Le chef de l’État burundais Pierre Nkurunziza a annoncé jeudi ne pas vouloir se représenter en 2020. Tout en promulguant une nouvelle Constitution qui lui permet, selon certains analystes, de rétablir la monarchie, “Peter” aura fait preuve d’un grand courage politique si dans deux ans, il joint l’acte à la parole.
La surprise de ce jeudi 7 juin 2018 nous vient de Bujumbura, la capitale du Burundi. Le président Pierre Nkurunziza renonce à se représenter à l’élection présidentielle de 2020, alors que la nouvelle Constitution promulguée ce jour même lui ouvre un boulevard jusqu’en 2034.
« Suivant mon discours à la Nation en 2015 quand j’ai été réélu, suivant la Constitution du Burundi de 2005 sur laquelle j’ai prêté serment, suivant celle que nous venons de promulguer, j’annonce solennellement au monde que mon mandat prendra fin en 2020 », a annoncé Nkurunziza, à l’occasion de la promulgation officielle de la nouvelle Constitution, devant une assistante assurément médusée.
Une déclaration qui surprend plus d’un d’abord au Burundi et à travers le continent, tellement la volonté du président de s’accrocher au pouvoir a fait couler beaucoup de sang et contraint plusieurs Burundais à l’exil.
Qu’est-ce qui n’a pas marché ?
Arrivé démocratiquement au pouvoir en 2005, cet ancien professeur de sport a fini par y prendre goût. Foulant au pied les accords de paix d’Arusha, Nkurunziza a fait modifier la Loi fondamentale de son pays qui limitait à deux les mandats présidentiels. Au terme de son troisième mandat en 2020, il est autorisé par les nouveaux textes à rempiler deux nouveaux mandats de sept ans. Et tous ceux qui se sont dressés sur la voie menant vers ces changements profonds, l’ont fait à leurs dépens. Même la communauté internationale ne pouvait pas faire trembler “Peter”.
Mais alors, pourquoi ce revirement de situation assez surprenant ? Est-ce un moyen de se faire pardonner les multiples crimes de sang dont il s’est rendu coupable depuis 2015? Rien n’est moins sûr ! S’il arrive à respecter sa parole, Nkurunziza aura mis un terme à l’infernal cycle de violences dans lequel il a plongé son pays. Il pourrait alors sortir par la grande porte.
De la présidence à vie à la monarchie ?
Certains analystes n’excluent pas cette éventualité, scrutant chaque symbole utilisé par le président. “Depuis des mois, les Burundais ont remarqué que le président passait de plus en plus de temps dans des lieux liés à l’ancienne monarchie, palais ou emplacements géographiques chargés d’histoire” analyse Jean Philippe Rémy, journaliste au Monde, qui conclut que “l’une des clauses les moins remarquées de la nouvelle Constitution – et jusqu’ici la plus inexplicable – établit justement la possibilité de rétablir la monarchie au Burundi”.
En annonçant qu’il renonce à être candidat en 2020 avec la nouvelle Constitution pour laquelle il a pourtant pendant longtemps bataillé, quelles sont les réelles intentions de Pierre Nkurunziza ? Retourner à ses excursions au vélo ? Retourner à son habit pastoral ou dans ses plantations ? Ou est-ce une façon de rétablir la monarchie à la tête du Burundi, ainsi que l’écrit Jean Philippe Rémy ?
Quoi qu’il en soit, Pierre Nkurunziza aura fait preuve d’un très grand courage politique si en 2020, les choses se passent comme il a promis. Un courage politique qui manque cruellement sous le soleil au sud de l’hémisphère où la question des présidences à vie se pose désormais plus que jamais avec acuité.