Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Annonces    Femmes    Nécrologie    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Économie
Article
Économie

[Tribune] Financements innovants et développement : cas des diaspora bonds

Publié le mercredi 24 octobre 2018  |  FINANCIAL AFRIK
Lancement
© aLome.com par Edem GADEGBEKU & J. TCHAKOU
Lancement du «Mois de la diaspora» organisé par le CJD autour du thème «Emigration, décentralisation et opportunités de développement»
Lomé, le 05 septembre 2018. Agora Senghor. Lancement du «Mois de la diaspora» organisé par le CJD autour du thème «Emigration, décentralisation et opportunités de développement». Il se déroulera du 05 septembre au 05 octobre 2018, avec au menu des communications, des conférence-débats, des rencontres avec les jeunes à travers tout le territoire, des émissions sur des radios et un gala de foot. Pour cette 1ère édition, 04 pays sont à l’honneur: Ghana, Gabon, Nigeria et Egypte. Les ambassadeurs des ces pays ont honoré de leur présence la cérémonie de lancement de ces rencontres entre des Togolais de la diaspora et ceux qui sont restés au pays. Ces Togolais vivant hors des frontières nationales sont estimés à plus d’un million et demi.
Comment



Par Mohamed KADERGUELI, CEO Sahel Investment Partners




L’objectif de cet article est d’analyser, dans le contexte africain, les emprunts obligataires réservés à la diaspora (Diaspora Bonds) comme instrument innovant de financement du développement, de stabilisation budgétaire et de support à la balance des paiements.


Depuis 2014, la chute des prix des matières premières sur les marchés mondiaux a mis en lumière la faiblesse structurelle des économies africaines. Elle a pesé sur les opérations courantes et les recettes publiques ainsi que sur les monnaies nationales, et a créé des tensions inflationnistes. De plus, la récession des économies industrielles réduit les exportations des économies d’Afrique, limite les investissements directs et accroît les risques.

L’Afrique a enregistré son taux de croissance le plus bas de la décennie en 2016, soit 1,7 %contre 3,7 % en 2015 ; il est inférieur au taux de croissance mondial (2,3 %) et à celui de la plupart des autres régions en développement.

Les pays africains font donc partie de ceux qui souffrent le plus de la crise économique, qui se traduit par des tensions budgétaires plus ou moins graves selon les pays. Pourtant, les défis sont énormes et les besoins de financement du programme de transformation de l’Afrique substantiels : environ 94 milliards de dollars d’investissements en infrastructures par an sur 10 ans pour combler le déficit de financement dans le seul secteur des infrastructures (Forum économique mondial, 2015).

Mais en 2014, seuls 74 milliards de dollars ont été investis dans les infrastructures, soit donc une baisse d’environ 25 % par rapport à 2013. La baisse des revenus liés aux matières premières, qui représentent entre 25 et 85 % des recettes de ces pays, a plongé la région dans une crise, ouvrant ainsi la porte au Fonds monétaire international (FMI).

Pour relancer définitivement leur machine économique, les États africains vont donc devoir trouver d’autres sources de financement. Nombreux sont les pays qui ont dû recourir au marché des capitaux pour obtenir les fonds nécessaires à leur fonctionnement et aux investissements publics, notamment en mobilisant de la dette en monnaie locale ou en devises (emprunts obligataires).


La diaspora africaine dans le monde


Selon la Banque africaine de développement (BAD), la diaspora africaine représente environ 140 millions de personnes à l’échelle du globe, dont 30 millions de nouveaux migrants installés en Occident. L’épargne annuelle de cette diaspora dans les pays d’accueil est estimée à 53 milliards de dollars US.

Malgré des coûts de transaction élevés, les transferts en provenance de la diaspora subsaharienne ont quadruplé depuis 1990, atteignant 40 milliards de dollars US en 2010, soit 2,6 % du produit intérieur brut.

Il s’agit donc de flux financiers importants en provenance de citoyens africains et de leurs descendants hors de leur pays d’origine, qui sont au cœur du lien entre migration et développement. Présentement, les pouvoirs publics africains s’intéressent aux flux financiers les plus visibles, à savoir les transferts de fonds, et dans une moindre mesure les investissements directs des migrants.

Il existe pourtant une troisième catégorie de flux financiers émanant des diasporas : l’investissement dans les marchés financiers. Cette troisième catégorie, bien que procurant des ressources à long terme, reste peu connue, du moins peu exploitée par les acteurs, publics comme privés, du continent africain.

