Des heurts entre manifestants, qui réclament le départ du président Gnassingbé, et forces de l’ordre ont fait quatre morts mercredi 18 octobre. Cet éditorialiste burkinabé craint que le pays plonge dans le chaos, et plaide pour que pouvoir et opposition trouvent un terrain d’entente.
Faites vos jeux, plus rien ne va ! Encore combien de morts pour que le pouvoir et l’opposition comprennent que le Togo est en train de devenir un cimetière à ciel ouvert pour ses propres enfants ?
En tout cas, les démons de la violence et de la haine aveugles ont refait surface, et mis en transe ce pays où la politique, surtout par le biais des élections, se transforme en véritable poudrière dont les déflagrations endeuillent en masse.
Au nom d’un retour à la Constitution de 1992 [qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels] et de la manifestation de ras-le-bol d’une partie du peuple contre le règne cinquantenaire et sans partage de la famille Gnassingbé, le Togo s’est embrasé après un cycle de marches et de meetings qui perdurent depuis quelques mois. [Faure Gnassingbé a succédé à son père Eyadema Gnassingbé, au pouvoir de 1967 à 2005.]
L’escalade de la violence, dont la comptabilité macabre ne fait qu’enfler, n’est visiblement pas près de s’arrêter, car en face les partisans du pouvoir de Faure Gnassingbé apportent un soutien indéfectible aux réformes lancées par celui-ci pour limiter désormais à deux les mandats présidentiels [il s’est montré favorable à une limitation des mandats, à condition qu’elle ne s’applique qu’à partir de l’élection suivante, ce que refusent les manifestants]. Il veut aussi instaurer une élection présidentielle à deux tours et encourager le vote de la diaspora togolaise [le gouvernement a promis d’organiser un référendum sur ces réformes d’ici la fin de l’année, mais l’opposition doute de sa bonne foi].
Des positions de plus en plus tranchées dans chaque camp
Le dialogue de sourds qui s’est établi entre les deux parties ne fait que monter le mercure sociopolitique, fièvre qui a déjà occasionné plusieurs morts, de nombreux blessés, et des interpellations musclées dont l’armée togolaise a le secret.
Les perspectives ne poussent pas à l’optimisme sur l’issue de cette énième crise, car les positions sont de plus en plus tranchées, et les facilitateurs peu nombreux à pouvoir ramener tout le monde à la table des négociations.
Même l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) a vu son envoyée, la controversée Aïchatou Mindaoudou, récusée par l’opposition. [Lors de la crise de 2005, qui fit 500 morts selon l’ONU, elle avait été accusée de prendre fait et cause pour le régime Gnassingbé alors qu’elle était ministre des Affaires étrangères du Niger, pays qui assurait à ce moment-là la présidence de la Cédéao, organisation régionale ouest-africaine].
La Cédéao, l’Union africaine et bien d’autres personnalités qui pourraient s’essayer au rôle de médiateur dans cette crise ne semblent pas non plus avoir la confiance de cette frange de Togolais décidés à chasser Faure Gnassingbé du pouvoir.
La communauté internationale se désolidarisera-t-elle pour autant du sort des Togolais qui ne savent plus à quel saint se vouer, aucun arbitre jugé impartial n’ayant pu émerger du lot pour diriger ce match décisif entre le pouvoir de Faure Gnassingbé et une partie de son opposition ?
Intérêts égoïstes des politiques
Les lendemains ne sont guère prometteurs au Togo, d’autant plus que l’armée, qui a toujours eu une coloration nordiste, donc proche du pouvoir, a souvent joué le mauvais rôle. Sous prétexte de faire respecter la loi, les forces de défense servent en fait les intérêts du régime en place, au détriment d’un peuple qu’elles sont censées protéger.
Le Togo est simplement en train de toucher le fond, à moins que dans un dernier sursaut patriotique les politiques tournent le dos aux intérêts égoïstes et très personnels qu’ils défendent en se cachant derrière la défense de la Constitution et de la démocratie.