«En attendant le vote des bêtes sauvages». C’est le titre du livre de l’écrivain ivoirien, Ahmadou Kourouma qu’on ne présente plus, qui a séjourné au Togo où il avait travaillé dans l’assurance. L’auteur du livre avait méticuleusement observé le cas togolais en matière de la politique de gestion de l’environnement aux dépens des populations et l’avait restitué avec toute la rigueur intellectuelle dans son ouvrage ci-dessus cité.
Dans ce livre écrit dans un français chatoyant avec un humour caustique et une flamboyante satire, l’auteur a décrit et mis à nu les dérives d’une dictature africaine. Le lecteur, à l’époque, ne pouvait pas se tromper. Il s’agissait sans aucun doute des pratiques du dictateur EYADEMA qui, dans les années 70, avait fait de notre pays, son bien et le gérait selon ses humeurs et ses caprices.
La publication de ce livre avait soulevé beaucoup de remous au Togo parce qu’on y parlait de la cohabitation impossible entre les bêtes sauvages et les Togolais qui étaient brimés, piétinés, écrasés et/ou persécutés dès qu’ils ont affaire à n’importe quelle race d’animaux sauvages. Cette politique d’étouffement et d’étranglement de tout un peuple avait été initiée et appliquée sans pitié et sans vergogne au nom de la sauvegarde de l’environnement et de la protection des bêtes sauvages, d’où le titre.
L’homme qui incarnait cette politique d’inhumanité et qui opérait directement sous l’impulsion de feu EYADEMA, s’appelait Samon KHORTO, le tristement célèbre Ministre de l’Aménagement rural dont le seul souvenir fait encore frémir ses victimes.
Aujourd’hui, nous pouvons heureusement affirmer, sans être démenti, que ces genres de situation appartiennent au passé. Il se trouve en revanche qu’un autre phénomène se dessine sous nos yeux, prend de l’ampleur et crée d’énormes préjudices aux paysans togolais qui ne savent plus à quel saint se vouer un peu partout sur la terre de nos aïeux.
«Un renne donne du front contre le chêne…», dit une locution proverbiale russe. Ici, il n’est point question d’une bête face à un régime tentaculaire incarné par le chêne. Le problème se pose au sujet de la cohabitation entre les paysans autochtones qui vivent des produits de leurs champs et les Peulhs éleveurs prédateurs qui les envahissent et détruisent par la nuisance de leurs troupeaux de bœufs, les champs et, par ricochet, les terres fertiles, hypothéquant ainsi leur survie.
Face à ces dérives, un digne fils du terroir qui a subi des préjudices et qui se sent lésé, a décidé d’agir et on voit son front s’armer et son esprit de résistance s’affirmer. Ses actions ajustées se heurtent à un puissant réseau de connivences composé de magistrats, d’officiers supérieurs de la gendarmerie et des FAT qui ont instrumentalisé la Justice dans la localité en imposant une nécessaire cohabitation déséquilibrée et malsaine qu’ils veulent, à tous les coups, instaurer au détriment des populations.
Ce réseau de connivences composé des propriétaires des bœufs se trouve être le principal soutien des Peulhs qui, forts de cet appui, sèment la terreur en narguant les paysans, en les traquant dans leurs propres champs parce qu’ils se croient en territoire conquis et comptent sur l’influence de leurs mandants pour enrayer toute velléité. Le réseau de connivences qui tire les ficelles en sous-main croit pouvoir imposer son diktat parce qu’il représente un gigantesque gourdin qui peut tout assommer. Néanmoins, même si le combat parait, a priori, inégal, tout porte à croire qu’à terme, le temps joue contre ceux-là qui se croient tout permis, même si dans leurs basses besognes, ils font souffrir leurs compatriotes qui vivent en paix dans leur contrée.
Actuellement, nous pataugeons dans une confusion totale en raison de l’amalgame fait entre l’élevage des bœufs par les nationaux et la problématique de la transhumance.
Il faut donc lever l’équivoque. Nous avons donc mené des investigations à tous les niveaux. Nous avons rencontré et interrogé les Peulhs. Ces derniers ont révélé que les troupeaux de bœufs appartiennent aux Togolais et ne proviennent pas de la transhumance qui est un phénomène ponctuel donc saisonnier.
