus en plus croissante de logements par des résidents comme des non résidents relevant de la diaspora togolaise en Afrique, en Europe et aux USA, la CNSS initie un projet de construction de 309 pavillons de grand standing. RESERVEZ DES MAINTENANT ». Tel est le message qu’on découvre sur le site Internet de la CNSS (www.cnss.tg) avec le logo de la SEGIM. On y voit aussi les plans de ces bâtisses qui vont être construites à la Résidence du Bénin. Mais omerta sur le cadre juridique et institutionnel de cette société. Tout a été présenté comme si la SEGIM appartient exclusivement à la CNSS.
En effet, la Caisse nationale de sécurité sociale doit, pour la réalisation de ce projet, offrir les 250 lots de terrains qu’elle possède à la Résidence du Bénin. Le coût total de ces 250 lots est estimé à 1 milliard FCFA, c’est-à-dire qu’un lot est vendu à SEGIM à 4 millions. Quelle magouille monstre ! Même à Djagblé, le lot de terrain ne se vend pas à 4 millions. Selon plusieurs géomètres et démarcheurs, le lot dans la zone résidentielle est vendu entre 100 et 120 millions de FCFA. Ceci étant, si le prix d’un lot est de 100 millions, la CNSS devra récolter 25 milliards de FCFA.
En plus de cet apport en lots de terrain estimé à un milliard de la CNSS au lieu de 25 milliards, le DG Walla a fait rapatrier 6 milliards de FCFA sur les placements de la Caisse à l’étranger. Une opération qui continue de susciter des inquiétudes. « Avec ce projet, la Caisse risque de faire face à d’énormes difficultés financières. L’opération de rapatriement des fonds qui sont placés en Europe ne s’est pas fait dans la transparence. Mais personne ne peut en parler de peur de s’attirer la foudre du DG », confie un cadre de la CNSS qui a requis l’anonymat.
Nonobstant ces apports massifs, la CNSS n’est pas l’actionnaire principale de la Société d’exploitation et de gestion immobilière. Pourquoi ? La réponse est donnée par un de ces magiciens du droit qui pullulent dans le marécage financier togolais. Un notaire du nom de Dosseh explique que les statuts de l’OHADA ne permettent pas à la CNSS d’avoir des filiales de ce genre. Un argument qui est loin de convaincre ceux qui s’opposent à ce projet. En outre, beaucoup d’argent sont mis à contribution pour corrompre la plupart des membres du Conseil d’Administration afin que la couleuvre puisse être avalée. Même le nouveau ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, John Siabi Kwamé-Kouma Aglo, très proche de Broohm, ancien Président du Conseil d’Administration de la CNSS, a été capté par le « miel » de Walla.
Avec les 6 milliards et les 250 lots de terrains bradés à 1 milliard, la CNSS ne détient que 45% des actions de SEGIM. Les principaux actionnaires majoritaires sont le groupe des « argenvores » du Togo, c’est-à-dire des gens qui ne nourrissent que d’espèces sonnantes et trébuchantes. Ceux-ci font partie de la minorité qui accapare les richesses du pays selon les propres termes du chef de l’Etat. L’éternel DG de la CNSS est le principal actionnaire avec 57 millions de FCFA, suivi du Conseiller spécial du Président de la République, Barry Moussa Barqué avec 47 millions. Ce dernier est un véritable tonneau de Danaïde qui ne se remplit jamais. Il y aussi Yao Kanékatoua, ancien DG de la BTCI qu’il a siphonnée et actuel DG de l'Office du patrimoine immobilier du Togo à l'étranger, et Mey Gnassingbé, demi-frère du chef de l’Etat et Chargé de mission à la Présidence. Pour contrarier les opposants à la SEGIM, Walla et sa bande présentent le fils que le Général Eyadema mettait à l’époque sur sa table d’Evala comme le représentant du chef de l’Etat. Une façon de dire que Faure Gnassingbé est associé à cette délinquance financière. Les autres actionnaires sont Jean-Daniel Setho, ancien PDG de la CFAO qui a offert 10 millions ainsi que certains directeurs de département de la CNSS. Ce monde détient 53% des actions.
Les 2% qui restent, sont pris par le secteur privé. Et c’est à ce niveau qu’on retrouve la femme du ministre Octave Nicoué Broohm, ancien ministre du Travail et de la Sécurité sociale et PCA de la CNSS.
Comme on le voit, le DG Walla épinglé au début des années 2000 par la Commission de Lutte contre la Corruption et le Sabotage Economique présidée par un certain Follivi Assiongbon mais qui est toujours à son poste, reste le principal actionnaire bien que la CNSS ait déjà apporté argent et 250 lots de terrains. « C'est un pillage systématique de la Caisse qui est organisé. La SEGIM est une société personnelle du DG. N’oubliez pas aussi que c’est lui qui va gérer les 45% des actions de la Caisse », ajoute ce même cadre de la CNSS. Si rien n’est fait pour arrêter ce scandale, la Caisse nationale de sécurité sociale risque de sombrer et d’anéantir les efforts de tant de jours. C’est donc le lieu d’interpeller le chef de l’Etat ainsi que les institutions de Bretton Woods et la BAD. Par ailleurs, il nous revient que les travaux de construction de ces 209 pavillons pourraient être exécutés par CENTRO, une autre société de la mafia togolaise. Affaire à suivre.