En effet, en plus de leurs revenus d’activité, les migrants d’origine africaine disposent très souvent d’un capital non négligeable sous forme de biens immobiliers, de placements (actions, obligations et autres instruments financiers), et de comptes d’épargne et de retraite.

Psychologiquement, les investisseurs issus de la diaspora appréhendent le risque différemment des investisseurs internationaux usuels. Étant donné leurs liens avec le pays d’origine, ils ont en général une meilleure connaissance des réalités locales et sont moins sensibles aux variations des taux de change, parce qu’ils peuvent acquitter dans la monnaie locale leurs obligations financières (support financier à la famille, charges d’exploitation d’une entreprise, hypothèque, etc.).

Pour des raisons affectives, il est également probable que les investisseurs issus de la diaspora aient une approche plus flexible, voire « indulgente », du temps nécessaire au retour sur investissement (ROI).

Les pouvoirs publics et les acteurs économiques du continent doivent donc analyser avec beaucoup d’attention et de finesse leur diaspora afin de mieux la cerner, de capter et d’orienter ses flux financiers, et surtout de la mettre à contribution dans le processus de développement du continent en la sollicitant comme investisseur direct ou indirect. Dans cette démarche, ils doivent être soutenus et appuyés par les organisations multilatérales de développement, les agences de développement, les organisations régionales et sous–régionales, la Banque africaine de développement, l’Union africaine, le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), etc.



Typologie des instruments
À ce jour, nous disposons de très peu d’informations sur les habitudes et l’ampleur de l’activité des diasporas sur les marchés financiers. Toutefois, il faut en remarquer la constante progression dans le développement des marchés financiers à l’échelle du continent.

De nombreux gouvernements, organisations régionales et entreprises, ont élaboré des instruments financiers adaptés et attractifs pour les diasporas africaines. Nous distinguons globalement quatre types d’instruments financiers pouvant servir à la mobilisation des capitaux des diasporas africaines par l’entremise des marchés financiers :

1. Les comptes de dépôt spéciaux, libellés en monnaie nationale et en devises étrangères ;
2. Les prêts nationaux grâce auxquels les membres de la diaspora peuvent acquérir des biens immobiliers et fonciers dans leur pays d’origine ;
3. La titrisation des futurs rapatriements de fonds, qui élargit le pouvoir d’emprunt des banques, à des taux d’intérêt plus bas ;
4. Les obligations destinées aux diasporas, qui permettent aux États ou aux entreprises d’emprunter à long terme.
Les trois premiers instruments seront abordés ultérieurement dans nos prochaines études. Dans cet article, nous nous limiterons à l’analyse des émissions d’obligations destinées aux diasporas : les Diaspora Bonds.


Emprunts obligataires Diaspora (Diaspora Bonds)

L’obligation Diaspora, ou Diaspora Bond en anglais, est un titre de dette à long terme,émis par un État, une collectivité locale ou une entreprise à destination de sa diaspora. Concrètement, le détenteur de l’obligation Diaspora prête une somme et reçoit chaque année à la même date le versement des intérêts liés à ce prêt. C’est ce que l’on appelle le coupon.

À l’échéance, le prêteur (l’acheteur de l’obligation) est remboursé du nominal. Il existe plusieurs horizons de temps pour une obligation : 5, 7 et 10 ans.

En émettant des obligations Diaspora, les pouvoirs publics et les entreprises peuvent mobiliser des capitaux à long terme avec des taux d’intérêt souvent réduits, concédés pour des raisons affectives par les investisseurs de la diaspora. Lesquels font souvent confiance à leur pays d’origine quant à sa capacité à rembourser le principal et les intérêts. De même, les membres de la diaspora se montrent souvent plus flexibles et moins exigeantsen matière de taux et de délais, par rapport à la rentabilité.

Historiquement, les premières obligations Diaspora ont été émises dès les années 1930 par la Chine et le Japon. Depuis, plusieurs gouvernements ont émis des obligations de ce type afin d’attirer les capitaux de la diaspora. Israël y recourt chaque année depuis 1951, à travers la Development Corporation for Israel, dans l’objectif de mobiliser des capitaux à long terme, nécessaires au financement des infrastructures.


