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Quand la littérature nous éclaire sur le trafic d’uranium entre la France et l’Afrique
Publié le lundi 2 octobre 2017  |  Jeune Afrique


© aLome.com par Edem Gadegbeku & Parfait
Dernier panel des Side Events en marge du Sommet extraordinaire de l`UA du 15 octobre
Lomé, le 14 octobre 2016. Site des Side Events. 10ème panel des évènements parallèles aux travaux du Sommet du 15 octobre consacré à la "Coopération interétatique en matière maritime": Jean-Yves Le Drian, ministre français de la Défense.


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Comment faire connaître au plus grand nombre les complexes affaires de trafic d’uranium entre la France et l’Afrique ? Deux livres récents s’y attellent avec un point commun : le style romanesque.

Depuis trois décennies, la vie professionnelle d’Eva Joly est guidée par une seule obsession : combattre les affaires de corruption transnationale. Dans cette lutte, elle a multiplié les angles d’attaque. Juge d’instruction, en France, elle a tout fait pour coincer, au début des années 1990, les responsables de la compagnie pétrolière Elf, caisse noire de la Françafrique. Au sein de la Commission européenne, ou encore de l’Agence norvégienne pour le développement, pays dont elle est également ressortissante, elle a aussi livré bataille contre cette hydre. Sa candidature pour le parti des Verts lors de l’élection présidentielle française de 2012 relevait du même engagement. « J’ai passé beaucoup de temps à me battre, confie-t‑elle. Mais j’ai bien vu qu’on n’y arrivait pas… »

Alors cette amatrice de polars a décidé d’utiliser une autre arme : la fiction. Avec l’aide de sa complice, la journaliste et écrivaine Judith Perrignon, animée du même sentiment de révolte, elle vient de publier French Uranium. « L’objectif était de se servir de la rapidité du polar pour montrer le fonctionnement de ces systèmes de corruption qu’Eva connaît parfaitement », explique l’ancienne journaliste politique du quotidien français Libération.

Le résultat est un roman policier vif et entraînant, détaillant une gigantesque manipulation des cours de l’uranium africain, et ce entre les deux tours d’une élection présidentielle française. On voyage entre les hôtels de Lagos, une grande banque new-yorkaise et les cercles du pouvoir français. « Ce décor tranquille, prospère et raffiné, qui ne tient que par la violence que l’on pratique ailleurs », écrivent-elles. Les personnages sont les mêmes que ceux de leur premier roman, Les Yeux de Lira (2011), une journaliste-hackeuse russe, un superflic nigérian prêt à tout ou encore un avocat français. Mais on y croise aussi des figures étrangement familières, comme cet ancien président français vieillissant à la tête d’une fondation, ou encore l’un de ses successeurs, qui « aimait bien la compagnie des journalistes, leur parler en off, leur envoyer des textos à pas d’heure et mesurer son influence dans les papiers du lendemain ». « Ce n’est pas un roman à clé, prévient toutefois Judith Perrignon. Nous voulions décrire le fonctionnement de ces circuits sans parler d’une affaire précise. »

Une affaires d’uranium

Comment séduire le lecteur et l’amener à comprendre les complexes circuits financiers du commerce de l’uranium entre la France et l’Afrique ? Le romancier Vincent Crouzet s’est posé la même question en faisant le chemin inverse. Ancien collaborateur des services secrets français, il s’est servi de ses expériences passées, notamment en Afrique australe et dans les cabinets ministériels, pour nourrir ses quatre premiers romans d’espionnage. Et puis, un jour de 2009, un excentrique milliardaire indo-pakistanais, Saifee Durbar, l’a entraîné dans une affaire bien réelle : Uramin. La thèse qu’il lui expose, documents à l’appui, est que l’achat de la société minière canadienne Uramin par Areva, en 2007, dissimule une vaste opération de corruption. L’entreprise publique française du nucléaire a acheté à prix d’or (2,5 milliards d’euros) des mines – notamment en Centrafrique et en Namibie – qui se sont révélées inexploitables : leur concentration en uranium était trop faible et la logistique trop coûteuse.

Selon l’auteur, la direction d’Areva – incarnée à l’époque par Anne Lauvergeon – en était pleinement consciente. Cet argent était simplement destiné à rémunérer des intermédiaires, affirme-t‑il. « J’étais un peu coincé, se souvient Crouzet. Durbar m’avait donné beaucoup d’informations. J’avais de quoi lever un lièvre. Mais l’affaire n’était pas encore médiatisée : aucune enquête n’avait été ouverte, et j’avais encore quelques préventions. J’ai donc décidé de romancer l’histoire et d’en faire une fiction… »

Un livre en plein scandale d’État

Radioactif sort en 2014 chez Belfond, la publication coïncidant avec l’ouverture d’une enquête du parquet national financier – un « soulagement » pour Crouzet, qui y voit la confirmation de la crédibilité de ses pistes. Les instructeurs de la brigade financière seront d’ailleurs parmi ses lecteurs les plus attentifs : en juin 2014, ils le convoquent pour qu’il témoigne. « Une première pour un romancier », s’amuse-t‑il.

Il en a même romancé certains aspects afin de protéger l’anonymat de ses sources.

Conforté dans sa démarche, Vincent Crouzet franchit un cap avec Une affaire atomique, paru cette année. Les noms des acteurs (Areva, Lauvergeon, Durbar, et un bon nombre de figures de la Françafrique) sont cette fois mentionnés dans ce récit à la première personne. Pour autant, ce livre efficace n’est pas un essai. Crouzet a conservé un style de polar pour les besoins de la narration. Il en a même romancé certains aspects afin de protéger l’anonymat de ses sources – une postface détaille d’ailleurs les éléments de fiction introduits.

Le résultat est séduisant. Mais, sorti en pleine campagne présidentielle, il n’a pas eu pour l’instant l’écho escompté. « Il est question de sommes sans commune mesure avec les salaires de Penelope Fillon, dont on a parlé pendant des mois », s’agace Crouzet. Pour lui, Areva a activé ses réseaux, notamment dans la presse et la communication, afin d’en réduire l’impact. « L’avocat de Mme Lauvergeon, Jean-Marc Fedida, a écrit à mon éditeur pour le mettre en garde contre la publication du livre ! » s’étrangle-t‑il. « Les livres de Vincent Crouzet sont restés confidentiels, et c’est malheureux, renchérit Eva Joly. Cela en dit long sur le fonctionnement de notre État… »

L’affaire Elf

Peut-être manque-t‑il pour l’instant à ces affaires le détail qui tue, celui qui scandalise l’opinion.
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