Par décret pris en conseil des ministres le 23 Novembre 2017 à Lomé, le Gouvernement togolais a mis en place une nouvelle structure dénommée Cellule Présidentielle d’Exécution et de Suivi des Projets Prioritaires.
Il ressort du communiqué ayant sanctionné les travaux du conseil que cette cellule est un « instrument de performance » dans l’exécution des projets prioritaires, à travers la réalisation de projets concourant au bien-être des populations togolaises.
« Dans le but de réaliser davantage des projets concourant au bien-être des populations togolaises et dans la continuité des efforts déjà entamés, le gouvernement togolais ambitionne la création de milliers d’emplois décents sur les cinq prochaines années dans divers secteurs productifs de l’économie. TONY BLAIR INSTITUTE est une organisation à but non lucratif, créée par l’ancien Premier Ministre britannique, ayant pour objectif de partager les dividendes de la mondialisation avec le plus grand nombre de personnes. L’institut opère aujourd’hui dans une douzaine de pays en Afrique, en mobilisant les experts travaillant en étroite collaboration avec les gouvernements dans une approche intégrée, sensible au contexte local. Il adopte une démarche de co-création avec le gouvernement en proposant des solutions appropriées à des défis propres au Togo. L’équipe du TONY BLAIR INSTITUTE a pour mission de renforcer les compétences, les systèmes et les structures nationales qui sous-tendent la réalisation et l’ancrage institutionnel de ces projets. Cela se traduit par une politique de formation des jeunes talents togolais.
Dans ce cadre, certains jeunes togolais sont déjà en formation au siège de l’Institut en Ethiopie.
Outre la formation d’excellence, ils bénéficieront également à leur retour au Togo, d’un coaching personnalisé jusqu’à ce qu’ils atteignent un niveau de performance leur permettant d’être mobilisés dans les structures et institutions en lien avec le partenariat du TONY BLAIR INSTITUTE.
L’institut interviendra dans les projets d’investissements prioritaires, la réalisation de réformes visant à améliorer le climat des affaires et l’opérationnalisation de la cellule présidentielle d’exécution et de suivi des projets prioritaires, en facilitant l’échange d’expérience et l’élaboration d’outils et méthodes nécessaires à la mission de la cellule. En adoptant le décret portant création, attributions et fonctionnement de la Cellule Présidentielle d’Exécution et de Suivi des Projets Prioritaires, le Conseil dote notre pays d’un outil chargé de suivre l’exécution des projets prioritaires identifiés dans le cadre d’arbitrages nationaux, ceci en lien avec les porteurs de ces projets et en associant tous les acteurs ; permettre la visibilité des résultats obtenus et veiller à ce que ces résultats aient réellement un impact sur la population ; garantir et mettre en œuvre les actions pour une association du secteur privé aux initiatives prioritaires et à l’atteinte des résultats attendus ; développer des outils et méthodologies de pilotage et d’exécution des projets et s’assurer de leur bonne diffusion au sein de l’administration togolaise ; et enfin développer et mettre en œuvre, tant au niveau national qu’international, un plan de communication autour des résultats obtenus.Le Togo se dote ainsi d’un instrument de performance dans l’exécution des projets prioritaires pour le bien-être de l’ensemble de la population » relève en substance le communiqué.
Il convient, à juste titre, de souligner que la création de la Cellule Présidentielle d’Exécution et de Suivi des Projets Prioritaires censée créer des milliers d’emplois est une bonne chose en soi qu’il faut féliciter. Même si nous attendons de voir cette cellule à l’œuvre avant de juger sur pièces, il est permis d’apprécier cette initiative car, elle sonne comme un échec cuisant du Programme de Volontariat National au Togo (PROVONAT) créé en février 2011 et devenu en 2015, l’Agence Nationale de Volontariat au Togo (ANVT).
Il a été donné de constater, en dépit de ce que l’on tente de faire croire à l’opinion qu’après son lancement par la Ministre du Développement à la base, de l’artisanat, de la Jeunesse et de l’Emploi des Jeunes en septembre 2011, le PROVONAT n’a pas su répondre aux véritables attentes de l’employabilité ainsi que le problème du chômage devenu un véritable boulet que le Gouvernement de Faure GNASSINGBE traîne depuis des années à cause de ses errements. C’est le lieu de le dire.
Le Gouvernement a beau se donner des autosatisfecits et à clamer haut et fort à qui veut l’entendre que ce programme a mobilisé plus de onze mille jeunes (11000) primo-demandeurs d’emplois pour des missions d’intérêt général dans l’administration publique, au sein des collectivités locales, ONG, organismes internationaux, confessions religieuses etc., il n’en demeure pas moins vrai qu’il n’a servi que de solution de façade à un fléau crucial qui gangrène la société togolaise. Dans un premier temps, le PROVONAT a été présentée comme une opportunité pour les jeunes diplômés sans emploi d’acquérir une expérience professionnelle, en vue d’un emploi stable afin d’améliorer leur employabilité sur le marché du travail.
