-Il n’est plus simplement question d’envisager les objectifs de développement durable (ODD) pour le Continent, mais de percevoir que son potentiel va au-delà.
AA/Tunis/Houcine Ben Achour
Il y a 30 ans, la Chine était considérée comme un pays «en voie de développement». Aujourd’hui, l’Empire du Milieu est devenu la seconde puissance économique mondiale. Ce constat vaudra-t-il pour l’Afrique dans une trentaine d’année ? Il ne faut pas en rire.
Car, certains indices montrent que le continent africain, certes à des degrés divers entre Etats, a le potentiel d’un développement économique qui promet d’être exponentiel plus qu’arithmétique.
Une récente étude de l’Institut français d’études démographiques (INED) indique que l’un des grands changements à venir est l’accroissement de la population d’Afrique.
De 1,2 milliards d’habitants en 2017, le continent africains recenserait 2,5 milliards d’âmes en 2050 et devrait atteindre 4,4 milliards en 2100.
C’est dire du gigantisme de ce marché qui souffre d’une sous-industrialisation manifeste.
La plupart des pays du continent tire l’essentiel de leurs revenus des exportations des matières premières.
Il est clair qu’une stratégie de croissance inclusive est la seule, à même de répondre aux besoins d’un marché aussi important.
D’ailleurs, toutes les études économiques concernant le développement du continent s’accordent sur le fait que les facteurs intérieurs ont et continueront à avoir une influence considérable sur la croissance africaine, en particulier la consommation privée.
Mais pas seulement, puisque la consommation publique, particulièrement celle orientée vers les investissements d’infrastructure, joue également un rôle clé dans la croissance économique du continent.
-Creuset de la croissance mondiale de demain
«En 2016, ces deux composantes ont contribué ensemble à plus de 60% à la croissance», indique le rapport sur les Perspectives économiques en Afrique, édité par la Banque africaine de développement (BAD), l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et le Programme des Nations Unis pour le Développement (PNUD).
Le rapport ajoute que «l’un des principaux facteurs de la vigueur de la consommation en Afrique est à rechercher dans l’accroissement démographique du continent».
Ce dynamisme démographique devrait propulser les dépenses de consommation du continent de 680 milliards de dollars en 2008 à environ 2 200 milliards de dollars en 2030.
Les besoins d’investissement sont par conséquent considérables.
Autant dire, l’Afrique constitue le creuset de la croissance mondiale de demain. Une croissance qui, pour le continent, s’appuiera sur l’innovation technologique et l’économie verte.
Christine Lagarde, directrice général du Fonds monétaire international (FMI) l’a d’ailleurs opportunément signalé lors d’une récente réunion de la Commission économique des Nations-Unis pour l’Afrique (CEA), tenue au début de la semaine dernière à Addis Abeba en Ethiopie, au cours de laquelle elle a mis particulièrement l’accent sur «l’impact de la technologie dans les pays africains dans l’ouverture de nouvelles perspectives pour la génération à venir».
«En adoptant la bonne stratégie, le dividende démographique peut conduire à la prospérité. Cette incroyable poussée démographique peut être mise au service d’un cercle vertueux de croissance et de développement économique», a-t-elle soutenu.
Lagarde a ajouté que «la technologie façonne d’ores et déjà l’Afrique d’aujourd’hui. Et grâce à des investissements avisés, elle peut devenir un outil puissant pour construire des économies plus solides dans l’Afrique de demain».
En ce qui concerne la technologie et son utilisation en Afrique, il convient de les constater au Kenya, par exemple, qui avec d’autres pays du continent détient un leadership mondial dans le paiement mobile.
«La possession massive par un grand nombre de citoyens kenyans d’un téléphone mobile (plus de 90 %), a rendu évidente la logique d’utilisation de ce terminal comme infrastructure de base pour déployer les services bancaires, avec en premier lieu la fonction paiement. Le classement économique du mobile money présenté par l’experte anglaise Alix Murphy fin 2014 montrait d’ailleurs en n°1 l’Europe (l’Afrique subsaharienne et en queue de peloton)», avance Olivier Labbe, Directeur général chez Cap dc, entreprise spécialisée dans les datacenters.
Plus encore, le Kenya a lancé en avril dernier le premier emprunt obligataire exclusivement disponible sur téléphone mobile. Ce n’est pas le seul exemple que cite M. Labbe. Jumia en est un autre.
«Créé en 2012 au Nigéria, Jumia est devenu en quelques années l’Amazon africain, générant un chiffre d’affaires de 135 M€ en 2015».
Ainsi, parle-t-on désormais de concept de «reverse innovation» numérique. Elle a commencé avec le paiement mobile en Afrique. Elle se prolongera par la e-citoyenneté, la e-santé ou encore la e-agriculture, annonce-t-il.
- Des exemples édifiants
«La pharmacie virtuelle sénégalaise Jokkosanté, la solution M-Pedigree qui lutte au Ghana contre les faux médicaments, la bourse sénégalaise M-Iouma de vente de fruits et de céréales, la place de marché agricole virtuelle kenyanne M-farm, sont autant d’applications digitales qui génèrent des fonctionnalités innovantes», estime le DG de CAP cd.
L’atout digital peut être exploité dans tous les domaines en Afrique.
«Il est possible d’accélérer le développement économique et social en exploitant les promesses de la technologie», a souligné Christine Lagarde, devant les membres de la CEA, prenant exemple dans la compagnie kenyane «M-kopa qui vend des panneaux solaires aux habitants des campagnes moyennant un faible dépôt initial, suivi de virements par téléphone étalés sur une année».
Un autre exemple, celui des jeunes entrepreneurs au Togo qui, appuyés par un centre d’innovation communautaire, ont mis au point la première imprimante 3D entièrement fabriquée à partir de déchets électroniques.
Et ce n’est pas fini, la blockchain, découverte avec la monnaie Bitcoin, est une technique qui est solidement éprouvée au Ghana.