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Hausse des tarifs des produits pétroliers et suppression des subventions : De la nécessité d’une concertation inclusive pour instaurer l’incontournable vérité des prix
Publié le mardi 21 janvier 2014  |  Telegramme228


© Autre presse
Mawussi Djossou Sémondji, ministre de la Planification


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La hausse des prix des produits pétroliers décidée jeudi dernier par le Gouvernement continue de susciter des réactions de désapprobation de la part des associations de consommateurs, des syndicats de transporteurs et des automobilistes. Très virulentes les premiers jours qui ont suivi la hausse, les critiques se sont quelque peu estompées pendant le week-end sans doute pour reprendre de plus bel
cette semaine.

Les arguments avancés par le gouvernement pour justifier sa décision peinent à convaincre les associations de consommateurs, mais semblent difficilement attaquables sur le fond. D’ailleurs, la discrétion observée du côté des partis politiques d’opposition, semble révélatrice d’un embarras certain.

Dans son communiqué, le gouvernement fait valoir l’évolution des cours mondiaux du pétrole et le coût de plus en plus exorbitant du mécanisme de subventions mis en place pour limiter les incidences des fluctuations des cours sur les prix à la pompe et préserver le pouvoir d’achat des populations. Selon le ministre de la Planification, Mawussi Djossou Sémondji, l’Etat togolais aurait consacré pas moins de 40 milliards de francs CFA en 2013 pour subventionner les produits pétroliers.

Dans tous les pays du monde, même les plus développés, la hausse des prix des produits pétroliers est toujours un exercice impopulaire, voire périlleux pour les pouvoirs en place. La hausse des prix pétroliers induit toujours un effet d’enchainement qui se traduit, dans la plupart des cas, par un phénomène de hausse généralisée des prix à la consommation. C’est dire que les réactions de mécontentement enregistrées suite à la dernière hausse décidée par le gouvernement n’ont rien de surprenant et seraient même légitimes.

Mais, au-delà de ces mécontentements réels ou feints et des tentatives de récupération politique, tout le monde semble s’accorder sur le fait que la hausse des prix pétroliers est un mal nécessaire qui devait intervenir à un moment ou un autre.

En effet, la dernière augmentation des prix des produits pétroliers date de Juillet 2011, il y a donc plus de deux ans. Le mécanisme automatique d’ajustement mis en place pour le calcul des prix réels à la consommation en fonction des fluctuations a été volontairement mis en berne par le gouvernement et n’a pas fonctionné depuis plus de deux
ans.

D’ailleurs, ce que les associations de consommateurs reprochent au gouvernement, c’est moins le bien fondé de la hausse que le déficit de communication et le manque de concertation autour de la question. «Nous n’avons pas été associés à cette augmentation, c’est la surprise totale. Il est vrai que depuis quelques mois, la rumeur courait sur une éventuelle augmentation des produits pétroliers mais nous regrettons que cela ne s’est pas fait dans les bonnes conditions, sans aucune information aux organisations de consommateurs et des partenaires sociaux », a déclaré Aladjou Agouta de l’Association Togolaise des Consommateurs (ATC) qui ajoute : « Ce n’est pas un acte encourageant de la part des autorités. Il fallait informer les gens et donner les raisons de cette augmentation avant de le faire ».

Le gouvernement pouvait-il annoncer cette décision longtemps à l’avance ou engager des concertations sur le sujet sans provoquer un mouvement de spéculation ? La question mérite d’être posée, d’autant plus que certains analystes n’hésitent pas à tenir ces mouvements spéculatifs pour responsables de la montée permanente des cours mondiaux.

Le Togo n’est pas le seul pays importateur net de produits pétroliers à se trouver confronté à la problématique des prix des produits pétroliers. La seule façon de ne pas augmenter les prix est de continuer à subventionner. Mais, ces subventions se font à fonds perdus. C’est pourquoi le FMI et la Banque Mondiale font pression sur les gouvernements africains, y compris le gouvernement togolais, pour qu’ils cessent de consommer leurs maigres ressources à subventionner, à fonds perdus, les produits pétroliers.