Dans les années 1970, l’Égypte à son tour émet des emprunts obligataires à destination de sa diaspora basée au Moyen–Orient. L’Inde, pour limiter le déficit important de sa balance des paiements et maintenir la confiance dans son système financier, émet des obligations pour sa diaspora en 1991, 1998 et 2000. Le Sri Lanka émet également, depuis 2001 des obligations à destination de sa diaspora, de même que le Ghana qui a lancé, en2007, des « bons d’épargne » pour sa diaspora.

Enfin, en 2008, l’Éthiopie a émis les « obligations du Millénaire » dans le but de financer l’extension du réseau électrique de la société d’État EEPCo (Ethiopian Electric Power Corporation).


Emprunts obligataires orientés diaspora et développement

Les emprunts obligataires émis par les États, les collectivités et les entreprises à destination des membres de la diaspora sont orientés vers la construction de l’infrastructure nationale : routes, chemin de fer, centrales électriques, etc. Il s’agit donc d’une source stable de ressources à long terme, qui permettront aux gouvernements concernés d’investir dans les transports, l’énergie, les télécommunications, les ressources en eau et autres projets d’infrastructure essentiels.

Cet instrument constitue également un bon moyen d’entretenir des liens avec la diaspora.

Les emprunts obligataires émis par la Development Corporation for Israel et l’État éthiopien, de même que les bons d’épargne lancés par le Ghana, obéissent tous à cet objectif, à savoir le financement des infrastructures.



Emprunts obligataires et stabilisation budgétaire
En émettant des obligations Diaspora, les pouvoirs publics et les entreprises mobilisent des capitaux à long terme qui seront employés au service de l’économie nationale.

Contrairement donc aux capitaux spéculatifs à court terme des investisseurs internationaux classiques, les flux provenant des obligations Diaspora sont des ressources à long terme qui alimentent l’économie nationale. Par exemple, en Inde, on observe la répartition suivante :

– 40 % des ressources destinées au secteur réel ;
– 50 % au refinancement des banques ;
– 10 % au développement des infrastructures.
En cela, les flux financiers provenant des diasporas constituent un élément de stabilisation budgétaire.



Obligations Diaspora & balance des paiements
La majorité des pays d’Afrique subsaharienne ont longtemps dû faire appel à l’aide extérieure ou à des prêts d’institutions financières internationales pour couvrir leurs besoins en devises.

Dans des situations de crise financière, qui se traduisent notamment par une raréfaction des devises, ils peuvent aussi émettre des emprunts obligataires à destination de leur diaspora dans le but de stabiliser une balance des paiements en déséquilibre plus ou moins chronique.

Ainsi, l’Inde, face aux sanctions financières internationales (1991, 1998) et pour des besoins spéciaux (2008), a émis des emprunts obligataires réservés à sa diaspora dans le but de limiter le déséquilibre de sa balance des paiements et de maintenir la confiance dans son système financier.



En conclusion


Les obligations Diaspora constituent un outil performant permettant aux gouvernements de financer le développement à des conditions avantageuses. En contrepartie, il exige de ces derniers de savoir gagner la confiance de leur diaspora. Selon la Banque africaine de développement, l’enjeu en vaut la peine.

Pour réussir les émissions obligataires destinées aux diasporas, les États africains, les collectivités locales et les entreprises sont tenus d’observer un minimum de règles en la matière, notamment par rapport à la notation et à la connaissance de leur diaspora.

Les émetteurs d’emprunts obligataires Diaspora se doivent de se montrer convaincants envers leurs citoyens expatriés, afin de susciter leur adhésion à cet instrument. En effet, iln’est point aisé d’inciter des personnes qui ont une image dégradée de la gouvernance de leur pays d’origine, des personnes qui ont fui l’oppression, à souscrire à un emprunt d’État.


Les gouvernements doivent faire preuve de réalisme, de discernement et d’un minimum de préparation – notamment en matière de communication –, et cibler les populations qui présentent une perspective à long terme de développement et de croissance économique.

À l’instar d’Israël, de l’Inde et, dans une moindre mesure, de l’Éthiopie, les emprunts obligataires destinés à la diaspora peuvent soutenir le développement d’un pays. Israël met à contribution la diaspora juive depuis 1951 pour recueillir 32,4 milliards de dollars ;l’Inde a émis des obligations Diaspora à trois reprises pour lever 11,3 milliards de dollars.


... suite de l'article sur Autre presse

Commentaires