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Le Bitcoin, une monnaie pour l’Afrique?
Publié le samedi 9 decembre 2017  |  Agence Ecofin




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Le Bitcoin défraie la chronique. Sa montée en flèche depuis le début de cette année attise convoitise mais également nourri les inquiétudes. Jeudi, le cours de la monnaie virtuelle franchit la barre des 15000 $, et établit un nouveau record. Ceci dans une atmosphère qui où de grands financiers comme le président de la plus vieille banque britannique, RBS, donnent dans la poésie et associe son envolée à un passage de «l’enfer» de Dante. «Tout ce que les autorités peuvent faire, c'est de brandir une pancarte avec une phrase de l'Enfer de Dante: 'Toi qui entre ici abandonne toute espérance'», a ainsi déclaré Howard Davies, président du conseil d'administration de la banque, interrogé par Bloomberg.



Longtemps victimes de regards condescendants, la monnaie virtuelle semble désormais prendre ses quartiers dans le cœur même des hautes sphères de la finance. Bien qu’ayant été depuis longtemps étiquetée en tant qu’actif hautement spéculatif entretenant une bulle à implosion imminente, la monnaie étonne. Déjà l’implosion tant attendue n’est jamais arrivée, mais en plus, la monnaie continue de se renforcer, soutenue par la Blockchain. La technologie sous-jacente au Bitcoin a attiré des milliards de dollars en capital-risque, et suscité l'intérêt de presque toutes les banques internationales et l'attention des gouvernements du monde entier.



… mais qu'est-ce qu'une crypto-monnaie?

Pure création du 21ème siècle, les crypto-monnaies, dont le Bitcoin est aujourd’hui la plus en vue, sont des actifs virtuels qui allient d'énormes puissances de calcul et un réseau de serveurs sur lesquels se stockent des données partagées. Ici, la notion de serveur se confond à un client (simple ordinateur doté d’un processus conséquent). Contrairement aux devises ou monnaies classiques, les crypto-monnaies sont décentralisées, ce qui signifie qu'elles ne sont émises ou garanties par aucune banque centrale et ne relèvent donc pas de la compétence des régulateurs étatiques ou d’une union monétaire.

D’ailleurs, le contexte dans lequel est né le Bitcoin, semble bien montrer le ras-le-bol face aux interventions hasardeuses des pouvoirs publics ou des autorités monétaires dans les années 2006-2008. Le Bitcoin nait en 2009 à la sortie de la crise financière. La philosophie de cette monnaie porte à croire que son créateur (ou ses créateurs, car il existe à ce jour un mystère non élucidé sur le père du Bitcoin), «Satoshi Nakamoto», avait à cœur de se défaire d’un système qui a montré de grandes failles, tant sur le plan éthique, humain que financier. L’instrument monétaire n’a jamais été autant démocratisé.


Mieux, ces devises (qui se réclament comme telles), sont protégées contre le piratage, la duplication, et la falsification grâce à un algorithme cryptographique éprouvé à maintes reprises. Elles peuvent être converties en devises classiques, l’action pouvant s’effectuer sous pseudonyme, ce qui suscite bien des critiques.

A la découverte de la révolution Blockchain

Comprendre l’excitation d’aujourd’hui autour du Bitcoin passe nécessairement par une revue de la Blockchain. La technologie peut paraitre difficile à cerner. La Blockchain, francisée « chaine de blocs », est une base de données, distribuée, décentralisé, librement accessible à toutes les parties impliquées dans la chaine de transaction via Internet. La technologie a cette capacité de sécuriser les informations, d’enregistrer de manière permanente les transactions qui ont lieu sur le réseau afin d’éviter les fraudes et de transférer instantanément les actifs.

Les données sont stockées sur de nombreux ordinateurs dans le monde entier. Le principe «communautariste», prend tout son sens. Les internautes appelés « mineurs » offrent une partie de la puissance de leur processeur pour traiter les transactions moyennant rétribution. Non seulement utilisée par le Bitcoin, la blockchain a plusieurs autres applications dans les secteurs classiques de l’économie tels que les levées de fonds (Initial Coin Offer, par exemple), les transferts d’argent, le foncier, les assurances…

Mais… des fortunes diverses en Afrique

Bien que le Maroc et l’Algérie aient tous deux, interdit l’utilisation des crypto-monnaies sur leur territoire, les qualifiant « d’opaques », au Zimbabwe, investir dans le Bitcoin est devenu non seulement un matelas de sécurité contre la pénurie de dollars et l’hyperinflation mais également un pari gagnant, tout du moins pour l’instant. Dans le pays d’Afrique australe, la monnaie virtuelle grimpe nettement plus vite qu’ailleurs dans le monde.