Reprenant les arguments classiques du FMI, les partisans de la suppression pure et simple des subventions considèrent que ces subventions faussent les comportements de consommation qui n’achètent pas le produit à son prix réel et perturbent le bon fonctionnement des marchés en raison des obstacles qu’elles constituent à la concurrence et à la libre entrée sur ces marchés. Ces arguments vont plus loin en considérant que les subventions incitent à court terme à une surconsommation de carburants et freinent, à moyen et long termes, la diffusion des économies d’énergie par l’achat d’équipement plus efficaces sans oublier les distorsions de prix qu’elles introduisent entre pays riverains, lesquelles distorsions peuvent également aboutir au développement d’une contrebande transfrontalière néfaste aux économies nationales.

Sur le plan purement comptable, on ne peut que donner raison à ces arguments et aux recommandations qui en découlent. Mais sur le plan social, la faisabilité de ces mesures pose problème et la plupart des gouvernements y ont renoncé, la jugeant trop périlleuse. La décision du gouvernement togolais de ne pas appliquer le mécanisme d’ajustement automatique témoigne des difficultés liées à l’application des mesures de suppression totale des subventions préconisées par le FMI.

Sur ce plan, les associations de consommateurs ont tout à fait raison de pointer du doigt le déficit de communication gouvernementale sur le sujet. On n’entend parler de ces subventions qu’au moment des hausses.
En réalité, la subvention des produits pétroliers profite plus aux plus nantis qu’aux populations les plus défavorisés. Cependant, il n’est pas du tout certain que les économies réalisées grâce à une éventuelle suppression partielle ou totale des subventions soient utilisées au profit des populations les plus démunies.

Il y a un vrai débat à ouvrir sur la question des subventions des prix des produits pétroliers. Il va devenir de plus en plus difficile à l’Etat de continuer à subventionner les produits pétroliers à fonds perdus. Il faudra à un moment ou un autre aller vers la vérité des prix. Mais, souvent, pour des raisons électoralistes, les politiques ont peur de poser ce genre de débat. Quelle est la nomenclature exacte des prix des produits pétroliers ? Quel est le prix réel que devrait payer le consommateur final, s’il n’y avait pas de subvention ? A quel usage seraient destinées les économies réalisées suite à une
suppression partielle ou totale des subventions ?

Toutes ces questions doivent donner lieu à un vaste débat national parce que la question intéresse tous les Togolais. Lorsque tout sera mis sur la table, alors, les acteurs concernés, le gouvernement, les politiques, les associations de consommateurs, les industriels, etc… pourraient parvenir à des consensus et à des décisions avec un calendrier de réalisation.


Quelques pays sont parvenus, sinon à la supprimer, tout au moins à réduire significativement les subventions sur la base d’un principe simple consistant à offrir une compensation aux plus affectés par les hausses des prix.

C’est ainsi qu’au Ghana par exemple, en contrepartie d’une augmentation du carburant de 50%, les droits d’inscription à l’école primaire et secondaire ont été supprimés, les transports en commun développés et des zones rurales électrifiées.

En Jordanie, pour calmer la grogne sociale suite à une augmentation des prix des carburants, le gouvernement a accordé une forte augmentation du salaire minimum et a procédé au versement de primes aux retraités et aux salariés du public les moins bien payés. De plus, le tarif social de l’électricité a été étendu.

Au Gabon, pour compenser une hausse des prix des produits pétroliers, l’Etat a instauré la gratuité de l’inscription à l’école et des livres scolaires et a procédé à l’extension des transports en commun.

En Indonésie, l’Etat a dû débourser une aide financière exceptionnelle à plus de 19 millions de familles pauvres touchées par une hausse des prix des produits pétroliers.

Au Mozambique, les capitaux libérés suite à la suppression des subventions aux produits pétroliers ont été affectés à des programmes sociaux.

Tout le monde convient qu’il n’y a pas de recette universelle; mais le Togo peut trouver sa propre solution pour transférer la charge que représentent les subventions sur des secteurs plus rentables et plus efficaces dans la lutte contre la pauvreté. Les politiques doivent avoir le courage de poser le problème de la vérité des prix des produits pétroliers et de la suppression à terme des subventions dans le cadre d’une action concertée et inclusive avec tous les acteurs concernés.

D.D / F.S, Lomé



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