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Vincent Bolloré dans la tourmente médiatico-judiciaire
Publié le vendredi 11 mai 2018  |  Focus Infos


© aLome.com par Edem Gadegbeku & Jacques Tchako
Faure GNASSINGBE inaugure la salle de cinéma et de spectacles Canalolympia, financée par le groupe Bolloré
Lomé, le 24 octobre 2017. Hanoukopé. Faure GNASSINGBE inaugure la salle de cinéma et de spectacles Canalolympia, financée par le groupe Bolloré. Cette nouvelle infrastructure est censée combler un grand vide laissé par la fermeture de toutes les grandes salles de cinéma dans la capitale togolaise depuis plusieurs années. La construction de cette nouvelle salle a été financée par le groupe Bolloré dont le PDG, Vincent Bolloré, a aussi pris part à cette inauguration.


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Le 26 avril dernier, après deux jours de garde-à-vue, l’industriel français Vincent Bolloré, PDG du groupe éponyme, a été mis en examen dans une enquête sur les conditions d’attribution de ses concessions portuaires en Afrique de l’Ouest. Interrogé dans les locaux de la police anticorruption à Nanterre, le milliardaire français a été mis en examen pour «corruption d’agent étranger» et complicité «d’abus de confiance» et de «faux et usage de faux».

Depuis, c’est un emballement médiatique qui accompagne le dossier sur les deux continents; politiques et éditorialistes tirant à boulets rouges sur le milliardaire breton, au nom de la bonne conscience et de la lutte contre le néo (esclavagisme-colonialisme), convoquée opportunément. Au-delà du brouhaha médiatique, regard critique sur quelques éléments de l’accusation.

La procédure qui a conduit à la mise en examen de Vincent Bolloré remonte à novembre 2013, avec l’ouverture d’une information judiciaire par le parquet financier français portant sur des soupçons de « corruption d’agent public étranger». Elle concernait au départ le groupe PEFACO, spécialisé dans l’hôtellerie et les jeux. C’est en enquêtant sur les relations de son président Francis Perez avec Jean-Philippe Dorent cadre dirigeant de Havas, que les policiers ont été amenés à se pencher sur les activités au Togo et en Guinée du groupe français Bolloré.

De fait, il y a deux ans presque jour pour jour, les enquêteurs de l’Office Central de Lutte contre la Corruption et les Infractions Financières et Fiscales (OCLCLIFF) en France, avaient perquisitionné le siège du groupe Bolloré Africa Logistics situé à Puteaux dans les Hauts de Seine en région parisienne. Ils ont visité les bureaux du milliardaire -absent lors de l’opération-, celui du directeur général et du directeur juridique. La garde-à-vue de la fin du mois d’avril dernier et la mise en examen de monsieur Bolloré ne constituent donc qu’un nouvel épisode dans le feuilleton judiciaire.

Dans cette enquête, le directeur général de Bolloré, Gilles Alix, a lui aussi été mis en examen pour les mêmes chefs d’inculpation. Jean-Philippe Dorent, responsable du pôle international d’Havas, filiale du groupe, est lui poursuivi pour «abus de confiance» et «faux et usage de faux» mais échappe aux poursuites pour «corruption». L’entrepreneur Francis Perez, a, lui, été remis en liberté sans qu’aucune charge ne soit retenue contre lui,

L’ACCUSATION :

Les juges Serge Tournaire et Aude Buresi, connus pour avoir récemment poursuivi Nicolas Sarkozy dans l’affaire du financement libyen de sa campagne de 2007, soupçonnent le groupe Bolloré d’avoir utilisé les activités de conseil politique de Havas dans lequel Bolloré détient 60% des parts afin de décrocher la gestion des ports de Lomé et de Conakry ( Guinée), via une autre de ses filiales, Bolloré Africa Logistics, anciennement appelée SDV.

S’appuyant en particulier sur les documents retrouvés lors des perquisitions de 2016 au siège du groupe Bolloré, les magistrats soupçonnent Havas d’avoir sous-facturé ses services à Faure Gnassingbé au Togo et Alpha Condé en Guinée lors des élections présidentielles qu’ils ont remportées tous les deux en 2010, pour obtenir, en contrepartie, la gestion des concessions portuaires.

DEPUIS 2001

Selon nos informations, c’est depuis 2001, soit 9 ans avant le scrutin incriminé qu’en réalité le terminal a été concédé à Bolloré. Cette année-là, les autorités togolaises, dans le cadre du programme de désengagement de l’Etat et d’autres personnes morales de droit public des entreprises, autorisent la mise en concession de l’activité de manutention de conteneurs et de marchandises diverses au PAL.

