« Là où le niveau intellectuel
descend, les charlatans s’élèvent, comme ces rochers de la grève, qui ne
grandissent que de l’abaissement de la marée » (John Petit-Senn, Bluettes et boutades)
En pleine vague de mécontentements de
partis d’opposition et d’associations de la société civile, contre la
hausse récente des prix de produits pétroliers, le gouvernement togolais
s’est lancé dans une campagne d’explication. Mais à y suivre de plus
près les différents « hérauts » du gouvernement, il parait évident que
la teneur des messages n’est curieusement pas la même dans toutes les
situations.
D’un côté, Dédé Ahoéfa Ekoué, la
ministre de l’Action sociale, sur les ondes d’une station Radio de
Lomé, il y a quelques jours, annonçait: « Le gouvernement va prendre
des mesures d’accompagnement après la hausse des prix du carburant
intervenue jeudi dernier et qu’une large concertation aurait lieu très
rapidement pour examiner les moyens de limiter l’impact sur les prix des
produits de première nécessité ou des transports, ».
D’un autre, le ministre de la Planification, Djossou Sémondji expliquait dans une interview: « le
gouvernement a débloqué plus de 40 milliards de Fcfa en subvention sur
les produits pétroliers, en 2013. C’est une perte considérable en
recettes qui auraient pu servir à soutenir les plus défavorisés. Or ces
subventions n’ont pas profité aux populations qui en ont le plus besoin.
La majorité de la population n’utilise que le pétrole lampant en milieu
rural, pas l’essence ou le gasoil. C’est d’ailleurs la raison pour
laquelle son prix n’a pas augmenté cette fois ». Et cette explication du ministre est la chanson de l’heure, la seule que les envoyés du gouvernement servent un peu partout.
Plus loin, le ministre Kako Kossivi
Nubukpo, de la Prospective et de l’Evaluation des politiques publiques,
dans une interview sur une autre station Radio de Lomé, justifiait cette
hausse en arguant en subsistance qu’elle relève, entre autres, des
recommandations des créanciers de l’Etat togolais.
Trois différents types de discours au
même moment. C’est déjà très révélateur d’une affabulation qui ne dit
pas son nom. Pourquoi toutes ces logorrhées? Pourquoi tant d’acharnement
à s’expliquer et à expliquer ce qui n’est pas ? Est-ce une marque de
l’embarras ou de la peur du gouvernement face au silence de la
population ? L’attitude du gouvernement n’est autre que du
charlatanisme, de la supercherie, de la malhonnêteté dont le seul but
est d’attirer vers lui des sympathisants dans une décision inadmissible
et inacceptable.
Rappel. Depuis 2010, à l’époque du
ministre Kokou Gozan, le pouvoir togolais n’a jamais trouvé d’autres
arguties que celles d’une subvention de ces produits par l’Etat. Des
économistes chevronnés ont bien démontré que cette improbable subvention
comparée aux différentes taxes perçues sur le produit, donne toujours
l’Etat gagnant sur les populations. Toutes les démonstrations probantes,
scientifiques, cartésiennes n’ont guère fait changer ce pouvoir. Au
contraire, au fil des années, il trouve de nouvelles façons de manier la
langue de bois.
On pourrait observer que toutes ces
sorties ministérielles ont un double rôle : le digressif et le
justificatif. C’est-à-dire que pendant que Dédé Ahoéfa tente de
perturber les esprits, leur donnant du rêve, les faisant chanter avec
des historiettes et de fallacieuses promesses par l’annonce de mesures
d’accompagnement, ses « Compères » eux, avancent sur leur terrain en
infestant les esprits avec des démonstrations ridicules, du genre « plus question de grever les budgets de l’Etat avec des subventions de produits pétroliers ». Le silence des Togolais ne saurait être pris pour une ignorance.
Cette hausse de ces prix intervient au
moment où nombre de revendications socio professionnelles, des plus
dignes et des plus légitimes s’amoncellent encore sur la table du
gouvernement. Dans cette atmosphère sociale, la hausse actuelle de ces
prix-là doit être un motif d’inquiétude car sous le prétexte fallacieux
de manque à gagner pour le budget de l’Etat, on hausse des prix et on
bouche davantage l’horizon social, pour parler comme Senghor. Par-dessus
bord, on tente d’étouffer les populations par des mentalités peu
orthodoxes. Trêve de charlatanisme !
Ivan Xavier Pereira
LIBERTE HEBDO TOGO