Seulement voilà, là où le bât blesse, c’est que ce programme pèche par son opacité et sa tendance à se substituer voire à monopoliser le marché de l’emploi. Et pour cause, l’Agence Nationale de Volontariat n’est pas la seule institution étatique chargée de résorber le problème du chômage des jeunes. Il y a également l’Agence Nationale pour l’Emploi (ANPE) qui opère plus discrètement sous la coupole du Ministère de la fonction publique et du Travail. Mais, par défaut de communication, il se trouve qu’un diplômé sur trois interrogés ignore l’existence de cette institution qui fonctionne pourtant à plein temps. Et au même moment, on assiste aux sorties folkloriques, intempestives et largement médiatisées de la Ministre du Développement à la Base, Victoire TOMEGAH-DOGBE, avec prestation de serment à l’appui, chaque fois que des volontaires du PROVONAT se préparent à être déployés sur le terrain. Entre-temps, des émissaires du Gouvernement japonais ont été dépêchés dans notre pays afin de ” s’inspirer du modèle togolais en matière de réussite du volontariat”. Bref, du pur folklore d’autant plus que la réalité est toute autre. En effet, l’allocation mensuelle de subsistance des jeunes volontaires du PROVONAT varie entre 40.000 et 60.000 F CFA, selon leurs niveaux de qualification.
Lorsqu’on sait que le SMIG au Togo s’élève à 35 000 F CFA et que parmi les volontaires, se trouvent des détenteurs de Brevet de Technicien (BAC+2), de Licence (BAC+3), de Maîtrise (BAC+4) et même de Diplômes d’Études Approfondies (DEA : BAC+5) cela est tout simplement aberrant. Oui, c’est aberrant et dénigrant d’autant que certains sont affectés à des centaines de kilomètres à l’intérieur du pays, dans des milieux qui leur sont totalement inconnus et où ils sont appelés à s’adapter et à changer de style de vie. C’est-à-dire vivre en location etc.
Les initiateurs du PROVONAT s’époumonent à ânonner sur les médias que par le biais du programme de volontariat, beaucoup de jeunes diplômés seront mis en condition d’employabilité immédiate. Mais est-ce réellement le cas ? Force est de constater que la réponse est négative.
Lors d’une conférence de presse organisée le 21 février 2017 à Lomé par un groupe de volontaires issus des deux premières vagues déployées sur le terrain, il ressort que plus de trois cent soixante (360) volontaires nationaux arrivés au terme de leur mandat sont actuellement en chômage. En d’autres termes, il y a l’absence d’une politique précise d’insertion des volontaires. Ces volontaires n’ont pas trouvé mieux à faire, à travers la rencontre avec les professionnels des médias, que d’attirer l’attention du Chef de l’État sur leur situation et d’implorer sa clémence.
Comment justifier en réalité ce retour à la case départ ? Si on en est arrivé là, c’est parce que les promoteurs du programme de volontariat n’ont pas su mettre en œuvre un mécanisme d’insertion des volontaires en fin de mission. Idem pour un concours de recrutement organisé à l’endroit des volontaires comme ce fut le cas en 2013 pour les enseignants volontaires.
Les jeunes recrues de l’ANVT se retrouvent pris au piège de ce programme parce qu’ils se sont contentés, durant cinq ans, d’attendre le renouvellement annuel de leur contrat au lieu de postuler à un éventuel emploi plus juteux et stable. Nous avons ouï dire que certaines ONG et des sociétés privées ont renvoyé des volontaires en fin de contrat à la maison en arguant qu’elles n’ont pas de moyens pour les recruter. C’est cynique de leur part parce que pendant cinq années, elles ont eu gratuitement une main d’œuvre qualifiée puisque c’est l’État qui a pris en charge la totalité des rémunérations des volontaires. C’est dire donc que les responsables de ces entreprises ont vu en le PROVONAT une aubaine pour exploiter les jeunes à satiété.
Où se trouvent donc la justesse et l’équité de la rémunération garantie par l’État au travailleur comme cela est stipulé dans l’article 37 de la Constitution togolaise ?
Etudier n’est pas aussi aisé qu’on le croit et encore moins, financer des études. Beaucoup de parents ne le savent que trop bien et n’hésitent pas à s’endetter pour voir leur progéniture réussir leur cursus scolaire et universitaire. Est-ce à ce prix ? Qu’il nous soit donc permis de prêter le terme de « volontaires malgré eux » à tous ces milliers de jeunes qui ont adhéré à ce programme et qui sautent sur la moindre occasion pour voir leurs conditions de vie améliorées.
Dans un tout autre registre, que les Autorités ne s’étonnent pas de la fuite de cerveaux avec tous ses corollaires notamment l’esclavage moderne et autres traitements inhumains auxquels on assiste lorsque les jeunes diplômés se résolvent à aller chercher des lendemains meilleurs sous d’autres cieux.
Nous osons croire qu’avec la création de la Cellule Présidentielle d’Exécution et de Suivi des Projets Prioritaires, l’Etat a désormais pris, à son corps défendant, le problème de l’emploi des jeunes qui reste un passage obligé pour la réussite du mandat social du Président Faure GNASSINGBE.