Le lundi 27 novembre sur la plateforme locale d’échange (golix.com), les cours ont franchi la barre de 17 000 $ alors que les cours mondiaux étaient encore inférieurs aux 10 000 $. Dans ce pays, ancien grenier de l’Afrique, la monnaie virtuelle la plus connue au monde, le Bitcoin, semble prendre le pas sur la devise ayant actuellement cours, le dollar américain.


Citons également BitPesa, une start-up proposant des services de transactions financières via Bitcoins, qui est déjà présente au Kenya, en Tanzanie, au Nigéria et en Ouganda. Au Nigéria, Bitstake fournit des services similaires à ceux de Bitpesa. En Afrique du Sud, la startup Bankymoon fournit des passerelles de paiement Bitcoin aux fournisseurs, leur permettant d'accepter des paiements. La Fintech sud-africaine Prosperiprop vient de lever l’équivalent de 200 000 $ via une ICO (offre publique initiale de crypto-monnaies).



Le soutien du FMI

Cette dynamique conforte bien l’optimisme de la directrice générale du Fonds Monétaire International (FMI), Christine Lagarde par rapport à ce type d’actif, qui déjà estimait : « Je pense donc qu'il n'est pas sage de rejeter les devises virtuelles ».

La dirigeante prédit de belles perspectives pour les crypto-monnaies dans les pays en développement: « Par exemple, pensez à des pays dotés d’institutions faibles et à des monnaies instables. Au lieu d’adopter la monnaie d’un autre pays, comme le dollar américain par exemple, certaines de ces économies pourraient connaître une utilisation croissante des devises virtuelles. Appelons cela la dollarisation 2.0. L’expérience du FMI montre qu’il y a un point de basculement au-delà duquel la coordination autour d’une nouvelle monnaie est exponentielle.

Aux Seychelles, par exemple, la dollarisation a bondi de 20% en 2006 à 60% en 2008 ». Lagarde va plus loin et préconise: « elles (monnaies virtuelles) pourraient être émises avec une parité de un pour un avec le dollar, ou attachées à un panier stable de devises. L’émission pourrait être entièrement transparente, régie par une règle crédible et prédéfinie, un algorithme contrôlable... ou même une "règle intelligente" qui pourrait refléter l'évolution des conjonctures macroéconomiques».


Actuellement la montée du Bitcoin ne reflète pas la conjoncture économique mais simplement la frénésie et l’hystérie collective, la crainte des investisseurs de passer à côté d’une opportunité aussi inouïe, combinée à la recrudescence des blogs dédiés à l’actualité de la crypto-monnaie.


Quels impacts sur les transitions économiques en Afrique ?

La technologie Blockchain peut résoudre les problèmes de développement en Afrique grâce à l’amélioration des instruments existants et le développement de nouveaux outils efficaces aussi bien en matière de finance que de gestion publique. Les applications basées sur cette technologie, longtemps vues sous un regard sceptique, sont reconnues aujourd’hui comme de précieux outils, capables de s’attaquer aux faiblesses institutionnelles et à l'exclusion économique et financière.

La Blockchain porte peut être la clé de la construction d'une économie numérique mondiale inclusive, capable d'améliorer considérablement les services financiers dans le monde en développement et d'éliminer les inefficacités et les coûts de transaction élevés.



Un vecteur d’inclusion financière

Aujourd’hui, 2,5 milliards de personnes n'ont toujours pas accès aux services financiers formels. Les opportunités pour les entrepreneurs des marchés en développement de hisser leurs activités à l'échelle nationale et internationale sont donc limitées. De plus, transférer des fonds vers l’Afrique peut être très coûteux, lent et complexe. Pourtant, la blockchain et les monnaies virtuelles telles que le Bitcoin peuvent permettre un accès presque instantané aux services financiers et peuvent devenir une alternative de choix aux institutions bancaires traditionnelles.