En clair, les bœufs qui sèment les dégâts, dévastent les champs et étranglent les autochtones ne sont pas ceux de la transhumance mais appartiennent au réseau de connivences organisés par des Togolais qui ont pris goût à l’élevage des bovins qui leur procure de substantielles ressources financières.
Que dire ? Sinon que cette situation est dangereuse parce qu’elle compromet à court, moyen et long terme l’avenir du monde rural dans notre pays. Et pire, l’environnement sera complètement réduit à néant si rien n’est fait pour réguler cette razzia qui ne dit pas son nom, mais qui se développe à un rythme époustouflant. Un tout petit exemple pour illustrer ce que nous disons : Le passage des bœufs dans un champ de maïs provoque la perte de tout ce qui est semé et contribue rapidement à la dégradation des terres fertiles. Et chaque année, le nombre de bœufs augmente de façon exponentielle à cause de la reproduction constante de ces bêtes.
Les Peulhs chargés d’élever les bœufs dans la Préfecture des Lacs par exemple ne se fixent aucune limite. Ils n’ont pas d’enclos. Ils se promènent partout, nuit et jour, pour nourrir leurs bêtes et, bonjour les dégâts. Ainsi, nous assistons impuissants à une invasion destructrice des champs des paysans et de leur environnement naturel. La justice refuse de sévir pour dissuader en cas de plainte. Elle se contente de jouer la comédie en rendant des verdicts symboliques.
Il convient ici de faire le distinguo entre le phénomène de la transhumance et l’élevage des bovins par les puissants nationaux qui s’abritent derrière les Peulhs.
En l’espèce, si les nationaux veulent élever des bœufs à une échelle aussi vaste que ce qu’on observe actuellement dans la Préfecture des Lacs et particulièrement dans le canton d’Aklakou, ils doivent respecter les lois de la République notamment le Décret N° 2017-040/PR du 23 mars 2017 fixant les procédures des études d’impact environnemental et social et l’Arrêté N° 015/MERF/CAB/ANGE du 22 Décembre 2017 fixant la liste des activités et projets soumis à étude d’impact environnemental et social.
Si les magistrats, les officiers supérieurs et consorts propriétaires des bœufs qui s’abritent derrière les Peulhs peuvent se donner la peine de se procurer ces textes, ils comprendront qu’au Togo, tout est règlementé dorénavant. Il existe des textes et des lois qu’il faut respecter impérativement. Ils n’ont pas le droit de se voiler la face en agissant comme ils le font.
Il ne doit pas s’agir de forcer les paysans à cohabiter avec les Peulhs prédateurs à n’importe quelle condition. Il s’agit, pour les propriétaires des bœufs, de s’organiser pour créer les conditions idoines d’élevage de bovins conformément aux lois en vigueur. Le cas dans la Préfecture des Lacs a été porté à la connaissance du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et du Ministre de la Sécurité et de la Protection Civile qui ont désapprouvé ce qui se passe. C’est donc le lieu de souligner que le nœud du problème se situe au niveau du Parquet d’instance d’Aného et de quelques Brigades de Gendarmerie. A la limite, on privilégie le règlement à l’amiable aux dépens du volet pénal. On se contente, à l’issue des procès, de requérir des peines de complaisance contre les Peulhs illettrés qui ne comprennent rien au terme « sursis ».
Dans le canton d’Aklakou y compris Agoègan, plusieurs villages sont sinistrés notamment Adamé, Kpondavé et Avévé, un village martyr où un Peulh a décapité un paysan en 1995, crime qui n’a jamais été jugé, ni puni. Les paysans ont encore ce souvenir atroce en mémoire.
Les Togolais victimes ne sauront rester les bras croisés face à la dévastation de leurs champs et à la dégradation de leurs terres. Les puissants qui sont les complices passifs de ces méfaits portent une lourde responsabilité.
Le Préfet des Lacs à pied d’œuvre pour juguler le péril ne nous démentira pas.
Nous venons d’annoncer la couleur. Prochainement, nous rentrerons dans les détails. Ne dit-on pas que le diable se trouve dans les détails ? Nous citerons des noms et ne reculerons pas devant les menaces qui pointent déjà à l’horizon. Alors chacun en aura pour son compte et l’opinion de tous sera faite. Car, on ne peut pas être heureux quand à côté, il y a des gens qui souffrent, parce que malheureux.
Nous ne devons pas permettre qu’une frange de nos compatriotes, parce qu’ils sont des paysans pauvres et illettrés, soit lésée dans leurs droits inaliénables.