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Les réformes de l’Union africaine, mode d’emploi

Publié le mercredi 21 novembre 2018  |  RFI
Cérémonie
© Présidence de CI par DR
Cérémonie d`ouverture du 11e Sommet extraordinaire de l`Union Africaine
Samedi 17 novembre 2018, à Addis-Abeba (Éthiopie). La cérémonie d`ouverture du 11e Sommet extraordinaire de l`Union Africaine, s’est faite ce samedi, à Addis-Abeba (Éthiopie), en présence de plusieurs chefs d’États.
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Les 55 membres de l'organisation continentale ont adopté plusieurs réformes lors du 11e sommet extraordinaire de l’Union africaine, organisé samedi 17 et dimanche 18 novembre à Addis-Abeba, en Éthiopie. Les réformes doivent notamment permettre de rendre l'institution plus efficace et autonome. Décryptage.


C'était un sommet « constructif », explique un membre d'une délégation étatique. « Satisfaisant », valide de son côté le président tchadien de la Commission de l'Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat. Pourtant, durant deux jours, des observateurs les plus avisés aux acteurs mêmes de l'institution, tous étaient loin de partager cet optimisme. « La montagne a accouché d'une souris », tranche une source haut placée au sein de l'UA.

Il est en effet compliqué de saisir en quoi les mesures validées dimanche 18 après-midi, en présence de moins de la moitié des chefs d’État et de gouvernement d'Afrique (22 sur 55), vont révolutionner le quotidien de l'organisation panafricaine, vieille de 55 ans. « C'est la première fois qu'un sommet de chefs d’État se réunit pour parler de la réforme », se récrie Pierre Moukoko Mbonjo, qui dirige l'unité chargée du dossier auprès de la Commission de l'UA. Même l'Union européenne n'a pas lancé de réforme aussi vaste et ambitieuse, selon une autre cadre de l'organisation.

La refonte de la Commission, l'exécutif de l'Union

Selon les réformes et leurs conséquences, la prochaine équipe sera élue en janvier-février 2021. À cette date, ils ne seront plus dix, mais huit : un président, un vice-président et six commissaires. La parité devra être respectée : si une femme est présidente, un homme sera vice-président et vice-versa. Il y aura également trois commissaires de sexe féminin et trois de sexe masculin. Par ailleurs, l'équilibre entre les cinq régions (Nord, Ouest, Est, Centre, Australe) devra également être pris en compte.

Mais ce sont le mode de nomination et le mandat de cette Commission qui, d’après leurs concepteurs, doivent changer la donne. Le président devrait ainsi devenir le véritable patron de son administration, car il est « le visage de l’Union africaine, il est le directeur général, en même temps qu’il est l’ordonnateur du budget de toute l’Union », rappelle Pierre Moukoko Mbonjo. Au début et à la fin du processus de nomination restent les États : chaque région désigne un candidat et l'Assemblée des 55 chefs d’État décide du vainqueur. Mais entre les deux, les volontaires pour le poste de président de la Commission devront se soumettre à un parcours digne du secteur privé : CV en ligne, profession de foi, débat télévisé, si possible diffusé sur les télévisions nationales, et grand oral final face aux dirigeants.


L’objectif : Réinstaurer une hiérarchie et faire des économies


Le mandat du « patron » va changer : il sera maître, avec son vice-président, du budget et des ressources humaines de l'institution continentale. Il pourra, par exemple, décider désormais de mettre fin aux fonctions d'un de ses commissaires. Il s'agit de réinstaurer clairement une hiérarchie afin que l'exécutif de l'UA ait la force et la légitimité suffisantes pour mettre en œuvre les décisions que les dirigeants prennent sommet après sommet – dont seuls 10% seraient effectivement appliquées, selon une source au sein de l'organisation. En contrepartie de cette indépendance accrue, il devra dresser des objectifs précis chaque année et rendre compte de leur avancée.

Selon ces changements, les États membres pourront par ailleurs mettre fin aux fonctions du président, du vice-président et des commissaires. Est-ce faire entrer le management du secteur privé à l'UA ? «C'est exactement cela, répond Pierre Moukoko Mbonjo, puisqu'il s'agit de mettre en place un système de gestion axé sur les résultats ».

Cette réforme de la Commission de l'Union africaine vise en outre à économiser. À l'unité chargée des réformes, on évoque 500 000 dollars mis de côté par an, rien qu'avec la suppression de deux postes de commissaires. Il faut aussi rappeler que les dirigeants s'étaient mis d'accord en juillet 2018, à Nouakchott, pour passer de deux à un sommet annuel avec les dirigeants - il y aura donc uniquement un Conseil exécutif entre ministres, suivi d'une réunion de coordination entre l’UA et communautés économiques régionales, à l'été 2019 à Niamey.

Réforme du financement et sanctions contre les mauvais payeurs

C'était l'une des grandes décisions du sommet ordinaire de Kigali, en juillet 2016 : l'adoption d'une taxe de 0,2% sur une liste de produits importés afin de « sécuriser » le paiement par les 55 membres de l'UA de leur contribution financière annuelle. L'idée étant simplement d'aider les États à trouver l'argent pour payer leur cotisation.

Aujourd'hui, ils sont 24 à l'avoir mise en place, d'après les chiffres de la Commission. Juridiquement, il s'agit d'une directive donc « le rythme et les modalités de sa mise en œuvre dépendent de chaque État membre », décrypte Pierre Moukoko Mbonjo. Certains ont des contraintes spécifiques. « Il leur faut parfois modifier leur Constitution pour autoriser cette taxe et on sait ce que cela peut avoir comme signification de faire ça sur le continent », raconte un employé de la Commission.

Par ailleurs, les États-Unis continuent de mettre la pression. La mission américaine auprès de l'UA conteste auprès de l'AFP la régularité de ce type de « mesures commerciales », au regard des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Mais la Commission continue d'être optimiste sur cette taxe à 0,2% qui aurait permis de réduire de 60% à 30% la dépendance de l'organisation continentale vis-à-vis des donateurs, d'après l'équipe chargée des réformes.

Des sanctions aux membres qui ne payent pas leur contribution

Si cette taxe n'a pas été abordée durant ce 11e sommet extraordinaire à Addis-Abeba, les États ont en revanche avancé sur un autre point : le durcissement des sanctions contre les membres qui payent avec retard ou ne payent pas leur contribution annuelle. «Nous sommes à un mois de la fin de l'année budgétaire, les contributions sont seulement à hauteur de 50%, s'est insurgé le président de la Commission, Moussa Faki Mahamat, lors de la conférence de presse de clôture. Comment voulez-vous qu'une Commission puisse mettre en œuvre son programme annuel ? »

Le sommet a donc validé un dispositif de sanctions graduelles, selon le retard dans le paiement, qui peut conduire un État de la suspension de prise de parole durant les réunions de l'UA jusqu'à l'exclusion de toute participation aux activités de l'organisation, sommets compris, d'après un document de travail consulté par RFI. En revanche, la révision du barème des contributions financières a été repoussée au sommet des 10-11 février 2019, à Addis-Abeba. Elle doit permettre aux grands contributeurs de ne pas payer à eux seuls plus de 40% de la note.

La création d'une agence de développement

Le nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (Nepad) est transformé en Agence de développement de l'Union africaine – Nepad. « Les chefs d’État ont voulu garder la marque Nepad qui est déjà très connue », indique Pierre Moukoko Mbonjo. Concrètement, le sommet des 17-18 novembre a défini le mandat de cette institution refondée et, surtout, en a intégré le budget dans celui de l'UA.


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