Le décret N° 2001 -162 /PR du 14 septembre 2001 qui en fixe les conditions, précise que la concession de l’activité de manutention est accordée à des sociétés privées ou aux consortiums de sociétés privées réunissant les conditions suivantes : « être capable de réaliser les investissements nécessaires à l’exploitation de la concession, être un amateur ou un représentant d’armateur de premier rang touchant le PAL et apportant un volume de trafic significatif, avoir une expérience de dix (10) ans au moins dans le secteur de l’accostage, de la manutention de conteneurs ou de la manutention des marchandises conventionnelles. Il indique que la concession est accordée dans un cadre concurrentiel, sans monopole et limite à deux (2) pour la manutention de conteneurs et également à deux (2) pour la manutention de marchandises diverses, pour une période de dix (10) ans.

Le 21 septembre 2001, le décret N° 2001-163/PR signé du Président de la République feu Gnassingbé Eyadéma, accorde la concession par attribution directe à la société S.E.2.M, filiale du groupe BOLLORE, pour une durée de dix (10) ans. Il autorise le Ministre de l’Economie, des Finances et des Privatisations, celui du Commerce, de l’Industrie, des Transports et du développement de la Zone Franche, à signer la convention de concession.

Selon les termes de celle-ci, le concessionnaire, sur la base du plan d’entreprise et du programme d’investissement, à compter de la signature de la convention de concession, paiera trimestriellement une redevance et des recettes déterminées de la façon suivante :
– Redevances : pour la première année , une redevance par mouvement de conteneurs ( 20’ et 40’ confondus, pleins et vides confondus) de 13.000 FCFA par mouvement et pour la deuxième année, une redevance par mouvement de conteneurs (20’ et 40’ confondus, pleins et vides confondus) de 13.500 FCFA par mouvement. Il précisé que cette redevance ne devrait pas être inférieure à 430.000.000 FCFA la première année et 485.000.000 FCFA la deuxième.
– Recettes : 90% des recettes de stationnement des conteneurs sur terre-plein.
L’article 4 de la convention stipule qu’au-delà de la deuxième année, la redevance au mouvement versée par le concessionnaire sera révisée en tenant compte des nouvelles données statistiques d’exploitation.
C’est dire donc que les activités de manutention de conteneurs de Bolloré. au PAL sont antérieures aux années 2010. Qu’au surplus, le groupe était présent au Togo depuis l’époque des indépendances sous différentes sociétés, notamment SOCOPAO, SAGA, SDV etc.

L’OMBRE DE DUPUYDAUBY

Le très médiatique litige qui continue à opposer Vincent Bolloré à Jacques Dupuydauby qui dirigeait à l’époque PROGOSA chargée de la gestion des sociétés SE2M et SE3M, explique en partie la confusion sur la date de la concession du terminal à conteneurs.

En effet, SE2M et SE3M dont les dénominations seront changées courant 2012 en Togo Terminal et Multipurpose Terminal, toutes deux opérant au PAL, la première dans la manutention des conteneurs et le seconde dans le manutention conventionnelle, étaient des filiales du groupe BOLLORE. Pour la première, il en était le propriétaire via les actions de PROGOSA Investment en Espagne à travers sa filiale PII ; mais aussi via SOCOPAO dont le groupe détient la majorité et est de ce fait, l’actionnaire principal depuis la création de SE2M.

Quant à SE3M, BOLLORE y détient des actions grâce à PROGOSA Investment en Espagne via sa filiale PII Espagne ainsi que SDV Togo. Nommé Président Directeur Général de PROGOSA, monsieur Jacques DUPUYDAUBY, avocat de formation, condamné en France pour des faits de malversations et de détournements dans le cadre des activités à la direction des ports en France, également bien introduit dans le milieu politique français, spécifiquement à droite, présidait aussi les Conseils d’Administration de SE2M et SE3M, pour un salaire mensuel de 20.000.000FCFA.

En 2005, monsieur DUPUYDAUBY détourne à son profit, les actions de PII Espagne dans les deux sociétés de manutention au Togo pour en prendre leur contrôle. Pour y parvenir, il crée une autre société en son nom propre, dénommée PII Luxembourg. Les actions de SE2M et SE3M sont alors détournées vers cette nouvelle structure dont il a le contrôle. Par ce tour de passe-passe, il devient propriétaire de SE2M et SE3M. Vincent BOLLORE découvre la supercherie et fait recours à la justice. Il porte d’abord plainte pour abus de biens sociaux en Espagne et ensuite au Togo pour recouvrer ses droits et récupérer ses actions détournées.

