Avec « Cantique de l'acacia », le dramaturge togolais Kossi Efoui se libère des codes d'écriture pour livrer une oeuvre toute en circonvolutions. Le texte d'un artiste libre.
Les livres de Kossi Efoui ne sont pas faits pour être lus : ils doivent être chantés, récités, déclamés, murmurés ou hurlés à tue-tête. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, au-delà des assonances et des allitérations, son nouveau roman s’intitule Cantique de l’acacia. Il s’agit bel et bien d’un cantique, même si l’on ne saurait le rattacher à une quelconque religion révélée.
La langue du dramaturge togolais, Kossi Efoui enveloppe, envoûte et se développe selon une logique qui lui est propre ; il faut se laisser emporter et transporter, ne pas chercher à s’agripper à ces points de repère que sont les dates et les lieux. Libéré du diktat de la chronologie, cette épuisante invention occidentale, le récit fait fi du présent comme du passé, bondissant d’un personnage à un autre, d’un endroit à un autre, d’une parole à une autre.
«Car tout événement vient au monde par deux chemins : le chemin de l’aller qui est celui des faits, et le chemin du retour, où les faits se transforment en mots, chansons, paraboles, contes, devinettes, proverbes, prophéties, mythes », écrit le natif du golfe de Guinée.
L’écrivain kényan Ngugi wa Thiong’o appelait à « décoloniser l’esprit » : en imposant au récit les multiples circonvolutions de son chant, Kossi Efoui est sans doute le seul écrivain de sa génération à y parvenir, un peu comme le fit en 1965 le poète acholi Okot p’Bitek avec Wer pa Lawino (La Chanson de Lawino). Mais tandis que ce dernier écrivait dans sa langue, Efoui dompte celle de l’ex-colonisateur. Précieux butin de guerre…