La 78ème session ordinaire du Conseil des Ministres de la CEDEAO qui s’est tenue à Monrovia (Libéria) les 1er et 2 juin 2017 a adopté une directive relative au développement d’infrastructures hydrauliques en Afrique de l’Ouest. Cette nouvelle directive entre donc en vigueur à partir de ce jour sur l’ensemble du territoire des pays de la CEDEAO.
L’adoption de la directive par la CEDEAO est une étape importante pour la construction de meilleurs barrages. Les États devront la transposer dans leurs législations, en principe dans un délai de trois ans. Cette adoption est le résultat d’un dialogue régional sur les grandes infrastructures hydrauliques initié par la CEDEAO en 2009, qui a vu une forte mobilisation de la société civile.
«La directive régionale encadre la conception et la construction des barrages, son objectif est de faire en sorte que les considérations d'ordre écologique, économique et social soient davantage prises en compte dans la mise en œuvre de projets transfrontaliers d'infrastructures hydrauliques en Afrique de l'Ouest afin de garantir leur viabilité et assurer le développent durable de notre région», Ibrahim B. Wilson, Directeur du Centre de Coordination des Ressources en Eau de la CEDEAO.
La mise en application de cette directive de la CEDEAO devra permettre d’obtenir ces changements à travers des mesures concrètes, visant notamment la recherche d’options alternatives aux projets qui conduiraient aux mêmes objectifs économiques tout en réduisant les impacts sociaux et environnementaux. Elle soutient aussi la généralisation de l’évaluation environnementale stratégique sectorielle (hydroélectricité, énergie, irrigation, etc.) ou régionale (au niveau d’un bassin).
Elle demande clairement des cadres juridiques et procéduraux plus robustes pour garantir le partage des bénéfices (terres agricoles, électricité, eau potable, pâturages, zones de pêche, etc.) avec la protection des droits des populations affectées. Enfin, elle prône une plus grande transparence et une meilleure information pour renforcer la concertation et la collaboration entre les parties prenantes, et en particulier la participation effective des populations affectées aux prises de décision en toute connaissance de cause.
«Pour garantir une bonne application de la directive, un effort de veille et de contrôle doit être assuré. Pour ce faire, la coopération entre les différentes parties prenantes est essentielle. Le rôle de la société civile est déterminant. Le Centre de coordination des ressources en eau de la CEDEAO devra être le garant de la poursuite de ce processus de dialogue qui demandera l’établissement de partenariats multi acteurs durables. » Jamie Skinner, Directeur de la Global Water Initiative.
Environ 150 grands barrages sont construits à ce jour en Afrique de l’Ouest et 40 supplémentaires sont en projet ou en cours de réalisation, principalement dans les bassins des fleuves Niger, Sénégal, Volta et Gambie. Les évaluations économiques existantes montrent que les résultats sont mitigés. Les rendements économiques (quand les évaluations existent) sont généralement bons pour l’énergie, mais faibles pour l’agriculture, à cause d’hypothèses de faisabilité trop optimistes dès le départ. Les effets néfastes importants et sur le long terme de ces ouvrages sur l’environnement et les sociétés locales interpellent.
"L’adoption de cette directive est le fruit d’un processus long et participatif soutenu par l’UICN dès le début car, si d’une part il est préférable d’investir dans les infrastructures naturelles et les services écosystémiques qui en découlent, d’autre part il est absolument nécessaire d’améliorer les standards des grandes infrastructures hydrauliques pour en limiter les impacts sociaux et environnementaux négatifs", Pr Aimé J. Nianogo, Directeur régional de l’Union internationale pour la conservation de la nature.
La réalisation des trois ouvrages structurants sur le fleuve Niger (Fomi en Guinée, Kandadji au Niger, Taoussa au Mali) déplacera près de 150.000 personnes. Les bouleversements sociaux qui en découlent devront être encadrés par des outils juridiques et un accompagnement social solides qui garantissent que les droits des communautés locales sur leurs terres et les ressources naturelles associées sont compensés de manière juste.
Les gouvernements, ainsi que les investisseurs privés, qui ne respectent pas ces droits, courent le risque d’accroitre la pauvreté et de provoquer des conflits liés à la gestion de l’eau et des ressources connexes. Et ces risques ne restent pas limités au niveau local. La plupart de ces ouvrages hydrauliques ont en effet un caractère transfrontalier avec des implications sur l’ensemble des territoires des bassins hydrographiques et sur les pays concernés.