L’actualité politique au Togo faite de soubresauts organisés par l’opposition, nous commande de revisiter brièvement un pan de l’histoire de notre pays pour identifier en partie les causes profondes de nos vicissitudes.
Il n’est pas superflu d’insister, une fois encore, sur le fait que l’apprentissage de la démocratie est une œuvre de longue haleine et de constante vigilance faite de tolérance, de modération, bref, de consensus, dans l’intérêt général.
Mais, avant d’aborder certains aspects source de nos divergences et de nos antagonismes exacerbés de tout temps, nous devons d’abord situer la place qu’occupe l’armée dans notre existence depuis l’indépendance.
Et pour mieux nous faire comprendre, nous voulons paraphraser Jean-Paul SARTRE qui a dit dans un essai titré L’existentialisme est un humanisme : citation « Nous entendons par existentialisme une doctrine qui rend la vie humaine possible et qui, par ailleurs, déclare que toute vérité et toute action impliquent un milieu et une subjectivité humaine… » fin de citation.
Ceci étant, revenons à un fait historique que tous les historiens togolais répugnent à évoquer parce que le père de l’indépendance, mort en martyr, est une icône, un intouchable et son image, pour rien au monde, ne doit être entachée par une quelque révélation, même si celle-ci était vraie.
Mais pour nous, la vérité historique qui est têtue ne doit, sous aucun prétexte, être escamotée.
Ceci, pour dire que Sylvanus OLYMPIO était viscéralement un antimilitariste. Cet homme n’aimait pas les militaires. C’est pourquoi, à aucun moment, il n’a pas associé un militaire à la lutte pour l’indépendance. Il a ainsi et dès le départ, dressé un mur de séparation entre le peuple togolais et les militaires. Il a poussé le bouchon très loin.
Au point que le Togo avait accédé à l’indépendance sans une armée au sens propre du terme. Pire, il avait toujours cherché à humilier les militaires chaque fois que l’occasion lui est donnée. OLYMPIO n’aimait pas les militaires. Cette propension à la détestation des militaires lui a finalement coûté la vie. Et depuis, les Togolais qui prenaient ses paroles comme des vérités d’Evangile et qui n’ont jamais digéré sa mort, ont toujours considéré indistinctivement les militaires comme des criminels. C’est pourquoi les militaires et le peuple se regardaient en chien de faïence. Ce n’est pas les militaires qui sont contre le peuple. C’est les Togolais qui considèrent les hommes en kaki comme des brutes, des machines tout juste bonnes à tuer. Si bien que les Togolais se méfient et rejettent instinctivement tout ce qui est militaire.
L’assassinat de Sylvanus OLYMPIO père de l’Indépendance, a renforcé les Togolais dans cette conviction et le gouffre s’est élargi entre le peuple togolais et l’armée.
Aujourd’hui, on dénonce le pouvoir dynastique de Faure GNASSINGBE et on cherche à accréditer la thèse selon laquelle Faure a dressé l’armée contre peuple.
C’est un faux problème qui relève des calculs politiciens. Ceux qui tiennent ces propos ont tout simplement peur de cibler les militaires qui l’ont mis au pouvoir dès l’annonce du décès de son père.
Les Togolais sont généralement réfractaires à certaines vérités et refusent de d’admettre des actes douloureux qui nous pénalisent.
