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Togo/Patrick Lawson: “Nous avons eu tort d’arrêter les manifestations car c’est la seule arme qu’on avait”

Publié le samedi 1 septembre 2018  |  Courrier d'Afrique
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© aLome.com par Parfait
Ouverture des consultations en vue d’un nouveau dialogue au Togo
M. Patric LAWSON au sortir de la Primature.
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De l’Union des forces de changement (UFC) hier à l’Alliance nationale pour le changement (ANC) , il est présenté comme un personnage politique doté d’une certaine sagesse. Les prises de parole publique, il ne les fait que rarement. Depuis le début de la crise politique actuelle, on ne l’a pas vraiment entendu. Courrier d’Afrique est allé pousser Patrick Lawson à briser le silence.
Le premier vice-président de l’ANC est un homme inquiet quant au statu quo observé malgré la feuille de route de la CEDEAO qui, à ses yeux, a plus que jamais une belle occasion pour se racheter après la forfaitaire commise en 2005 Des réformes électorales et institutionnelles à la question de l’alliance électorale au sein de la C14, Patrick Lawson regrette l’arrêt des manifestations de rue qui constituent, selon lui, la seule arme de l’opposition. Pour finir, le président de la Commission Environnement et Changement climatique à l’Assemblée nationale lance un cri de coeur à toutes les bonnes volontés pour sauver son Aného natale en bute à une érosion côtière assez inquiétante.



Cela fait un mois que la CEDEAO a proposé une pour une sortie de crise au Togo. Mais visiblement tout est au point mort. Comment est-ce que vous l’analysez ?

Je suis inquiet. Je n’ai rien à cacher là-dessus. J’ai cru au départ que la CEDEAO aura le souci de se racheter après tout ce qui s’est passé particulièrement en 2005. Mais tel que les choses évoluent, sans vouloir sérier le groupe des chefs d’Etat, je préfère parler de la CEDEAO globalement : Cela ne nous rassure guère. Des chefs d’Etat de la CEDEAO sont également inquiets, mais ce n’est pas le lieu de citer des noms. Considérons que c’est une organisation qui a pris le problème du Togo en main et elle a le devoir de trouver des solutions. Cela fait un mois que cette feuille de route qui, d’ailleurs insatisfaisante, est sortie. Nous ne comprenons pas que jusqu’à présent, les facilitateurs ou leurs représentants ne soient pas revenus et on a vu même le président de la Commission venir à Lomé tout seul. Tout cela n’est pas rassurant pour nous. Nous avons confié notre sort en partie aux facilitateurs parce que nous avons considéré qu’ils sont conscients du problème togolais. Nous ne voudrions pas que le sort du Togo soit désormais entre les mains d’un fonctionnaire.

Est-ce que cette feuille de route peut permettre au Togo de mettre fin à la crise ?

Je demeure sceptique. En 1990, lorsqu’il y a eu l’insurrection, c’est parce que le pouvoir d’Etat était confisqué par un seul homme, une seule famille, un seul clan. Les Togolais se sont soulevés et comme remède, nous nous sommes prescrits la constitution de 1992, croyant que ça allait réconcilier les filles et fils du Togo. Tel n’a pas été le cas. Le régime ayant tiré des leçons des élections de 1994 et 1998, décida de modifier complètement et unilatéralement la constitution originelle de 1992. En 1994, le mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours a permis à l’opposition et singulièrement au CAR et à l’UTD de remporter les élections législatives. En 1998, le fichier électoral moins corrompu, et la vigilance des membres dans les bureaux de vote, ont permis à Gilchrist Olympio de battre à plate-couture le régime déjà trentenaire.


Ainsi donc, ce mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours a été supprimé aussi bien pour les législatives que pour les présidentielles. Plus grave, en 2002, les fondamentaux de la constitution de 1992 ont été modifiés. En 2005, ils l’ont exacerbé en la charcutant un peu plus. Et aujourd’hui nous avons ce que nous avons. Des années ont passé. Le sort des togolais ne sait guère amélioré : Pas de route, pas de pain quotidien, pas d’écoles.

Une dictature sournoise a pris la place de celle plus brutale. Les Togolais, mécontents et soucieux de l’avenir de la jeunesse, ne cessent de répondre aux différents appels à manifester des forces démocratiques. Leurs sorties devenaient de plus en plus massives. Je ne citerais pour preuves que celles des 12 Juin et du 03 Août. Cette dynamique populaire va permettre aux togolais de briser le mur artificiel qui voudrait scinder le Togo en deux, le Nord et le Sud. On allait vivre le phénomène social total du 19 Août, date à la quelle, les togolais ont fait écrouler le mur de la honte : dans une symbiose extraordinaire, tous les togolais se sont retrouvés pour dire non au régime cinquantenaire. C’est la grande différence. C’est ce qui s’est passé le 19 août et il est compris de tout le monde que le peuple togolais est seul, uni et indivisible ; que ce peuple refuse le régime tel qu’il est et le dirige aujourd’hui. Ce peuple veut que les choses changent. De 19 août à aujourd’hui, avec le soutien populaire beaucoup de choses ont pu être faites par la C14.

