par Thierry Amougou
Macroéconomiste hétérodoxe du développement. De nationalité camerounaise, Thierry Amougou est professeur-chercheur à l'université catholique de Louvain en Belgique.
La singularité des événements et leur non reproduction à l’identique est le propre de l’historique.
Tribune. Celui-ci se veut en outre capable de nous fournir des matériaux illustratifs d’événements extraordinaires, dont il vaudrait mieux éviter une occurrence contemporaine, tellement leur réalité historique fut atroce, morbide, dévalorisante sur le plan identitaire, et consécrateurs d’un naufrage de l’humanité. La traite des noirs est de cet acabit et, l’Afrique, du triste gotha des terres meurtries par l’exploitation de l’homme par l’homme.
Qui aurait pu imaginer qu’en 2017, l’Afrique dont le sang huila la machinerie du système mercantiliste, pouvait à nouveau vivre la traite des Noirs, non du fait d’un ailleurs qui entre chez elle par effraction et impose l’homme comme combustible à la production de la richesse capitaliste, mais au-dedans d’elle-même ? Oui, en 2017, des Africains du Sud du Sahara font l’objet d’une vente aux enchères publiques en Libye. A qui la faute ?
Certains, avec raison, évoqueront la destruction de la Libye et sa livraison au totalitarisme jihadiste, suite à l’assassinat de Kadhafi par l’Otan. D’autres, non moins fondés, insisteront, tant sur les rendements humainement décroissants d’une Europe forteresse, sur la démocratie à la canonnière de Bernard-Henri Lévy, que sur les accords léonins entre l’Italie et l’actuel Far West libyen. Mais, volens nolens, cet écheveau de causes, aussi robuste qu’il puisse être, n’épuise pas la problématique de la faillite anthropologique que représente la résurgence de la traite des noirs en Afrique en 2017.
L’idée de l’Union africaine, à notre humble avis, souffre dès ses origines d’un déficit d’un projet anthropologique fort. Depuis 1963, les textes fondateurs du panafricanisme exaltent la libération du continent, mais restent cois sur les droits inaliénables et les droits aménageables du nouvel Homme africain.
La conséquence de cette aboulie anthropologique dans le panafricanisme, est qu’un continent qui a fait l’expérience de la traite arabe pendant sept siècles et celle du commerce triangulaire pendant cinq siècles, n’ait pas dans la charte de son projet de renaissance, des engagements sacro-saints qui interdisent de façon contraignante l’esclavage, et assortissent cette interdiction de dispositifs contraignants qui s’imposent de façon supranationale à tous les Etats.... suite de l'article sur Jeune Afrique