Se faire opérer en Afrique est deux fois plus risqué que dans le reste du monde, selon une étude parue mercredi dans la revue scientifique britannique «The Lancet». Après des enquêtes dans 25 pays du continent, les chercheurs pointent du doigt le manque de suivi postopératoire, ainsi que la vétusté du matériel et la pénurie de médecins compétents.
En Afrique, les patients sont plus jeunes et y subissent des interventions moins lourdes. En théorie, la mortalité devrait donc être moins élevée qu'ailleurs et pourtant c'est tout le contraire, expliquent les auteurs de cette étude, notamment à cause des complications postopératoires.
Une situation que vit au quotidien Ahmadou Lamin Samateh. Ce chirurgien a pris la tête en mai dernier du plus grand hôpital de Gambie le Edward Francis Small Teaching Hospital (EFSTH) de Banjul. Ici, ce sont 200 000 patients qui sont traités chaque année dans des conditions difficiles : « Les problèmes dans cet hôpital sont énormes. La plupart de nos bâtiments sont vieux, et ne sont pas toujours aménagés de façon efficace. On a parfois du mal à se procurer des anesthésiques. On en a un temps, puis on commence à être à court et alors c’est très compliqué, tout l’hôpital doit courir partout pour en trouver, les négocier, pour que l’opération se passe bien ».
Des manques criants
En manque de spécialistes, le pays fait appel à des docteurs cubains pour compléter ses effectifs. Mais difficile de travailler dans de telles conditions, comme l’explique ce chirurgien orthopédiste : « Le plus gros problème, c’est la salle d’opération. Les conditions ne sont pas bonnes pour opérer. Des fois il y a des urgences, mais il n’y a que deux places. Et il arrive qu’on n’ait pas le matériel, pas de vis par exemple. Autre problème, dans la salle commune : il n’y a pas d’espace séparé pour des patients avec des infections, tout le monde est mélangé ».
D’ailleurs selon l’étude, près d'1 patient sur 5 a développé une complication postopératoire et parmi eux, presque 1 sur 10 en sont morts alors que 4 patients sur 5 étaient considérés à risque faible : ils étaient jeunes et bonne santé. « Beaucoup de vies pourraient être sauvées par un suivi efficace des patients », peut-on lire dans The Lancet.
Et cette situation de manque se retrouve dans différents services de l’hôpital de Banjul. La pharmacie est en constante pénurie de médicaments. Les machines de stérilisation des instruments sont rarement en état de fonctionner. Quant au service radiologie, depuis une semaine, le docteur Fatoumatta Jobarteh ne peut même plus travailler : « On attend que les techniciens viennent voir s’ils peuvent réparer la machine. C’est la deuxième fois que ça arrive en un an. On galère tous, la plupart des machines qu’on utilise sont des dons, et elles sont vieilles, c’est très dur d’établir un diagnostic ».