Mais, lorsqu’on lutte, c’est la vigilance de tous les temps. Et a cet effet, je nous fais des reproches. Cela n’engage que moi. Cela n’engage pas mon parti. Nous avons eu tort d’arrêter les manifestations parce que c’est la seule arme qu’on avait. Et aujourd’hui, le régime le sait. Il nous fera toutes les entourloupettes pour nous empêcher de reprendre les manifestations, notre arme redoutable et populaire. Si on avait continué les manifestations, en les conjuguant avec notre capacité de négocier, les deux conjuguées auraient pu donner quelque chose d’extraordinaire. Cependant, j’espère que ça va se corriger parce que le régime lui-même pousse à ce que les populations, elles-mêmes se révoltent et ça ne va pas tarder, je suis convaincu.

L’opposition n’a pas de représentant à la commission électorale nationale indépendante mais l’institution fonctionnent et prépare les législatives ?

Avant de vous répondre, je voudrais vous dire : ‘Autres temps, autres mœurs’. Il n’est plus question qu’on nous pousse et qu’on accepte d’aller aux élections dans n’importe quelles conditions. C’est fondamental cette précision. Répondre précisément à votre question, aujourd’hui, nous n’accepterons plus qu’on nous impose les membres de notre quota. On ne peut plus nous choisir notre entité. Si la CENI paritaire comme nous le souhaitons, cela veut dire que sur les 17 membres, l’opposition choisira ses 8 membres et il revient au parti UNIR d’en faire au temps. UNIR ne peut nous imposer le choix de no membres.
Et il va de soit que la 17ème personne ne peut et ne doit être qu’un homme de consensus et d’équité. Dans ces conditions, il revient à l’opposition de choisir exclusivement ces 8 membres. Et il faut que cela soit clair pour tout le monde. On ne pourra pas faire autrement parce que nous avons assez concédé sur ces choses et je vous dis : on ne le fera plus. Il y a également le problème du fichier électoral. Ce fichier doit être repris de fond en comble et avec à la clé, la biométrie intégrale. A la C14, dans la société civile et dans la diaspora, nous nous battrons jusqu’au dernier souffle. Je suis sûr que le vaillant peuple togolais prendra une fois encore son destin en main et ne comptera pas uniquement sur les seules forces humaines et limitées des partis de l’opposition. La détermination des populations est la seule arme dont dispose les forces démocratiques.

En ce qui concerne la CEDEAO, je m’interroge, sur ce qui peut encore nous arriver. Qu’aucune organisation ne vienne nous dire que le pouvoir est assez avancé dans les travaux, avec la collaboration avec ZETES, qui a fait trop de mal au Togo. Nous ne l’entendons plus de cette oreille. Je vous dis, la représentation nationale doit être désormais le fait du peuple et non le fait du prince. Il faut que ce soit au cours des élections transparentes et crédibles que le peuple désigne désormais ces représentants. Et non plus par le jeu des fraudes.

C’est pourquoi nous nous battrons pour qu’il ait un fichier électoral clair, une CENI paritaire et indépendante, des experts jouent leurs rôles d’objectivité, une Cour Constitutionnelle recomposée et juste. Et n’oublions pas qu’en dehors des réformes électorales, il y a les réformes constitutionnelles pour lesquelles les Togolais sont allés dans la rue. Nous devrions éviter de nous contenter seulement des réformes électorales. C’est avec les réformes constitutionnelles et institutionnelles que les Togolais sauront que les choses ont changé, qu’il n’y aura plus d’élections truquées faites de violences. C’est le seul climat dans lequel il n’y aura pas d’abstention, ni de personnes déplacées pour cause d’élections. Nous ferons ainsi des élections, des moments de bilan et d’acte civil.

Vous n’êtes pas d’accord avec la CENI actuelle mais au niveau de la C14 pourrait-on voir une alliance électorale s’il faut nécessairement aller aux élections ?

Je trouve ce débat pour le moment surréaliste, vous savez, je suis l’un de ce qui ont commencé la C14, je suis Vice Président de l’ANC, parti que préside Jean Pierre Fabre. Un parti comme le nôtre ne peut souffrir de dyarchie. Le président lui-même nous représente et fait bien son travail au sein de la C14 ; un travail exténuant qu’il fait avec dextérité. C’est juste pour vous dire que j’ai eu l’avantage de prendre part à certaines réunions fondamentales pour la C14 : Par exemple celle au cours de laquelle nous avons convenu que notre plateforme de travail serait le plus petit dénominateur commun.