La justice espagnole révoquera le 20 juin 2005 monsieur DUPUYDAUBY de ses mandats dans les sociétés PROGOSA Investment et PII Espagne. Fort de cet arrêt, le groupe BOLLORE annule les décisions du Conseil d’Administration de PII Espagne ayant autorisé les cessions frauduleuses des actions de PII Espagne dans SE2M Togo et SE3M Togo à PI Luxembourg. Au Togo, la justice donne raison sur le fond en première instance au groupe BOLLORE le 03 février 2006 et le 22 septembre 2006. En appel, la Cour d’appel de Lomé a rendu deux arrêts N° 089/09 et N°090/90 qui confirment tous deux que le groupe BOLLORE est l’actionnaire majoritaire aussi bien de SE2M que de SE3M.

COMMUNICATION ELECTORALE

Outre le débat sur la date d’attribution du terminal à conteneurs au groupe Bolloré (l’accusation tomberait si l’année 2001 est confirmé), il y a lieu de s’interroger surtout sur ce qui est au cœur de la thèse de l’accusation : les élections présidentielles au Togo et en Guinée.

Si la communication politique joue un rôle important dans les scrutins en Occident, elle influence très peu, sinon à la marge les élections en Afrique, qui se jouent sur d’autres ressorts, d’autres réalités. Il serait illusoire de penser que l’électorat togolais change et évolue dans ses choix de vote, relativement à slogan particulier, à des éléments de langage retenus, ou à des phrases prononcées.

En 2010, dans le contexte politique togolais et avec le renoncement de Gilchrist Olympio, le président sortant était donné largement favori devant son principal challenger et il aurait gagné cette élection , avec ou sans l’intervention de l’agence Havas. L’impact de la prestation de celle-ci peut contribuer à polir l’image du candidat à l’extérieur mais ne peut pas faire changer la donne. Cette réalité, du peu d’influence que peut avoir les communicants sur les résultats du vote, n’est pas particulière au Togo.

PAS D’IRREGULARITES :

Dans un communiqué rendu public peu après l’annonce de la mise en examen de ses dirigeants, le groupe Bolloré dément formellement que sa filiale de l’époque SDV Afrique ait commis des irrégularités. « Les prestations relatives à ces facturations ont été réalisées en toute transparence. L’audition de ses dirigeants permettra d’éclairer utilement la justice sur ces questions qui ont fait l’objet d’une expertise indépendante qui a conclu à la parfaite régularité des opérations » assure le communiqué.

«Vincent Bolloré qui reste présumé innocent pourra avoir enfin accès à ce dossier dont il n’a jamais eu connaissance et répondre à ces accusations infondées», a déclaré son porte-parole dans un autre communiqué annonçant la mise en examen.

Le président guinéen, Alpha Condé, a annoncé pour sa part , qu’il allait déposer une plainte devant la justice française « Je vais porter plainte pour dénonciation calomnieuse. On a tous les éléments qui prouvent que moi je n’ai fait que défendre les intérêts de la Guinée », a-t-il déclaré lors d’un bref entretien téléphonique avec Reuters.

Il a également dit accueillir favorablement la proposition de l’opposition guinéenne d’ouvrir une enquête parlementaire dans cette affaire. « Cette enquête parlementaire, si elle a lieu, va clarifier les choses. C’est une très bonne chose », a estimé le président guinéen.

Au Togo, la réaction est venue du ministre de la fonction publique, Gilbert Bawara. Sur Radio Victoire, il a assuré que notre pays était prêt à coopérer avec la justice française. « Un opérateur économique français est poursuivi par la justice de son pays. Nous respectons la justice française, nous sommes attachés à la présomption d’innocence. L’Etat togolais n’a aucun élément fiable du dossier qui est en cours en France », a-t-il dit.


«Nous n’avons pas à prendre un engagement particulier, nous n’avons pas à donner une assurance quelconque parce que nous ne nous sentons pas concernés. Mais si dans la poursuite de la procédure judiciaire l’Etat togolais était requis pour fournir une information ou quelque élément que ce soit, soyez rassurés, nous le ferons volontiers, sans aucun problème », a-t-il ajouté.

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