Le gouver-nement provisoire formé le 16 janvier 1963 par Nicolas GRUNITZKY après la mort de Sylvanus OLYMPIO le 13 janvier, était composé comme suit :
– Nicolas Grunistzky
Chef du Gouvernement Provisoire
Ministre des Affaires Etrangères, de l’Intérieur et de la Défense Nationale
– Antoine Méatchi
Ministre des Finances, des Travaux Publics, des Transports, Postes et Télécommunications
– Salomon Atayi
Ministre de l’Economie Rurale
– Hermann Messavussu
Ministre du Commerce, de l’Economie et de la Justice
– Me Noé Kutuklui
Ministre des Affaires Sociales, du Travail et de la Fonction Publique
– Dr Valentin Vovor
Ministre de la Santé
– Pana Ombri
Ministre de l’information
Ce qu’il faut retenir :
Après l’assassinat de Sylvanus OLYMPIO, l’Etat-Major général du Comité Insurrectionnel comprend : Emmanuel Bodjollé, adjudant-chef de l’Infanterie togolaise, chef du Comité Insurrectionnel ; Klébert Dadjo, chef de bataillon, chef des armées ; Janvier Chango, premier adjoint ; Etienne Eyadema, deuxième adjoint. C’est ce comité qui avait décidé d’appeler Nicolas GRUNITZKY de Cotonou où il résidait à l’époque pour lui confier le pouvoir avant le référendum et les élections qui avaient suivi pour le confirmer.
Après le renversement de Nicolas GRUNITZKY le 13 janvier 1967, c’est finalement l’armée qui avait placé Etienne EYADEMA à la tête du Togo le 14 Avril 1967. EYADEMA n’était pas devenu Président de la République parce que le Togo était une dynastie mais parce qu’il avait rendu service à la France.
Faure non plus n’est pas issu d’une dynastie. Il est le produit d’un accident de l’histoire et il a été aidé en cela par l’armée. Nous devons donc abandonner la proie pour l’ombre. Car, c’est cette antipathie générale envers l’armée qui a fait que les militaires ont quitté la salle FAZAO au moment de la Conférence Nationale. C’est le même phénomène qui a empêché Gilchrist d’accéder au pouvoir en 1998.
Nous devons surtout comprendre que l’armée, c’est une histoire, puisqu’elle a la sienne propre. C’est aussi une culture. L’anti-militarisme de Sylvanus OLYMPIO nous a fait beaucoup de torts. Nous devons sortir de ce guêpier, une fois pour toute.
Nous devons briser le mur psychologique de la méfiance envers nos frères militaires. Autrement, notre pays ne se normalisera jamais. L’antipathie envers les militaires est notre talon d’Achille.
Actuellement, l’atroce assassinat des deux militaires à SOKODE a créé le choc parce que la décapitation a provoqué la réprobation générale des populations.
Au demeurant, l’opposition avait voulu passé ce dossier en compte perte et profit. En vain, ils ont tenté de noyer le poisson, mais rien n’y fit.
Nous comprenons les tentatives de rattrapage de l’opposition qui cherche manifestement à caresser les militaires dans le sens du poil.
Le Professeur WOLOU Komi, Secrétaire Général du PSR, essaie maladroitement d’apprendre aux militaires leurs devoirs. Malheureusement, un aspect essentiel lui échappe. Les forces de sécurité qui sont chargés du maintien de l’ordre, n’ont jamais reçu l’ordre de leur hiérarchie de lancer des grenades lacrymogènes dans les maisons ou dans les chambres. Si ces genres de dérapages se produisent, c’est en fonction des réalités auxquelles ils étaient confrontés et surtout de la configuration du terrain.
Est-ce que le Pr WOLOU a une fois pris le temps d’interroger un militaire ou un gendarme ou encore un policier après une opération de maintien d’ordre ? S’il s’était livré à cet exercice, il comprendrait beaucoup de choses et ne s’amuserait pas à publier des déclarations à l’intention de l’armée comme s’il était devant des étudiants réunis dans un amphithéâtre.
Nous devons tous nous investir pour améliorer nos relations avec nos frères militaires. Tout ce que WOLOU raconte dans sa déclaration ne correspond pas à la réalité. Les militaires sont confrontés sur le terrain à des agressions, à des injures, à des brimades et finalement, à la décapitation.
Nous devons tous éviter de nous livrer à la démagogie et faire des déclarations creuses, à l’emporte-pièce. Le Pr WOLOU doit faire l’effort d’approcher nos frères militaires et apprendre d’eux. Oui, les militaires ont beaucoup à nous enseigner. Contrairement à ses illusions, les militaires ont leurs propres difficultés liées à leur métier. Il faut les connaitre pour mieux appréhender leur situation.