Réformes !réformes !réformes ! Les partis ne perdent pas leur autonomie. Une fois que l’environnement politique sera assaini, nous irons aux élections. Il se trouve que, pour avoir travaillé ensemble, cela exige une forme de solidarité et de cohésion. Alors peut on dire, sans coup férir que nos partis politiques peuvent prendre part aux échéances à avenir, sans aucune forme d’alliance électorale, entre les partis de la C14, voire même avec d’autres partis de l’opposition? Non. Personne ne peut le dire. Ce que nous n’acceptons pas, c’est qu’on commence par parler d’alliance électorale alors qu’on n’a pas encore résolu les problèmes des réformes, réformes constitutionnelles, réformes électorales. Parler déjà d’alliance en croyant que celle ci peut permettre de gagner les élections dans n’importe quelles conditions, est un leurre.

Écoutez-moi bien. je ne dis pas que le régime RPT /UNIR est plus fort que nous. Non. Nous allons perdre ces élections parce que si nous n’avons pas assaini l’environnement institutionnel et constitutionnel, les Togolais ne seront pas rassurés, ils n’iront pas voter. Si nous n’avons pas de bonnes conditions de participation à ces élections, un fichier fiable, une CENI digne de ce nom avec une Cour Constitutionnelle qui dit vraiment le droit, si nous n’avons pas un découpage (électoral, ndlr) reformulé, il n’y aura pas de transparence. A cela s’ajoute le vote de la diaspora. Ce qui implique et nécessite la création de nouvelles circonscriptions électorales dédiées aux togolais de l’étranger. Juste pour rappel, le vote de la diaspora fait partie de nos revendications, comment allons-nous le faire, si nous ne tenons pas compte de leur existence dans le découpage électoral qui s’impose d’ailleurs.

Une autre préoccupation : S’agissant du mode de scrutin proportionnel à la plus forte moyenne, c’est le mode de scrutin qui permet au parti au pouvoir de par le système communautariste d’avoir 18 voire 31 députés avant même qu’on ne commence la répartition des sièges. C’est pour cela que nous disons que le mode de scrutin majoritaire uninominal à deux tours pour les législatives est ce qui est juste aujourd’hui. C’est vrai, je reconnais que cela favorise les personnalités mais lorsqu’on parle des personnalités dans ces conditions, c’est aussi des personnalités locales. Un cultivateur qui se respecte, un bon père de famille est une personnalité dans son milieu et à ce titre est respecté. Est-ce que nous le comprenons ? Voilà comment nous, nous voyons les choses.

Cependant, il ne nous effleure pas l’esprit de refuser une alliance électorale avec des femmes et des hommes avec qui on fait la lutte. Seulement nous disons que sachons raison gardée. Il n’est pas encore temps et il y a des réalités dont il faut tenir compte. Tout le monde connait ces réalités. Lorsqu’on crée un parti et on travaille sur le terrain, ce n’est pas facile de faire table rase du travail fait par les camarades de parti. Et cela n’est pas propre au Togo. Cependant, nous nous faisons un devoir de faire des sacrifices mais on attend de voir les réformes d’abord pour juger du type d’alliance qui peut se faire. Il faut juste que chacun de nous soit raisonnable.

Pour vous président qui êtes de la commission Environnement et changement climatique à l’Assemblée Nationale, comment ces questions sont-elles traitées?

Je me permettrai de faire une petite digression. C’est de moi-même que j’ai choisi d’animer la commission de l’environnement au Parlement. Les miens au parti ont dit mais comment le vice président peut choisir une commission qui n’a pas de prestige comme les autres. Mais vous savez, j’aime la connaissance et j’admire ceux qui en ont particulièrement dans le domaine des énergies renouvelables, de l’environnement. Ce n’est pas mon domaine de prédilection. Mais j’anime, je veux comprendre, j’amène les gens à mieux expliquer parce que c’est une réponse à la pauvreté. Celui qui a l’électricité, a de quoi manger. Par exemple l’électricité rurale intervient dans beaucoup de domaines aujourd’hui. Je vous assure j’ai trouvé des Togolais brillants dans ce domaine. Que ce soit du coté du gouvernement, du parti au pouvoir ou encore de l’opposition et même des particuliers. Je pense qu’il est maintenant important que la volonté politique accompagne toute initiative qui vise la promotion du domaine.

Nous sommes aussi préoccupés dans la commission par l’érosion côtière, ce phénomène me touche particulièrement. Ma ville Aného s’en va, ma ville meurt à cause de l’érosion côtière. Nous sommes entre le fleuve et la mer. Je voudrais interpeller tous les fils d’Aného. Qu’ils soient de UNIR ou de l’opposition, qu’ils prennent conscience parce que pour vivre, il faut avoir des terres, pour vivre ces terres doivent servir à cultiver, à pêcher. Pour faire de la politique à Aného, ces terres doivent exister. C’est la seule promesse politique qui vaille la peine.
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