Le gouvernement et la classe politique s’apprêtent à démarrer jeudi un dialogue politique inter-togolais sur les enjeux de la réforme constitutionnelle à l’origine de la crise politique que traverse le pays depuis août 2017.
A la veille de cette rencontre de toutes les incertitudes, le 27e dialogue politique au Togo depuis les années 1990, le ministre de la Fonction publique, du travail et de la réforme administrative, M. Gilbert Bawara, a rassuré qu’il n’y aura pas de sujet tabou pour les discussions.
"Que ce soit le départ du Président de la République, que ce soit le retour à la Constitution dite de 1992, nous n’allons empêcher personne de mettre sur la table de discussion quelque sujet que ce soit", a précisé ce haut cadre de l’Union pour la république (UNIR-pouvoir).
"La majorité présidentielle va à ce dialogue avec un esprit constructif, d’ouverture et la volonté de rechercher et parvenir à des compromis qui soient dans l’intérêt du Togo", a rassuré M. Gilbert Bawara.
Déjà, la Coordination du Système des Nations Unies au Togo, la délégation de l’Union Européenne et les ambassades de France, de l’Allemagne et des Etats-Unis au Togo ont salué l’initiative en cours et exprimé leur soutien au processus engagé, dans une déclaration commune rendu publique le 9 février.
Ces représentations diplomatiques, constituant le groupe des 5, disent qu’"elles encouragent les acteurs politiques togolais à travailler de bonne foi pour aboutir à un consensus sur les réformes institutionnelles et constitutionnelles, ainsi qu’à se mobiliser ensemble pour les mettre en œuvre", a précisé le communiqué.
C’est dans un contexte où la Coalition de 14 partis d’opposition, qui a ouvert depuis août 2017 le bras de fer avec le régime en place sur la réforme constitutionnelle, a posé des préalables à sa participation au dialogue et a estimé que le dialogue ne doit pas englober les autres partis de l’opposition.
La Coalition comprend les partis d’envergure comme l’Alliance nationale pour le changement (ANC) de Jean-Pierre Fabre, le Comité d’Action pour le renouveau (CAR) de Me Yawovi Agboyibo, la Convention démocratique des peuples africains (CDPA) de Brigitte Adjamagbo-Johnson, les Forces démocratiques pour la république (FDR) de Me Dodji Apévon, le Parti national panafricain (PNP) de Tikpi Atchadam, à côté de neuf autres partis ayant une présence moindre sur le terrain à travers le pays.
Elle réclame, entre autres, le retour à la Constitution de 1992, le vote des Togolais de l’étranger, le retour à un scrutin présidentiel à deux tours et la formation d’un gouvernement de transition.
Pendant ce temps, l’Union des forces du changement (UFC-opposition parlementaire), non membre de la Coalition, s’est félicitée de l’ouverture prochaine du dialogue et a lancé un appel pressant à l’endroit de la classe politique.
Le parti de Gilchrist Olympio, opposant charismatique au régime en place, a appelé les acteurs politiques à faire " preuve de courage pour réaliser une entente politique historique dont l’enjeu est une Nation Togolaise réconciliée et tournée vers des tâches de réduction de la misère, de la pauvreté et du développement économique".
Dans ce climat de divergence au niveau de la grande opposition, le parti Organisation pour Bâtir dans l’Union un Togo Solidaire (OBUTS), non membre de la Coalition, a exhorté le gouvernement à "veiller à ce que ce dialogue politique soit le plus inclusif possible, et d’œuvrer à tous égards à son succès".
Le parti de Agbeyomé Kodjo, ancien Premier ministre et ancien président de l’Assemblée nationale sous le régime du général Gnassingbé Eyadèma, a rappelé que "seul doit prévaloir l’intérêt supérieur de la nation togolaise."
Il a encouragé, par ailleurs, "ses confrères de l’opposition républicaine à s’engager pleinement et avec vigilance dans ce dialogue politique, qui cristallise tous les espoirs du peuple togolais".
De son côté, Nicolas Lawson, président du Parti du Renouveau et de la Rédemption (PRR), non membre de la Coalition, n’a pas trouvé la pertinence de la rencontre et a même critiqué l’idée de la formation d’un gouvernement de transition, alors qu’il est invité à une émission sur une radio locale très écoutée dans la capitale togolaise.
"Qu’est-ce que j’ai à aller dire à ce dialogue? ", s’est interrogé cet opposant qui a été plusieurs fois candidat aux élections présidentielles au Togo depuis 2003 et a été aussi conseiller du Premier ministre du gouvernement de transition dans les années 1992.
"Je m’en fous que ce dialogue réussisse ou pas", a ajouté M. Lawson, conseillant plutôt que le régime en place travaille dans l’intégrité avec compétence, prenne de bonnes décisions, agisse et donne satisfaction aux revendications qui agitent le front social.
Un autre son de cloche, c’est celui du mouvement
"Jeunes Conscients de l’opposition" qui a désapprouvé, lors d’une conférence de presse mardi, les manifestations de rue qui se sont succédées pour exiger les réformes politiques et a exprimé son optimisme pour un dialogue réussi.
"Nous restons convaincus que cette fois-ci, les acteurs politiques de notre pays vont œuvrer chacun de son côté pour la réussite de ce dialogue pour permettre à la jeunesse de se lancer véritablement sur le chemin d’un développement durable", a dit le mouvement de Victoire Kossi Ametsyo.
Pour l’heure au Togo, tous les regards sont tournés vers l’ouverture de l’hypothétique dialogue politique, convenue au 15 février au prix d’une série de missions de bons offices de plusieurs chefs d’Etat de la sous-région.
Dans une atmosphère d’optimisme et de pessimisme, selon leur bord politique, les Togolais espèrent, toutefois, une période post-dialogue apaisée, car ayant redouté l’escalade de la violence au cours des premiers mois de manifestations de rue pour exiger les réformes politiques.