En Afrique subsaharienne, seulement un tiers de la population a accès aux services financiers. Les agences bancaires sont uniquement disponibles dans les zones urbaines et facturent des frais élevés. La conjonction de ces deux anomalies rend très difficile le transfert d'argent. Il est établi que l'inclusion financière pourrait favoriser une croissance économique robuste et durable dans les pays africains. Une technologie financière, basée sur la chaîne de blocs, peut fournir des services financiers à tous les niveaux de la société et apporter des prestations innovantes et abordables aux pays à faible revenu. Par exemple, les micropaiements s’appuyant sur la blockchain peuvent permettre de fournir aux familles à faible revenu, l'accès à l'énergie propre grâce à des solutions de paiements mensuels virtuels abordables.


Transferts de fonds

Selon la FIDA, les fonds envoyés par les travailleurs migrants à leurs familles dans les pays en développement ont augmenté de 51% au cours de la dernière décennie, soit une progression au taux annuel moyen de 4,2%. Le montant global est passé de 296 milliards $ en 2007 à 445 milliards de dollars en 2016 et devrait franchir la barre des 450 milliards $ cette année. En 2016, la part de l’Afrique s’établissait à 33 milliards $, soit environ le PIB du Cameroun.

Ce flux mondial de liquidités est un facteur important dans le bien-être financier des familles concernées et une source de demande pour les entreprises dans les pays en développement. Mais la procédure d'envoi de fonds est extrêmement coûteuse. Selon la Banque mondiale, l'Afrique subsaharienne demeure la région la plus chère en matière de coûts du transfert, avec des frais représentant environ 9,8 % de chaque transaction. Les entreprises de transfert justifient leurs coûts en disant qu'elles reflètent le prix de la fourniture de services fiables et pratiques.
Mais, des services, des agences comme le Hong Kong Bitsparkn, basée sur la Blockchain facturent des frais largement inférieurs à ceux des agences classiques (environ 2 dollars américains pour les transactions de moins de 150 dollars) et seulement 1% de frais pour les gros montants. L'utilisation de la haute sécurité qu’offre la blockchain permet à l'entreprise de contourner les réseaux bancaires classiques et les systèmes traditionnels de transferts de fonds.


Des services similaires aidant à envoyer de l'argent, au Ghana, au Zimbabwe, en Ouganda, en Sierra Leone et au Rwanda, au Kenya (BitPesa), en Tanzanie (BitPesa), facturent également moins que des taux bancaires actuels.

Autant dire que l’Afrique a tout intérêt à tirer parti de cette opportunité inouïe que constituent les crypto-monnaies et la prometteuse technologie sur laquelle elles prennent corps.


Améliorer la gouvernance en Afrique

D’autre part, ces technologies peuvent limiter la mal gouvernance, la corruption et les incertitudes. À l'avenir, la Blockchain peut également être un vecteur de développement permettant de rendre autonome les populations à divers niveaux et d'atténuer les asymétries de pouvoir et d’informations qui sont à la base des inégalités observées dans les pays en développement en général, et spécifiquement en Afrique. Dans le même temps, la blockchain peut jouer un rôle crucial en aidant à restaurer la confiance des populations africaines en leurs gouvernements.

A juste titre, le think tank Frankfurt School Blockchain Center, propose trois solutions majeures pour lutter les faiblesses institutionnelles qui ont des impacts multiformes sur les populations et les économies des pays sous-développés. Pour le think tank, la mise en place d’un registre foncier s’appuyant sur la blockchain pourrait réduire considérablement, les problèmes domaniaux qui sont devenus monnaies courantes en Afrique.


«Sans une documentation appropriée, le système est plus enclin à la corruption et à la concentration du pouvoir dans les mains des élites. Par conséquent, le niveau de confiance sociale est souvent marginal, compliquant les échanges économiques et limitant les progrès du développement. Pour atténuer ces problèmes, nous proposons trois applications majeures basées sur les blockchain: un registre foncier, des documents numériques légaux de base et un système de surveillance des dépenses gouvernementales et institutionnelles».

En permettant l'adoption de la blockchain en Afrique, le continent pourrait jeter les bases d'une économie prospère et véritablement inclusive.

Cependant, il reste encore quelques défis à surmonter pour parvenir à l'adoption d’une technologie aussi énergivore en Afrique…





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